Publications de l'École française de Rome La querelle des ultramontains et des
Publications de l'École française de Rome La querelle des ultramontains et des gallicans à Rome à propos du Ver rongeur de Monsieur Gaume (1851-1853) Antoine Wenger Résumé Vers 1840 l'on songeait de divers côtés à créer une école française de théologie à Rome qui eût été pour les sciences ecclésiastiques ce que l'Académie de France est pour les arts. Ce projet ne put aboutir et les Pieux Etablissements de la France à Rome n'ont jamais comporté de séminaire ou d'école théologique. La fondation du Séminaire français à Rome en 1853 a été la conséquence indirecte d'une querelle provoquée dans l'Église de France entre gallicans et ultramontains, par la publication en juillet 1851, du livre de l'abbé Gaume : Le ver rongeur des sociétés modernes ou le paganisme dans l'éducation. L'A. étudie les réactions des évêques et du clergé de France au livre de l'abbé Gaume à partir d'une correspondance inédite comportant quelque mille pièces. Il y discerne les deux camps qui divisèrent alors l'épiscopat français et qui apparaîtra au premier Concile du Vatican : d'un côté les gallicans, avec à leur tête Mgr Dupanloup, évêque d'Orléans de l'autre les ultramontains, avec Mgr Pie, évêque de Poitiers, et Mgr Doney, évêque de Montauban. Cette querelle fait aussi apparaître l'entrée en lice des laies tels Louis Veuillot, pour la défense des libertés religieuses, au grand scandale des évêques gallicans qui pensaient que traiter de la religion était un domaine réservé à la hiérarchie. Citer ce document / Cite this document : Wenger Antoine. La querelle des ultramontains et des gallicans à Rome à propos du Ver rongeur de Monsieur Gaume (1851- 1853). In: Les fondations nationales dans la Rome pontificale. Actes du colloque de Rome (16-19 mai 1978) Rome : École Française de Rome, 1981. pp. 821-849. (Publications de l'École française de Rome, 52); https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1981_act_52_1_1424 Fichier pdf généré le 28/03/2018 ANTOINE WENGER LA QUERELLE DES ULTRAMONTAINS ET DES GALLICANS À ROME À PROPOS DU «VER RONGEUR» DE MONSIEUR GAUME (1851-1853) II est surprenant que les Fondations françaises à Rome ne comptent pas un séminaire ou tout au moins une maison pour les prêtres qui eussent souhaité faire leurs études de théologie à Rome. On peut expliquer cette lacune par la qualité des séminaires en France qui ne manquaient pas d'éducateurs de valeur: sulpiciens, lazaristes, oratoriens; ou encore par le désir des évêques français et des Rois qui les nommaient de garder une certaine indépendance par rapport à Rome. L'anomalie de la situation apparut cependant aux meilleurs esprits au lendemain de la Révolution. En 1841, il y eut une première tentative de transformer la communauté de Saint-Louis en maison d'accueil pour étudiants ecclésiastiques. L'Abbé de Salinis, pressenti pour en prendre la direction, déclina l'offre et le projet fut confié à Mgr de Bonnechose, nommé curé et supérieur de Saint-Louis en 1844. Il amenait avec lui les abbés Jules Level et Adrien de Reinach. Mais dès 1844, Mgr de Bonnechose était nommé évêque de Carcassone et M. Level lui succéda à Saint-Louis1. La transformation en séminaire n'était pas aisée car, fondée en 1478 par la Bulle de Sixte IV, la communauté de Saint-Louis servait de paroisse aux Français, d'hospice à leurs malades et de refuge à leurs pauvres. Pourtant l'Ambassadeur de France semblait tenir au projet. Dans une note du 16 mai 1 On trouvera à la fin l'indication des sources et des études générales. Pour les débuts du séminaire français à Rome, on consultera Marthe de Hédouville, Monseigneur de Ségur. Sa vie-Son action, 1820-1881, Nouvelles Editions Latines, Paris 1957, ch. VIII, Fondation du Séminaire français, p. 208-227 (cité, de Hédouville); Mgr Jacques Martin, Pie IX et Mgr de Ségur, dans Pio IX, Studi et ricerche, publiés sous la direction de Mgr A. Piolanti, VI (1977) 145-168 (cité Martin, Mgr de Ségur); A. Eschbach S. Sp, Le Séminaire Pontifical Français de Rome. Ses premiers cinquante ans, Rome, Santa Chiara, 1903. 822 ANTOINE WENGER 1849 au Ministre de l'Instruction publique et des Cultes, Septime de la Tour-Maubourg précisait le projet: «Dans une pensée d'avenir, écrivait-il, l'établissement de Saint-Louis des Français pourrait devenir pour la théologie ce qu'est pour les arts l'École de Rome. Cette destination seconderait le développement sérieux que l'Administration des Cultes propose de donner aux études théologiques et au projet qui s'élabore pour la reconstitution des écoles de théologie en France». «Je n'ai point besoin, ajoutait l'Ambassadeur, de faire observer que l'École de Rome serait le couronnement de la nouvelle organisation»2. Cette dépêche témoigne de la clairvoyance de l'Ambassadeur non moins que d'un certain esprit gallican, disposition somme toute normale chez un Ambassadeur de France à Rome : une école de théologie, qui fonctionnerait comme une annexe de l'École de Rome, serait naturellement dans la dépendance du Pouvoir et d'inspiration gallicane. C'est précisément pour ces raisons que le projet ne pouvait aboutir. Car, à la même époque, des ecclésiastiques formés à l'école de Lamennais désiraient au contraire libérer l'enseignement théologique de l'esprit gallican et substituer au moule sulpicien l'authentique esprit romain. En l'automne de 1852, raconte le P. Vailhé, le biographe du P. d'Alzon, un dîner réunissait à Paris Mgr de Ségur, que Napoléon III venait de nommer auditeur français de la Rote, Mgr Mathieu archevêque de Besançon, le Père Régis, trappiste, et le Père d'Alzon, fondateur des Augustins de l'Assomption3. La conversation porta sur les besoins de l'Église et le P. d'Alzon soutint la nécessité de fonder un séminaire français à Rome : étudiant dans cette ville de novembre 1833 à juin 1835, il en avait senti le besoin et s'en était ouvert à Lamennais qui l'avait détourné de ce projet4. Il était 2 Archives Nationales F 19, 6236 (Etablissements français à Rome. Saint-Louis des Français. Séminaire du Saint-Esprit). Cité de Hédouville, p. 209, note 6. L'École de Rome dont il est question est l'Académie de France de la Villa Médicis; ce que l'on appelle aujourd'hui l'École française de Rome n'ayant été fondée qu'en 1875. 3 Siméon Vailhé, Vie du Père d'Alzon, 2 vol., Paris 1926, II, p. 483. 4 Siméon Vailhé, Lettres du P. Emmanuel d'Alzon, I, Paris, Bonne Presse, 1923, où sont publiées en appendice les lettres de Lamennais au P. d'Alzon. La lettre à laquelle le P. d'Alzon fait allusion est la lettre XIV, du 28 mai 1834, op. cit., p. 876-877. Il convient de citer la première partie de ce document essentiel qui décrit une situation objective et révèle les sentiments profonds de Lamennais au moment où il vient de publier les Paroles d'un croyant (avril 1834). «Je ne crois pas, mon cher Emmanuel, écrit Lamennais, a la possibilité de réaliser le projet sur lequel vous me demandez mon avis. Non seulement en premier lieu, on n'aurait à attendre aucun appui efficace de Rome, mais le succès même, qui susciterait immédiatement des jalousies, ferait naître des intrigues et attirerait des persécutions. Il suffirait d'ailleurs quon LA QUERELLE DES ULTRAMONTAINS ET DES GALLICANS A ROME 823 temps d'avoir un établissement à Rome où les élèves viendraient puiser avec les trésors de la science sacrée l'amour du Siège apostolique ainsi que l'ardeur pour combattre les idées malsaines du gallicanisme, du jansénisme et du rationalisme. Dans le même temps, le Cardinal Gousset poussait vivement le Supérieur général de la jeune Congrégation des Pères du Saint-Esprit à établir leur procure à Rome et sous ce couvert fonder un séminaire pour le clergé français. Le Père de Lannurien, désigné pour cette tâche, ne devait dans un premier temps souffler mot du séminaire, pour ne pas éveiller les susceptibilités de l'Ambassade. Mgr de Ségur, parfaitement informé et fervent partisan du projet, avait déjà jeté son dévolu sur une maison, l'Église et l'immeuble attenant de Saint-Nicolas des Lorrains. Le choix n'était guère heureux car la disposition des locaux ne se prêtait guère à une pension religieuse. Mais il y avait plus grave : Saint-Nicolas des Lorrains faisait partie des Pieux Etablissements et dépendait au plan administratif et matériel de l'Ambassade de France et, au plan spirituel, du clergé de Saint-Louis. Le Père Lannurien en voyait parfaitement les inconvénients : «II y a, écrivait-il à son supérieur, ce grave inconvénient que le grand supérieur est l'Ambassadeur, que les chapelains sont nommés par lui, que le supérieur ne peut même inviter personne à officier à Saint-Louis, cela regardant l'Ambassadeur. Voilà le gallicanisme»5. sortit des voies routinières pour devenir au moins suspect dans le pays du monde où on redoute le plus l'apparence même de la nouveauté. Consultez là-dessus autour de vous, et je me trompe fort si les hommes d'expérience ne confirment pas ce que je vous dis en ce moment. «Mais ce n'est pas là encore la plus grande difficulté. Il faut un second lieu qu'un Séminaire appartienne à quelqu'un, dépende de l'autorité d'un ou de plusieurs évèques. De qui dépendrait, à qui appartiendrait celui dont vous me parlez? Il ne saurait relever directement du Pape, car alors comment serait-ce un Séminaire français? Vous connaissez assez nos évèques pour être sûr d'avance que la plupart, au moins, ne seraient pas disposés à voir d'un bon œil, uploads/Religion/ wenger-antoine-la-querelle-des-ultramontains-et-des-gallicans.pdf
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- Publié le Mai 20, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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