Yves Gigou L'infini dans la clinique des psychoses, conférence de Jean-Jacques
Yves Gigou L'infini dans la clinique des psychoses, conférence de Jean-Jacques Tyzsler Virginia Hasenbalg : Jean-Jacques Tyszler est un membre actif de l’ALI. Il concentre ses travaux autour de l’école de Sainte Anne, mais il transmet, il fait partie du groupe des missionnaires, si l’on peut dire, de l’ALI, en allant en province et dans les écoles régionales ainsi que à l’étranger, il travaille entre autres avec les collègues du Brésil. Il va nous parler de « L'infini dans la clinique des psychoses ». Je lui passe tout de suite la parole. Jean-Jacques Tyszler : Je vous remercie de me faire participer au fonds à un travail qui est en cours et qui me paraît légitime et extraordinairement intéressant puisque c’est un peu effectivement un paradoxe, mais je crois que vous avez dû en parler depuis le début de votre séminaire. C’est un paradoxe de parler d’infini dans la clinique analytique, puisqu’il faudra attendre Lacan quand même probablement pour faire valoir dans une clinique que Freud n’avait pas vraiment enfin travaillée : la présence comme telle de l’infini - en particulier à mon sens - et c’est pour ça que moi je m’appuie plus souvent sur la clinique des psychoses, la question de l’infini dans le corps …, là où d’habitude la psychanalyse, il faut le rappeler tranquillement, travaille avec une extrême finitude au contraire. Je veux dire quand nous pensons à ce qu’est l’analyse dans sa praxis, les choses se règlent quasiment – vous le savez très bien – séance par séance, c’est-à-dire c’est vraiment hic et nunc, au moment même que les questions de scansion, de coupure, de découpe se font valoir, hein, et donc à mon sens il y a là un paradoxe qui est intéressant et que la psychanalyse à la fois est une question éminemment locale, totalement localisée, c’est-à-dire que c’est le coup de ciseaux tout de suite maintenant. S’il est loupé ou si nous ne le faisons pas, ben, parfois il faudra attendre effectivement infiniment, voire c’est fichu. Donc voyez une praxis sur laquelle Freud a insisté et qui est bien chez Freud, ce côté localisé, fini, de l’expérience de la psychanalyse et néanmoins là – pour des raisons que vous essayez d’explorer avec Lacan – l’introduction du fait probablement des outils de la science mathématique et de la logique moderne deux questions qui n’étaient pas visibles à l’époque de Freud et donc l’appui au- delà de Desargues bien entendu sur des choses beaucoup plus modernes à partir de Cantor qui n’étaient pas de l’horizon de Freud. Voilà donc, premier paradoxe qui m’avait intéressé et ce qu’il y a néanmoins … Il y a néanmoins, à mon sens, même chez Freud en quelque sorte, si on veut le lire comme ça, la présence de la question de l’infini et - comme vous le savez, moi je fais un séminaire sur le fantasme depuis deux ans - à mon sens, la notion de fantasme comme telle est, dans la structure de la névrose, une droite infinie en quelque sorte. C’est-à-dire le fantasme qui est donc ce point projeté infiniment derrière nous. Il n’a même pas d’histoire dit Freud. C’est un point qui est une construction, hein. Elle n’est pas dans le souvenir, elle n’est pas dans la réalité, elle est où ? Ben, elle est dans l’espace derrière et en même temps elle va nous guider infiniment devant. C’est-à-dire que là il y a évidemment une finitude qui est liée à la mort, mais le névrosé n’y croit pas ; donc il a le sentiment d’être dans un destin totalement éternel et le fantasme d’un certain point de vue est la droite à l’infini à l’intérieur du nouage borroméen, on peut dire ça. D’ailleurs Lacan le dira à sa façon dans des séminaires un peu tardifs. Egalement, alors on peut dire ça, je crois que ça se soutient, mais je ne vais pas en parler aujourd’hui, également la question du trait unaire lui-même. Assez bizarrement, le trait unaire, donc la question d’identification au trait se supporte dans la clinique analytique ordinaire d’une question qui touche à l’infini. C’est pas le même genre d’infini, c’est l’infini qu’on pourrait relier à la phrase biblique « de génération en génération ». C’est-à-dire quelque chose, le trait qui transcende de génération en génération, infiniment le support d’un des bords de l’identité, hein. D’ailleurs Freud, j’en ai parlé autrefois dans le groupe de Cordoue, Freud lui-même quand on lui demande : mais enfin, après tout, Freud, qu’est-ce qui est juif en vous ? bien, il dit ça, il dit : « ce n’est que ce trait qui me relie infiniment. Je ne vois pas autre chose ». Donc vous voyez, pour vous dire, qu’il faut être assez tranquille sur ces questions et essayer de les reprendre avec simplicité. Il y a dans l’utilisation que nous faisons des mots aussi importants que le fantasme, la question du trait, même dans la clinique héritière de Freud, évidemment trace d’un type de structure qui touche à une forme de l’infini. Alors le défaut c’est quoi ? C’est qu’évidemment, vous allez me dire : mais ça c’est l’infini imaginaire en quelque sorte, c’est le bord imaginaire, comment on appelle ça en mathématique l’infini qui n’est pas actuel ? mais …..potentiel. Oui et non ceci dit, parce que le fantasme évidemment c’est de l’imaginaire, mais néanmoins c’est ce qui nous meut totalement. Donc ce n’est pas parce que le scénario comme tel se supporte en quelque sorte de la narration d’une jouissance imaginaire que ça ne touche pas pour nous à la fois à notre réel, à notre jouissance, et à la fois à la façon dont nous parlons. Je veux dire quand je vous parle immédiatement là, je suis supporté par ma position fantasmatique vis-à-vis de la sexualité par exemple et même si ça ne vous apparaît pas immédiatement, c’est repérable en quelque sorte dans une cure. Donc imaginaire, mais imaginaire noué comme toujours au symbolique d’un côté à la façon dont nous parlons, nous utilisons les signifiants et au réel tout à fait indexé de la jouissance de l’Autre. Alors ma thèse aujourd’hui, entre guillemets, c’est de vous montrer qu’effectivement l’infini, non pas imaginaire, mais l’infini actuel, c’est-à-dire l’actualité de l’infini est à l’œuvre, je le crois effectivement dans la clinique des psychoses. Elle est à l’œuvre quasiment sans arrêt, si je puis dire dans la clinique des psychoses, même si les appuis que vous allez trouver, je vous les citerai tout à l’heure, il y a des appuis denses, faciles à évoquer, qui me permettent de vous renvoyer à des articles de travail. D’un côté bien entendu vous pouvez – et je vous le rappellerai tout à l’heure – vous référer à l’articulation de ce qu’on appelle entre guillemets « le fantasme schrébérien » qui n’en est pas un précisément : le fantasme de féminisation de Schreber n’est pas un fantasme au sens propre parce que au moment où Schreber identifie cette jouissance dite féminine, eh bien s’introduit en lui, par l’intermédiaire de la beauté, du beau, le concept du beau, un point dans l’infini dans son corps. Il va produire de ce jour un processus totalement continu de transformation de son rapport au corps à la fois dans le domaine non seulement du corps au sens imaginaire lui-même, c’est-à-dire comment je me vois dans le miroir, mais qui concerne également sa peau, sa cutanéité, comme son rapport à la voix, … à ce qui lui vient comme voix de l’Autre. Donc ça j’y reviendrai tout à l’heure, ça c’est facile à retrouver comme référence et ça vous permettra d’aller chercher là par vous-même, dans quoi ? Mais dans ce que Schreber écrit tout simplement, hein. Il y a même pas besoin d’aller chercher dans les articles de commentaires, allez au texte et vous verrez que l’infini y est en permanence cité par le biais du sans cesse, du continu, d’une jouissance infinie, etc. C’est-à-dire il utilise lui- même les termes différenciés de la notion d’infini dans le corps. Il y a un autre bord que je vous citerai très très vite, tout à l’heure aussi et qui est intéressant, qui touche à mon avis à une autre dimension de l’infini, qui sont les travaux que nous avons fait – puisque tu citais Sainte Anne – autour évidemment du syndrome de Cottard, de la question des délires des négations, puisque la question introduite par des tableaux cliniques comme ça fait valoir au titre de l’immortalité et de l’énormité évidemment des niveaux en quelque sorte hiérarchisés bizarrement de l’infini, successifs, des infinis successifs qui là vont être réfléchis nécessitent son appui par exemple dans Cantor. Il n’y a que Cantor qui nous propose des hiérarchies de l’infini si je puis dire. Et donc, vous voyez, c’est proche, mais c’est un autre bord, c’est-à-dire c’est pas exactement la même clinique des psychoses d’ailleurs. On peut passer – comme toujours – d’une typologie à l’autre et Schreber lui-même a traversé des épisodes là cotardiens, mélancolisés, uploads/Religion/ yves-gigou5-compilation6lulu.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 16, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
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