PRESENTATION Par Jean-christophe Goddard La doctrine de l’Etat ou Du rapport de

PRESENTATION Par Jean-christophe Goddard La doctrine de l’Etat ou Du rapport de l’Etat originaire au Règne de la raison (Die Staatslehre oder über das Verhältniss des Urstaates zum Vernunftreiche) fut publiée pour la première fois à Berlin en 1820, après la mort de Fichte, puis par son fils, Immanuel Hermann Fichte en 1844 dans les Sämmtliche Werke (volume IV). Elle se présente comme une édition des Leçons sur des contenus variés de philosophie appliquée données par le philosophe à l’université de Berlin pendant le semestre d’été 1813 (du 26 avril au 13 août), et appartient donc au cycle des exposés faits par Fichte à cette même université entre 1809 et 18141. Faisant suite à l’avant-dernier exposé de la Doctrine de la Science achevé (à vrai dire interrompu) par Fichte le 18 février 1813 (un dernier exposé sera donné en 1814, année de la mort de Fichte), la Doctrine de l’Etat est en réalité le dernier grand cours donné par Fichte. Elle témoigne de l’état ultime de la pensée du philosophe, qui la présente lui-même à ses auditeurs comme livrant « l’ensemble des résultats des recherches de sa vie »2. Le texte publié par Immanuel Hermann Fichte, que nous traduisons ici3, bien que d’une source inconnue, doit être admis sans aucune réserve comme une partie intégrante – et non des moindres – de l’œuvre du philosophe4. On pourra se reporter au Diarium du printemps et de l’été 18135 pour suivre jour après jour la gestation des leçons rassemblées sous le titre de Doctrine de l’Etat. Il est en effet aisé d’établir une correspondance entre les notes confiées par Fichte à son journal et le texte publié par son fils. C’est le 17 mai que Fichte, interrompant le cours normal de ses leçons sur la philosophie appliquée, entame une série de conférences circonstanciées sur 1 Soit quatre exposés de la Doctrine de la science, respectivement en 1810, 1811, 1812, 1813, 1814 ; cinq cours d’Introduction à la Doctrine de la science (1809, 1810, 1811, 1812, 1813) ; des cours sur la Logique formelle et transcendantale (deux versions en 1812) ; deux cours sur Les faits de la conscience (1810 et 1813) ; un cours sur la Doctrine du droit (1812) ; un cours sur la Doctrine morale (1812) et la Doctrine de l’Etat (1813). Pour plus de détails sur l’enseignement de Fichte à Berlin, cf. E. Fuchs, « Verzeichnis der Lehrveranstaltungen. Predigten und Reden J. G. Fichtes in chronologischer Reihenfolge », in Philosophie als Denkwerkzeug. Zur Aktualität transzendentalphilosophischer Argumentation, éd. Martin Götze, Christian Lotz, Konstantin Pollok und Dorothea Wildenburg, Festschrift für Albert Mues, Würzburg, 1998. En langue française, cf. Günter Zöller, « Le legs de Fichte sur la Wissenschaftslehre (1813-1814) », in Fichte. La philosophie de la maturité (1804-1814), J.-C. Goddard et Marc Maesschalck, Vrin, 2003. 2 Staatslehre, in Fichtes Sämmtliche Werke, Volume IV, p. 384 (pagination entre crochets dans le corps de la présente traduction) (cité : SL). 3 A part quelques très rares exceptions, nous avons scrupuleusement suivi le texte proposé en 1844 par Immanuel Hermann Fichte, dont nous avons traduit (et parfois corrigé) également les notes, abondantes sur la dernière partie du texte consacrée au christianisme. Les notes d’I.H. Fichte sont indiquées par la mention « (IHF) », les notes des traducteurs par la mention « (NDT) ». Nous tenons à remercier chaleureusement Jean- François Kervégan qui a accueilli notre groupe de travail dans les locaux de l’Equipe d’Accueil « NoSoPhi » de l’Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. 4 La Doctrine de l’Etat n’est toutefois pas un livre et le caractère oral de son style, souvent heurté et elliptique, se fait souvent sentir. Nous lui avons autant que possible conservé ce style dans la traduction. 5 Il s’agit du Diarium I à paraître dans la J. G. Fichte - Gesammtausgabe der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, série II, volume 15 (cité: D1). Nous remercions vivement Erich Fuchs et Ives Radrizzani de nous avoir communiqué la retranscription en cours de ce manuscrit que nous citerons dans sa pagination d’origine : le numéro du feuillet (f.) suivi de la mention « v » pour verso et « r » pour recto. 2 JEAN-CHRISTOPHE GODDARD la guerre1, qui constituera la deuxième section de la Doctrine de l’Etat, mais c’est à partir du 4 avril qu’il prépare cette « interruption » en posant, dans son journal, la question de la nature de la « vraie guerre » entendue comme « guerre populaire » (Volkskrieg). Il ne commence à travailler à ses leçons proprement dites que le 19 avril2 en abordant la question de « l’essence de la philosophie », qui fera l’objet de la première section de la Doctrine de l’Etat. Après avoir consacré le 23 avril plusieurs feuillets à la critique d’un ouvrage de Gustav von Seckendorf sur l’esthétique3, il revient le 24 au problème politique4 en continuant de jeter sur le papier des remarques – notamment sur l’unité historique du peuple – qui serviront encore à la rédaction des conférences sur la guerre. Le 30 avril, de nouveau à la préparation de ses leçons, Fichte inscrit dans le Diarium un long développement sur le rapport de l’image et de la loi morale, qui est au cœur de l’Introduction générale à la Doctrine de l’Etat (c’est- à-dire de sa première section). Puis il aborde l’objet propre aux « Présupposés » de la première partie (« De l’institution du règne de la raison ») de la troisième section : la question de la contrainte au droit et de la nécessité de lui associer une institution éducative5. Le 16 mai, il jette enfin sur le papier l’ébauche de ses conférences sur la guerre : les expressions, les formules, le plan et les arguments du Diarium sont alors exactement ceux de la Doctrine de l’Etat. Le 20 mai, Fichte interrompt de nouveau la préparation de ses leçons et consacre de longs développements à sa métaphysique de l’image. Le 30 mai, il se remet à la tâche6 et continue de mettre au point les « présupposés » du début de la troisième section de la Doctrine de l’Etat consacré à l’« institution du règne de la raison », en traitant de la question du choix du despote (Zwingherr) auquel doit être confiée la double tâche de contraindre au droit et d’éduquer à la compréhension du droit par quoi la contrainte sera rendue superflue. Le 4 juin, après avoir consacré encore quelques lignes à l’institution d’un collège de professeurs (LehrerKollegium) au sein duquel le souverain serait à élire, Fichte entame une « nouvelle recherche »7 portant sur la distinction des deux « classes fondamentales » que forment les « éducateurs » (Erzieher) et les éduqués à la liberté, sur la possible détermination de « l’entendement le plus élevé possible » pour une époque déterminée, sur l’action réciproque de l’enseignement et de sa réception comme critère de reconnaissance de « l’entendement commun » dont doit faire preuve l’éducateur/gouvernant. Ayant ainsi achevé de préparer les présupposés de la première partie de la troisième section de la Doctrine de l’Etat, il prolonge ses analyses en direction de la théorie de l’histoire et présente le conflit de la foi (Glaube) et de l’entendement (Verstand) comme principe du progrès historique. En marge, il se livre à une longue réflexion sur la famille, la reproduction et la division des sexes8. Il produit enfin une critique du hasard et du miracle9. Par là se trouve largement anticipé ce qui constituera le contenu de la « Déduction de l’objet de 1 Apprenant que le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, appellait « son » peuple à se lever en masse pour mener contre Napoléon une « guerre d’indépendance », Fichte interrompit, en effet, le cours ordinaire de ses conférences pour prononcer trois conférences de circonstances visant à exposer l’idée d’une guerre juste et à encourager la lutte contre le despotisme français. 2 Cf. D1, f. 7v : « Maintenant, d’abord sur mes conférences publiques ». 3 Il s’agit d’un ouvrage de Gustav von Seckendorf paru en 1812 et intitulé Kritik der Kunst. 4 Immanuel Hermann Fichte donne une version de cette étude préparatoire en regroupant, dans le volume VII des Sämmtliche Werke (cité : SW), les notes du 4 et du 24 avril sous le titre de « Projet d’un écrit politique » (p. 546 sq). 5 A partir de D1, f. 16v. 6 Cf. D1, f. 33r : « remettons nous à la tâche ». 7 D1, f. 34v. PRESENTATION 3 l’histoire humaine » dans la première partie de la troisième section de la Doctrine de l’Etat. Après avoir longuement approfondi sa doctrine de l’image sous la forme d’une théorie de l’individualité et de la multiplicité, Fichte reprend le fil de ses leçons publiques et, le 25 juin, il ébauche le développement consacré à la chasteté, à la pudeur et au mariage dans la « Déduction de l’objet de l’histoire humaine »1. A partir de cette date, et jusqu’au 2 juillet, le Diarium se tient de nouveau dans une grande proximité avec la Doctrine de l’Etat. Fichte uploads/Religion/ quot-presentation-du-x27-die-staatslehre-oder-ueber-das-verhaeltniss-des-urstaates-zum-vernunftreiche-x27-de-fichte-quot-par-jean-christophe-goddard.pdf

  • 40
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 05, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1738MB