a la une RDC : cybercriminalité, faire du vieux avec du neuf pour un renouveau

a la une RDC : cybercriminalité, faire du vieux avec du neuf pour un renouveau sans révolution (Kodjo Ndukuma) Published 1 an ago on 25 mai 2020 By La Rédaction      TRIBUNE – Face aux nouveaux enjeux de cybercriminalité en Rd Congo, le professeur Kodjo Ndukuma Adjayi estime que le Code pénal congolais datant du 30 janvier 1940 n’est pas totalement dépassé. Car, plusieurs de ses incriminations restent applicables à la criminalité informatique du 21e siècle. Si toute la cybercriminalité n’est pas que faite d’incriminations nouvelles, soutient – il, la cybercriminalité congolaise a déjà des rudiments de réponse dans les lois pénales dont certaines ont été évoquées dans sa tribune. Toutefois, cet expert en cyberspace africain affirme que le législateur devrait renforcer le dispositif répressif national en légiférant contre des infractions informatiques au sens strict en tenant compte d’un nouveau catalogue d’incriminations qui s’ajoutent à l’ère numérique. Il termine sa réflexion par une série de recommandations en termes de perspectives pour la Rd Congo. Ci-dessous, l’intégralité de sa tribune intitulée “Cybercriminalité en RD Congo : Faire du vieux avec du neuf, pour un renouveau sans révolution” : _________________________________________________________________________ La cybercriminalité est un fait de la société postmoderne. Il est le fléau du « tout numérique » et du « tout connecté », pour notre époque contemporaine. L’accroissement des cyberattaques est lié au développement des réseaux de communications électroniques, à la généralisation de l’Internet dans les entreprises et dans notre quotidien, de même qu’à l’accès facilité et continu aux informations sensibles, aux données personnelles ou autres au sein des organisations. La RD Congo compte plus de 35 millions d’abonnés téléphoniques et un peu moins de 16 millions d’internautes mobiles, avec un taux modeste mais significatif de pénétration des TIC dans les ménages. Si le minerai informationnel attire des convoitises, les prouesses de contournement des pare-feux stimulent un nouveau profil de Lombroso. I. Un profil cybercriminel très varié Des jeunes surdoués de l’art informatique agissent, sans histoire et sans casier judiciaire, souvent paradoxalement sans intention de nuire, avec la seule puissance du code informatique pour des intrusions dans des systèmes d’information, des manipulations des données, des blocages et détournements des dispositifs informatiques. Des cyber-soldats, des cyber-espions, des hactivistes ou des opportunistes jouent les saltimbanques, flibustiers et corsaires face à tous ceux qui naviguent sur Internet ou y surfent. Le cyber-terroristes de Daesh, l’État islamique, a fait usage – en ligne et à des fins politiques – de la peur, du recrutement des djihadistes, de la radicalisation des blasés du mode de vie occidentale ou des épris d’un nouvel exotisme religieux. Internet a été le terreau fertile de Daesh dans ses objectifs… Que dire des pédocriminels et de la maffia ayant intégré le web dans leurs approches lubriques ou lucratives ! En Afrique de l’ouest, les « brouteurs » hameçonnent des pigeons qu’ils font chanter leurs victimes rétives de leurs sextapes pris en webcam, en vue de monnayer le silence du maître chanteur contre de fortes sommes d’argent et taire la compromission sexuelle. L’« escroquerie à la nigériane » porte encore la nationalité des spécialistes qui vous envoient un email de notification de gain à une loterie à laquelle vous n’avez jamais misée ou d’un héritage confisqué dans une banque qui requiert votre aide pour un partage de la bonne fortune… Pris dans les méandres du cybercriminels, la victime est dans une très mauvaise fortune. II. Une variété d’infractions dans le seul vocable cybercriminalité La cybercriminalité ne correspond pas à une infraction précise. Elle n’est ni futuriste à l’idée, ni surréaliste à l’envie. Elle n’est pas aussi récente dans son analyse que l’intellection profane entend le faire croire. Déjà en 1975, l’Institut de recherche Stanford donnait de la cybercriminalité une déclinaison bipartite de droit pénal général. Aujourd’hui, avec les travaux de la magistrate française, Myriam Quéméner notamment, l’approche générique, en la matière, englobe trois catégories d’activités répréhensibles dans la cybercriminalité. 1. Ce sont d’abord les infractions anciennes de droit commun pour lesquelles l’Internet est le moyen facile de leur perpétration, telles que les escroqueries, injures publiques et diffamations perpétrées en ligne… 2. Ce sont ensuite les infractions informatiques au sens strict pour lesquelles l’informatique est la cible ou l’objet, comme le piratage dit en anglais le « hacking », l’accès illicite aux bases de données… 3. Ce sont enfin les infractions de diffusion en ligne, celles dont la condition d’existence est la divulgation d’information liées à la vie intime ou à la sphère privée sur le support électronique grand public, comme la revanche pornographique (France), l’enregistrement des conversations téléphoniques privées à l’insu de l’interlocuteur en vue de leur diffusion (Sénégal)… III. Un volet cybercriminalité et un volet cybersécurité La cybercriminalité, en tant que nouvelle forme de délinquance, s’accompagne largement d’un sentiment d’impunité et du mythe du « vide juridique ». Les cyber-délinquants éprouvent de la « sécurité » derrière leurs écrans. La Justice a du mal à se déployer sur les béants interstices des lois pénales nationales non mises à jour. Les services de l’ordre public ont maille à partir avec les caractéristiques techniques du cyberespace : volatilité apparente des données en cause, anonymat primaire des avatars informatiques, activité transfrontière… La technologie numérique est très évolutive. L’intelligence inventive met à rude épreuve les efforts étatiques de maîtrise de l’Internet lui-même et du phénomène criminel y afférent. Il ne sera pas abusif de voir en la disponibilité du réseau électronique et des outils numériques une popularisation des potentielles « armes du crime ». Ces dernières seraient à la portée d’internautes évoluant dans un cyberspace sans shérif. Le code informatique semble omniscient, omnipotent et omniprésent dans la société de l’information. Il porte au quotidien la marque du progrès pour les libertés et à la fois le masque de leurs offenses. La rhétorique informatique procure aux actes posés en ligne la dimension internationale qui dépasse les frontières des États ainsi que leurs capacités à y répondre isolément. La cybersécurité fait de chacun acteur de la sécurité de soi et de tous. Elle est la réponse multidimensionnelle et multipartite face à la cybercriminalité. La sécurité informatique, y incluse, à l’aune de l’authenticité, de la disponibilité et de l’intégrité du système. Elle postule également de faire de chaque acteur, dans leurs comportements, les acteurs de cette sécurité. Elle organise à la fois :  la prévention, en réunissant les moyens de détection des menaces et de préservation des infrastructures vitales avant la survenance des sinistres informatiques,  la résilience, en assurant la continuité du fonctionnement du système par des mesures de contingentement ou autres limitant le désastre, pendant le traitement offensif ou défensif de l’incident ;  la répression, en dotant les services de justice des dispositions législatives, de la politique cybercriminelle, des laboratoires de criminalistique informatique, en vue de l’instruction judiciaire et de la connaissance juridictionnelle des cas de cybercriminalité. IV. Un code pénal de 1940 toujours prêt à l’emploi Face aux nouveaux enjeux de cybercriminalité, le Décret du 30 janvier 1940 portant le code pénal congolais n’est pas totalement dépassé. Plusieurs de ses incriminations restent applicables à la criminalité informatique du 21e siècle. Toute la cybercriminalité n’est pas que faite d’incriminations nouvelles. Le vieux répond bien du nouveau à plusieurs égards. Il est plaisant de subodorer une rime logique entre révolution numérique et révolution juridique. L’Internet véhicule le courant libértaire, pétris de la contreculture du New âge, des idées anarcho-capitalistes, du fameux « code is law » de Lawrence Lessig (USA, 1999) ou de la déclaration de l’indépendance du Net de John Perry Barlow (Davos, 1996). Pour paraître subjuguant, réguler le monde par le seul marché et par la seule technologie n’est est guère subrogeant pour nos lois pénales. Même si le « Digital défie l’État de droit », notre législateur est vieux sans être un vétéran de la cyber-guerre. Certains voient en lui le pépé obsolète BBC, born before computer, né avant l’invention de l’ordinateur, face à des digital natives, nés avec clavier et souris d’ordinateur dans la main. Toutefois, en son état quinquagénaire, le code pénal ordinaire congolais sert l’actualité de la répression de plusieurs comportements cybercriminels. Il reste efficace particulièrement pour les infractions classiques qui trouvent leur facilité de commission grâce à l’Internet ou aux TIC. Injurier publiquement, diffamer, violer le secret des correspondances, divulguer le secret professionnel dont l’avocat, le ministère public, le notaire… est dépositaire n’ont pas à attendre un législateur futuriste pour être qualifiés d’infractions en droit positif, sans dire que l’auteur se trouvant sur Internet ou utilisant un Smartphone en est dédouané. La RD Congo n’est pas dépourvue d’incriminations légales dans tous les compartiments de la cybercriminalité. Sa loi-cadre n°013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications prévoit des délits et des peines face à la levée de secrets de correspondances émises par la voie des ondes. Elles protègent ainsi nos données nominatives et autres à caractère personnel dans les réseaux téléphoniques. Plus tôt, l’ordonnance n°87-243 du 22 juillet 1987 sur l’activité informatique au Zaïre avait déjà prévu des peines d’amende contre les usages informatiques uploads/Science et Technologie/ a-la-une 1 .pdf

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