Compte Rendu de lecture sur l’ouvrage de Jean Charles Coulon, La magie en terre

Compte Rendu de lecture sur l’ouvrage de Jean Charles Coulon, La magie en terre d’islam au Moyen Âge, Paris, Éditions du CTHS Histoire, 2017, 350 p. Présentation du texte et de l’auteur : Jean-Charles Coulon est chargé de recherches à la section arabe de l'IRHT-CNRS (Institut de Recherche et d'Histoire des Textes), directeur adjoint de la revue Arabica. Ses recherches portent sur l'histoire des sciences occultes et de la magie dans le monde musulman médiévale. Cette ouvrage est issu de sa thèse soutenue en 2013 sous la direction de Abdallah CHEIKH-MOUSSA. Elle constitue l’une des meilleures thèses soutenues ces dernières années et l’ouvrage en question en est une parcelle de cette œuvre colossale. Les thèmes généraux abordés sont la magie, la science des lettres, le soufisme, les talismans, l’astrologie et le corpus magique d’al-Būni. Les deux dernières parties sont consacrés à la biographie et le corpus majeur bunianum avec une présentation du Šams al-maʿārif (le soleil des connaissances). L’ouvrage comprend alors trois parties majeures avec onze chapitres, deux annexes historiographiques l’un portant sur une analyse épistémologique sur la magie et l’autre sur ces travaux déjà entrepris en occident (p. 281- 300), et les cinquante dernières pages sont réparties entre les glossaires, l’index et une bibliographie bien documentée. Dans un souci de mieux cerner le contenu du livre, nous proposons de faire une lecture synthétique des différentes parties abordés et essayer d’analyser les contours de cette réflexion. SYNTHES ET ANALYSE DE L’OUVRAGE Dans cette essaie, Jean Charles Coulon tente de faire une étude globale sur l’histoire des œuvres sur la magie dans le monde musulman jusqu’à nos jours, en partant de l’apport de la transmission des héritages antiques, grecs et indiens (p. 65-110). Ce détoure sur les sources magiques et leurs transmutations au sein des cultures modernes est le fruit d’une longue tradition, transmis depuis des siècles. L’entreprise de traduction encouragée par les califes abbassides, notamment le deuxième calife al-Mansur (r.136/754-158/775), qui serait même intéresser à l’alchimie, aurait contribuer, selon Jean Charles Coulon à la diffusion des corpus magiques arabes au Xe-XIIe siècle (p. 66). Au début, il propose une élucidation conceptuelle de la magie, sa transfiguration et les différentes significations qu’elle a pris selon les temps, en présentant sa place dans le coran et de ce qu’on appelle la traduction prophétique (sunna). Partant de l’Arabie préislamique, les termes sāḥir, ruqya, tamīma, tuwala existaient dans les sociétés primitives arabes bien qu’après islamisation, l’usage de la magie (siḥr) fut condamné par la tradition orthodoxie musulmane, citant en appui le verset II, 102 du Coran évoquant les anges déchus Hārūt et Mārūt (p. 29-36). Propre à une étude scientifique, il revient sur les travaux déjà entrepris dans ce domaine, particulièrement les études Edmond Doutté1 dans Magie et religion dans l’Afrique du Nord, l’ouvrage Magic and Divination in Early Islam édité par Emilie Savage- Smith2, le Coran et Talismans publié sous la direction de Constant Hamès3 et la divination arabe de Toufik Fahd et bien d’autres études sur la magie en milieu d’islam, sans oublié ses sources et ses formes (p. 13-23). Le discours sur l’usage de la ruqya, une forme d’exorcisme, d’incantation et d’extraction des djinns « esprits maléfiques » utilisée par le Prophète lors de son ensorcellement permettent à Bukhari (m. 870) et Al Baydawi (m. 1286) de légitimer en quelque sorte la magie ; ce qui explique les nombreux traités de médecine, sous le nom de la médecine prophétique (p. 44-51). Par contre, ce type exorcisme très répandue semble plus utilisé par les courants réformistes.4 Le rôle de l’astrologie est prépondérant dans la tradition médiévale de la magie. L’élaboration de l’astrologie arabe notamment avec le figure de d’Abu Mas’sahar al-Balkhī (m. 272/886), qui a avec son ouvrage majeur, le livre de la grande introduction de l’astrologie (Kitāb al-Madkhal al-kabir ilā ilm ahkām al-nujum) a participé à la diffusion des sciences occultes à Bagdad. Dans le chapitre quatre, il énumère le corpus ǧabirien et ses liens entre les sciences ésotériques et l’alchimie, et le carré magique de base trois, dont al-Qazwīnī Archimède serait leur inventeur (p. 113-119), un sujet sur lequel Pierre Lory a aussi traité dans Alchimie et mystique en terre d’Islam et les Dix traités d’alchimie de Jâbir ibn Hayyân. Il dégage la figure du nabatéen Ibn Waḥšiyya à travers son œuvre L’agriculture nabatéenne (al-Filāḥa al- nabaṭiyya) pour résumer les deux tomes édités par Toufik Fahd sur l’agriculture nabatéen (p. 1 Doutté, Edmond, Magie et religion dans l’Afrique du Nord, Alger, Typographie Adolphe Jourdan, 1909. 2 Savage-Smith, Emilie (ed.), Magic and Divination in Early Islam, Aldershot, Burlington, Ashgate, Variorum, 2004. 3 Hamès, Constant (dir.), Coran et talismans. Textes et pratiques magiques en milieu musulman, Paris, Karthala, 2007. 4 Constant Hamès, Coran et Talismans-Textes et pratiques magique en milieu musulman, 2008, pp.17- 45. 121-134). Le corpus des Frères de la pureté (Ikhwān al-Šafā) comme catalyseur de la magie des lettres et des théories cosmologiques avec un résumé sur cinquante-deux épitres permettant d’attester la complexité de cette encyclopédie (p. 135-142). Vers la fin de la deuxième partie, Jean Charles Coulon synthétise ce « voyage magique » sur la fameuse Ghāyat al-ḥakīm (Le But du sage) de Maslama l-Qurṭubī (m. 353/964), un érudit de la science des lettres pour terminer cette partie sur l’apport de Fakhr al-Dīn Razi sur la magie astrale (p. 146) Par ailleurs, la troisième et dernière partie est consacrée à l’élaboration du corpus attribué à al-Būnī au XIIIe siècle en décrivant le contexte historique et le milieu mystique dans lequel a évolué ce dernier. Comme tous les mystiques, son maître spirituel était al-Mahdawī (m. 621/1224) qui vivait à Tunis et c’est par la suite qu’il va beaucoup voyager et rencontrer d’autres saints. Ainsi, parmi les précurseurs d’al-Būnī, il y’a Sahl al-Tustarī (m. 283-896), auquel on attribue une Épître des lettres, considéré selon Jean Charles Coulon comme le fondateur de l’exégèse ésotérique de l’alphabet arabe : une science des lettres qui s’est ensuite répandue chez al-Būni en conservant son postérité (p. 181). Cependant, la diffusion des connaissances d’al-Būni revient Abd al-Raḥmān al-Bisṭāmī (m. 858-1454) qui, avec ses fastidieux commentaires sur Le Soleil des connaissances et subtilités des grâces exquises a œuvré à la vulgarisation et à la légitimation de la science des lettres dans le milieu soufi occidental du VIIe/XIIIe siècle, notamment grâce à son Soleil des horizons : la science des lettres et des carrés magiques. L’auteur montre que le Xe siècle a constitué un tournant majeure sur le sort réservé au magicien, particulièrement avec le procès d’al-Ḥallāǧ (m. 922), décapité devant les cours de Bagdad par ses détracteurs (p. 182-187). On assiste alors à une confrontation entre magie et jurisprudence islamique d’après Luis Massignon. Dans les deux derniers chapitres, l’auteur dresse un tableau d’al-Būnī et sa postérité (p. 233- 256). Un « noyau historique » (p. 220) selon son appellation, se constitue autour des œuvres d’al-Būnī avec cinq textes, parmi lesquels ne figurerait pas l’œuvre la plus connue aujourd’hui, tels que Al-Lumʿa l-nūrāniyya fī l-awrād al-rabbāniyya, Laṭāʾif al-išārāt fī l- ḥurūf al-ʿulwiyyāt, ʿIlm al-hudā wa-asrār al-ihtidāʾ fī fahm sulūk maʿnā asmāʾ Allāh al-ḥusnā, Mawāqif al-ġāyāt fī asrār al-riyāḍāt et Hidāyat al-qāṣidīn wa-nihāyat al-wāṣilīn. Ainsi, c’est vers le XIIIe siècle, que le maghrébin al-Būnī (m. 622/1225) serait devenue une figure déterminante dans l’histoire de la magie. L’importance de son œuvre se mesure avec les nombreux pseudonymes qui lui sont attribuées dans les manuscrits et les œuvres notamment Šihāb al-Dīn, Taqī l-Dīn, Šaraf al-Dīn, Ǧamāl al-Dīn et Muḥyī l-Dīn. Selon l’auteur, cette période coïncidant avec le déclin de la dynastie fatimide et l’émergence du mouvement almohade a permis al-Būnī de s’épanouir dans un environnement marqué par le développement des sciences occultes, avec un Egypte fortement côtoyer entre des cheikhs venant du Maghreb et d'al-Andalous (p. 211-219). Ainsi, sur l’œuvre proprement dite (Šams al-maʿārif), elle pose un problème d’apocryphe car ayant suivi de nombreux compilations (courte, moyenne et longue) et il serait difficile d’identifier sans ambages lequel appartient réellement à al-Būnī. Cependant, grâce la comparaison avec les autres traités, l’auteur fait le triage de ce que saurait les écrits d’al-Būnī et d’après ces hypothèses, le compilateur connaissait fort bien le Šams al-maʿārif et serait donc pris comme base de travail (p. 219-256). Les tenants de la « médecine spirituelle » (al- ṭibb al-rūḥānī), à laquelle est consacré un chapitre, s’inscrivent également dans son héritage et expose la codification de la médecine spirituelle (al-ṭibb al-ruḥānī) qu’il convient de distinguer de la médecine prophétique (al-ṭibb al-nabawī) (p. 257-267). La médecine spirituelle est une « médecine fondée sur les spéculations ésotériques à partir du Coran, des beaux noms de Dieu, des lettres de l’alphabet arabe et des carrés magiques » (p. 273) celle du Šams al-maʿārif et celle d’al-Lumʿa al-nūrāniyya. Pour étayer sur cette science, il convient de distinguer la notion de magie dans la lexicographie arabe du terme siḥr. Le terme magie n’existe pas chez al-Būnī. Sa science est plutôt rattachée à la dévotion et le secret caché des choses. Selon, l’auteur ce qui explique la répétition successive des mises en garde dans uploads/Science et Technologie/ compte-rendu-de-lecture.pdf

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