Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 27–28/2008 5

Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 27–28/2008 51 Annick Fagnant Des outils didactiques pour développer la résolution de problèmes dans l’enseignement fondamental DES OUTILS DIDACTIQUES POUR DÉVELOPPER LA RÉSOLUTION DE PROBLÈMES DANS L’ENSEIGNEMENT FONDAMENTAL Aperçu des fondements théoriques et entrée au cœur de quelques activités Annick Fagnant Unité d’analyse des Systèmes et Pratiques d’enseignement (aSPe) Université de Liège 1. INTRODUCTION Depuis plusieurs années, une équipe de chercheuses de l’unité d’analyse des systèmes et des pratiques d’enseignement a développé une expertise dans le domaine de la résolution de problèmes en mathématiques, dans l’enseignement fondamental. Plusieurs recherches ont été menées depuis la fin des années 1990, avec pour objectif de construire des outils didactiques à l’usage des enseignants du fondamental. La première recherche s’est déroulée de 1998 à 2001 et concernait les élèves de 3e et 4e années de l’enseignement primaire ; elle a été poursuivie, de 2001 à 2004, par une recherche menée en fin d’enseignement fondamental (5e et 6e années du primaire) puis de 2004 à 2007, par la construction d’outils pour le cycle 5-8. Ces trois recherches ont été commanditées par l’Administration Générale de l’Enseignement et de la Recherche Scientifique de la Communauté française. Les outils créés sont ainsi le fruit d’une collaboration avec les inspecteurs, les enseignants de ce réseau et leurs élèves. Les trois recherches ont débouché sur la publication d’outils didactiques pour les enseignants : « Résoudre des problèmes : pas de problème ! » (Demonty, Fagnant & Lejong, 2004 ; Fagnant & Demonty, 2005 ; Fagnant, Hindryckx & Demonty, 2008). L’objectif du présent article est de donner un aperçu de l’ensemble de ce travail. Il se présente en deux parties : la première présente les courants théoriques qui ont influencé nos travaux et la deuxième illustre quelques activités développées aux différents niveaux scolaires. 52 Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 27–28/2008 Des outils didactiques pour développer la résolution Annick Fagnant de problèmes dans l’enseignement fondamental 2. LES FONDEMENTS THÉORIQUES À LA BASE DE NOS TRAVAUX Les courants théoriques à la base de nos travaux didactiques sont présentés en trois parties. Une brève incursion dans les théories cognitivistes est tout d’abord proposée afin de mettre en lumière quelques apports des théories du traitement de l’information, en ce qui concerne principalement les problèmes additifs et soustractifs à proposer en début d’apprentissage. Le deuxième point reprend quelques principes importants issus des approches socioculturelles et relevant de la Realistic Mathematics Education (RME). En opposition avec ces approches novatrices, généralement qualifiées d’ascendantes (ou bottom-up), ce point propose également quelques constats permettant de montrer les limites d’une approche traditionnelle installant les premières symbolisations selon une approche que l’on peut qualifier de descendante (ou top-down). Enfin, nous terminerons cet aperçu théorique par les apports de nos collègues de Leuven (les équipes de Lieven Verschaffel et d’Eric De Corte), qui ont très largement influencé nos travaux. En accord avec ces chercheurs, on verra comment il est aujourd’hui courant de considérer la résolution de problèmes comme un processus complexe de modélisation mathématiques (voir Fagnant, Demonty & Lejong, 2003, pour une présentation détaillée de cette perspective). 2.1. Les approches cognitives et l’apport des théories du traitement de l’information 2.1.1. Aperçu général du courant Le postulat fondamental de la psychologie cognitive est que la pensée est un système de traitement de l’information ; ces théories se sont donc essentiellement intéressées à la façon dont les personnes se représentent les informations, aux processus qu’elles développent pour traiter ces informations et aux limites de la mémoire qui contraignent la quantité d’information que les personnes peuvent représenter et traiter (Siegler, 2001). Les recherches ont notamment porté sur les stratégies générales et spécifiques de résolution de problèmes telles que les stratégies d’encodage de l’information, de planification, d’analyse des buts, de chaînage avant ou arrière, de raisonnement analogique,… (voir Tardif, 1992, pour une vue d’ensemble). Un apport important des recherches menées dans le domaine de la psychologie cognitive se situe également au niveau des comparaisons experts-novices. En s’appuyant sur Tardif (1992), on peut brièvement synthétiser quelques constats principaux : (1) l’étape de représentation de la situation est une phase cruciale de la résolution de problèmes ; (2) les stratégies métacognitives de régulation et de contrôle jouent elles aussi un rôle important et (3) on n’est Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 27–28/2008 53 Annick Fagnant Des outils didactiques pour développer la résolution de problèmes dans l’enseignement fondamental pas un expert au sens absolu du terme mais en fonction des situations rencontrées, dans la mesure où les connaissances spécifiques occupent une place centrale (la personne doit avoir dans sa mémoire à long terme les connaissances spécifiques pour traiter de manière significative le problème). Globalement, les démarches des experts et des novices sont assez contrastées : d’un côté, les experts consacrent plus de la moitié du temps à comprendre le problème, ils ne s’engagent pas aveuglément dans l'application d'un algorithme de calcul et prennent beaucoup de temps pour analyser et explorer les données du problème ; les novices, quant à eux, prennent très peu de temps pour lire et comprendre le problème, ils s'engagent très rapidement dans une stratégie de résolution qu'ils conservent souvent jusqu'à la fin sans tenter de réguler ou de vérifier leur démarche (Schoenfeld, 1992). Les élèves peuvent généralement être considérés comme des novices en résolution de problèmes ; les activités menées en classe devront les encourager à tendre vers des démarches expertes, en leur apprenant à consacrer du temps à l’analyse des situations, en les encourageant à mobiliser les connaissances spécifiques liées aux situations proposées et en tentant de les conduire à réguler leurs apprentissages. 2.1.2. Les études centrées sur les problèmes additifs et soustractifs à une opération Les théories du traitement de l’information se sont beaucoup intéressées aux problèmes additifs et soustractifs à une opération, tels que proposés généralement en début d’enseignement primaire. Ce champ de recherche a permis des études très fines des stratégies de résolution des élèves et a conduit plusieurs chercheurs à développer des modèles informatiques permettant de simuler les processus de résolution de problèmes ; les plus connus d’entre eux sont sans doute les modèles développés par Riley, Greeno et Heller (1983), par Briars et Larkin (1984) et par Kitsch et Greeno (1985) (voir aussi De Corte & Verschaffel, 1988, pour une présentation critique de ces approches). Nous ne nous attarderons pas ici sur les modèles informatiques qui concernent plutôt le champ de la psychologie, mais nous présenterons les apports importants de ces courants pour l’enseignement et la didactique. Quatre points retiendront ainsi notre attention : les typologies de problèmes, la difficulté relative des problèmes, l’étude des stratégies informelles de résolution et enfin, les deux fonctions des algorithmes de calcul. 54 Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) – 27–28/2008 Des outils didactiques pour développer la résolution Annick Fagnant de problèmes dans l’enseignement fondamental a) Une typologie de problèmes La typologie présentée ici est centrée sur les aspects liés à la structure sémantique des problèmes. De nombreuses études ont mis en évidence l’aspect psychologiquement significatif des catégories sémantiques. On a ainsi pu constater que des problèmes qui peuvent être résolus par la même opération arithmétique mais qui diffèrent au niveau de la structure sémantique sous-jacente se distinguent significativement du point de vue de leur niveau de difficulté (voir point b). La pertinence des aspects sémantiques a également été mise en évidence au travers de l’analyse des stratégies de résolution utilisées par les élèves, tant en ce qui concerne les stratégies informelles de résolution (voir point c) que la production de symbolisations mathématiques plus formelles (voir point d). Vers la fin des années 70, ce type d’approche a été adopté par un nombre croissant de chercheurs s’intéressant activement aux processus de résolution des élèves. En 1978, Greeno et ses associés ont introduit un schéma de classification pour les problèmes additifs et soustractifs qui permet de distinguer trois catégories de situations problèmes : les problèmes de type changement, combinaison et comparaison (Riley, Greeno et Heller, 1983). • Les problèmes de type changement se réfèrent à des situations actives ou dynamiques dans lesquelles certains événements affectent la valeur d’une quantité initiale. • Les problèmes de type combinaison font référence à des situations statiques impliquant deux quantités qui peuvent être considérées soit séparément soit en combinaison. • Les problèmes de type comparaison impliquent deux quantités qui sont comparées, ainsi qu’une valeur indiquant la différence entre ces deux quantités. Chaque catégorie de problèmes peut être subdivisée en sous-catégories en fonction de l’identité de la quantité inconnue. Pour les problèmes de type changement et comparaison, on peut encore faire des distinctions supplémentaires en fonction de la direction, respectivement, de l’événement décrit (augmentation ou diminution) ou de la relation (plus ou moins). En combinant ces différentes caractéristiques, Greeno et ses associés distinguent 14 types de problèmes additifs et soustractifs impliquant une seule opération. Le tableau suivant présente quelques problèmes construits sur cette base. Cahiers des Sciences de l’Éducation – Université de Liège (aSPe) uploads/Science et Technologie/ des-outils-didactiques-pour-developper-la.pdf

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