Émile Durkheim (1909) « Sociologie et sciences sociales. » Un document produit
Émile Durkheim (1909) « Sociologie et sciences sociales. » Un document produit en version numérique par Mme Marcelle Bergeron, Professeure à la retraite de l’École Dominique-Racine de Chicoutimi, Québec et collaboratrice bénévole Courriel: mailto:mabergeron@videotron.ca Site web: http://www.geocities.com/areqchicoutimi_valin Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Émile Durkheim (1909), « Sociologie et sciences sociales » 2 Un document produit en version numérique par Mme Marcelle Bergeron, bénévole, professeure à la retraie de l’École Dominique-Racine de Chicoutimi, Québec courriel: mailto:mabergeron@videotron.ca site web: http://www.geocities.com/areqchicoutimi_valin à partir de : Émile Durkheim (1909) « Sociologie et sciences sociales. » Une édition électronique réalisée à partir de l'article d’Émile Durkheim « Sociologie et sciences sociales » — De la méthode dans les sciences, Paris: Félix Alcan, 1909, pp. 259-285. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 28 mai 2002 à Chicoutimi, Québec. Émile Durkheim (1909), « Sociologie et sciences sociales » 3 Table des matières I. Historique II. Les divisions de la sociologie : les sciences sociales particulières III. La méthode sociologique Émile Durkheim (1909), « Sociologie et sciences sociales » 4 Sociologie et sciences sociales I. Historique Retour à la table des matières Quand il s'agit d'une science nouvelle comme la sociologie, qui, née d'hier, est seulement en train de se constituer, le meilleur moyen d'en faire comprendre la nature, l'objet et la méthode, est d'en retracer sommairement la genèse. Le mot de sociologie a été créé par Auguste Comte pour désigner la scien- ce des sociétés 1. Si le mot était nouveau, c'est que la chose même était nou- velle ; un néologisme était nécessaire. Sans doute, en un sens très large, on peut dire que la spéculation sur les choses politiques et sociales a commencé avant le XIXe siècle : La République de Platon, La Politique d'Aristote, les in- nombrables traités dont ces deux ouvrages ont été comme le modèle, ceux de Campanella, de Hobbes, de Rousseau et de tant d'autres traitaient déjà de ces questions. Mais ces diverses études différaient par un trait essentiel de celles que désigne le mot de sociologie. Elles avaient, en effet, pour objet, non pas de décrire et d'expliquer les sociétés telles qu'elles sont ou telles qu'elles ont été, mais de chercher ce que les sociétés doivent être, comment elles doivent 1 Le mot, formé d'un mot latin et d'un mot grec accouplés, a un caractère hybride que les puristes lui ont souvent reproché. Mais, en dépit de cette formation vicieuse, il a aujour- d'hui conquis droit de cité dans toutes les langues européennes. Émile Durkheim (1909), « Sociologie et sciences sociales » 5 s'organiser pour être aussi parfaites que possible. Tout autre est le but du so- ciologue qui étudie les sociétés simplement pour les connaître et les compren- dre, comme le physicien, le chimiste, le biologiste font pour les phénomènes physiques, chimiques et biologiques. Sa tâche est uniquement de bien détermi- ner les faits dont il entreprend l'étude, de découvrir les lois selon lesquelles ils se produisent, en laissant à d'autres le soin de trouver, s'il y a lieu, les applications possibles des propositions qu'il établit. C'est dire que la sociologie ne pouvait apparaître avant qu'on n'eût acquis le sentiment que les sociétés, comme le reste du monde, sont soumises à des lois qui dérivent nécessairement de leur nature et qui l'expriment. Or cette conception a été très lente à se former. Pendant des siècles, les hommes ont cru que même les minéraux n'étaient pas régis par des lois définies, mais pouvaient prendre toutes les formes et toutes les propriétés possibles pourvu qu'une volonté suffisamment puissante s'y appliquât. On croyait que certaines formules ou certains gestes avaient la vertu de transformer un corps brut en un être vivant, un homme en un animal ou une plante, et inversement. Cette illusion, pour laquelle nous avons une sorte de penchant instinctif, devait natu- rellement persister beaucoup plus longtemps dans le domaine des faits sociaux. En effet, comme ils sont beaucoup plus complexes, l'ordre qu'ils présen- tent est bien plus difficile à apercevoir et, par suite, on est porté à croire que tout s'y passe d'une manière contingente et plus ou moins désordonnée. À première vue, quel contraste n'y a-t-il pas entre la suite simple, rigoureuse, avec laquelle se déroulent les phénomènes de l'univers physique, et l'aspect chaotique, capricieux, déconcertant des événements qu'enregistre l'histoire ! D’un autre côté, la part même que nous y prenons nous inclinait à penser qu'étant par nous ils dépendaient exclusivement de nous et pouvaient être ce que nous voulions qu'ils fussent. Dans ces conditions, il n'y avait pas lieu de les observer puisqu'ils n'étaient rien par eux- mêmes, mais tenaient tout ce qu'ils avaient de réel de notre seule volonté. De ce point de vue, la seule ques- tion qui pouvait se poser était de savoir, non pas ce qu'ils étaient et suivant quelles lois ils procédaient, mais ce que nous pouvions et devions souhaiter qu'ils fussent. C'est seulement à la fin du XVIIIe siècle que l'on commença à entrevoir que le règne social a ses lois propres, comme les autres règnes de la nature. Montesquieu, en déclarant que « les lois sont les rapports nécessaires qui déri- vent de la nature des choses », entendait bien que cette excellente définition de la loi naturelle s'appliquait aux choses sociales comme aux autres ; et son Esprit des Lois a précisément pour objet de montrer comment les institutions juridiques sont fondées dans la nature des hommes et de leurs milieux. Peu après, Condorcet entreprenait de retrouver l'ordre suivant lequel s'étaient faits les progrès de l'humanité 1 ; ce qui était la meilleure manière de faire voir qu'ils n'avaient rien de fortuit, de capricieux, mais dépendaient de causes déterminées. En même temps, les économistes enseignaient que les faits de la vie industrielle et commerciale sont gouvernés par des lois qu'ils croyaient même avoir découvertes. 1 Dans le Tableau des progrès de l'esprit humain. Émile Durkheim (1909), « Sociologie et sciences sociales » 6 Cependant, et bien que ces différents penseurs aient préparé la voie à la conception sur laquelle repose la sociologie, ils n'avaient encore qu'une notion assez ambiguë et flottante de ce que sont les lois de la vie sociale. Ils ne vou- laient pas dire, en effet, que les faits sociaux s'enchaînent les uns aux autres suivant des relations de cause à effet, définies et invariables, que le savant cherche à observer par des procédés analogues à ceux qui sont employés dans les sciences de la nature. Mais ils entendaient seulement que, étant donné la nature de l'homme, une voie se trouvait par cela même tracée qui seule était naturelle et que l'humanité devait suivre si elle voulait être d'accord avec elle- même et remplir ses destinées ; mais il restait possible qu'elle s'en écartât. Et en fait on estimait qu'il lui était arrivé sans cesse de s'en écarter par suite de déplorables aberrations qu'on ne prenait pas, d'ailleurs, grand soin d'expliquer. Pour les économistes, par exemple, la véritable organisation éco- nomique, la seule dont la science ait à connaître, n'a, pour ainsi dire, jamais existé ; elle est plus idéale que réelle ; car les hommes, sous l'influence de leurs gouvernants et par suite d'un véritable aveuglement, s'en seraient tou- jours laissé détourner. C'est dire qu'on la construisait déductivement beaucoup plus qu'on ne l'observait ; et l'on revenait ainsi, quoique d'une manière indirec- te, aux conceptions qui étaient à la base des théories politiques de Platon et d'Aristote. C'est seulement au début du XIXe siècle, avec Saint-Simon d'abord 1, et surtout avec Auguste Comte son disciple, qu'une conception nouvelle s'est définitivement fait jour. Procédant, dans son Cours de philosophie positive, à la revue synthétique de toutes les sciences constituées de son temps, il constata qu'elles reposaient toutes sur cet axiome que les faits dont elles traitent sont liés suivant des rapports nécessaires, c'est-à-dire sur le principe déterministe ; d'où il conclut que ce principe, qui avait été ainsi vérifié dans tous les autres règnes de la nature, depuis le règne des grandeurs mathématiques jusqu'à celui de la vie, devait être également vrai du règne social. Les résistances mêmes qui s'oppo- sent aujourd'hui à cette extension nouvelle de l'idée déterministe ne doivent pas arrêter le philosophe, car elles se sont régulièrement produites chaque fois qu'il a été question d'étendre à un règne nouveau ce postulat fondamental, et elles ont toujours été vaincues. Il fut un temps où l'on se refusait à l'admettre même dans le monde des corps bruts ; il s'y est établi. 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- Publié le Dec 03, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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