1 Jacques Cosnier 2015 PSYCHOLOGIE des EMOTIONS et des SENTIMENTS Jacques COSNI
1 Jacques Cosnier 2015 PSYCHOLOGIE des EMOTIONS et des SENTIMENTS Jacques COSNIER,1994-2004-2015. ! jacques.cosnier@wanadoo.fr http://icar.univ-lyon2.fr/membres/jcosnier/ PSYCHOLOGIE DES EMOTIONS ET DES SENTIMENTS AVANT-‐PROPOS (1994-‐2015) 1994 Je n’avais jamais pensé écrire un jour un livre sur les émotions, car si mon passé de psychophysiologiste et de psychanalyste m’avait finalement poussé vers l’éthologie, c’était pour étudier de plus en plus exclusivement le comportement des organismes dans leur milieu naturel en m’éloignant des interprétations en termes de processus intra-‐psychiques. L’approche naturaliste des comportements me passionne depuis des années. C’est elle qui m’a mis en rapport de travail et d’amitié avec différents chercheurs : linguistes, sociologues, anthropologues… et bien sûr psychologues, tous pratiquant au moins à temps partiel cette méthode d’observation-‐description-‐objectivante qui est à la base du mouvement interactionniste contemporain. Or, il faut reconnaître que l’introspection et les « états mentaux » y tiennent peu de place. Certes on ne dit plus comme à une époque pas si lointaine, que ce qui se passe dans la « boîte noire »ne concerne pas notre recherche…Mais on en fait volontiers l’économie. Cependant il arrive un moment où l’approche naturaliste a ses limites. Appliquée à l’espèce humaine, elle sous-‐entend une théorie du sujet, particulièrement apparente chez un auteur comme Goffman par exemple. Cette théorie du sujet reste discrète, du fait que ce n’est pas le sujet qui est le centre d’intérêt, mais l’interaction : ce qui se passe entre les sujets. Mais tôt ou tard on doit admettre que ce qui se passe entre ne peut pas être interprété sans une mise en rapport avec ce qui se passe dans les sujets, qui constituent un élément contextuel incontournable. Ce moment est arrivé, et je crois que l’émotion est une bonne façon d’aborder le problème. L’homo est sapiens, mais il est aussi sentiens et communicans. Or, il se trouve que je suis confronté aux problèmes des émotions depuis longtemps. Chez les animaux d’abord, où avec Daniel Bret et quelques autres chercheurs, j’ai étudié dans les années soixante et soixante dix les crises audiogènes, les ulcères de contrainte, et l’émotivité des petits rongeurs. J’ai même étudié, à l’occasion d ‘un contrat avec l’Armée, « la panique chez les rats »… Chez l’homme ensuite : j’ai dirigé plusieurs thèses (celles de Jacques Fourcade, Stavrie Economides, Gelis Dahan, Kamal Bekdache) sur l’étude polygraphique des situations d’entretien, où les réactions affectives tiennent une place importante. C’est à cette époque qu’a été conçu le concept d’Organisation-Verbo-Viscero-Motrice, et découvert le phénomène du balancement qu’on retrouvera au chapitre 3 de ce livre. Mais c’est au début des années quatre-‐vingt seulement que je suis vraiment entré dans le champ des émotions pour les émotions elles-‐mêmes. Invité à la maison des Sciences de l’Homme de Paris, à l’instigation du Laboratoire Européen de Psychologie Sociale, pour une réunion constitutive d’une équipe de recherche sur les émotions sous l’égide de Klaus Scherer, alors Professeur à l’Université de Giessen , j’ai hésité à m’y joindre. Il s’avérait en effet que la méthode utilisée serait celle des questionnaires. Or, les questionnaires ne font guère partie de la panoplie des Ethologues. Mais j’étais le seul chercheur français disponible et la perspective de participer à cette équipe internationale m’attirait. Cette recherche a abouti à la publication du livre Experiencing Emotion à Cambridge University Press en 1986. J’y rédigeais en collaboration avec mes collègues Espagnols J.M .F. Dols et A.J. Fernandez le chapitre sur la verbalisation de l’expérience émotionnelle et avec Verena Aebischer, celui sur l’expérience émotionnelle des Français. L’ensemble du livre résulte d’un travail collectif, et grâce sans doute aux qualités de son leader, une véritable équipe internationale s’est constituée permettant des échanges qui ont achevé de déterminer mon intérêt pour les émotions. Que Verena Aidischer, Elisho Babad, Eva Bärningher-‐Huber, J.M.F.Dols, J.R. Edelmann, Heiner Ellgring, A.J. Fernandez, D. Giovannini, J.Elizabeth Green, Pïo Ricci-‐Bitti, Bernard Rimé, B.Angela Summerfield et G.Herald Wallbott et bien sûr Klaus Scherer reçoivent à cette occasion mon témoignage d’amitié. Cette équipe a, à la fin des années quatre-‐vingts, élargi la recherche au-‐delà de l’Europe en l’étendant à l’ensemble de la planète, Monique Jardel me rejoignant pour la partie française de l’enquête. Mais si cette recherche mobilisait et enrichissait mon intérêt pour les émotions, elle ne me satisfaisait pas en tant qu’éthologue. Je désirais continuer l’approche de terrain et l’observation directe. L’émotion s’inscrivait dans l’éventail des préoccupations de mon laboratoire d’éthologie des communications, centrées depuis des années sur les processus de communications interpersonnelles. Un de mes collaborateurs, Gilles Benejam, a soutenu sa thèse sur les signaux expressifs émotionnels. Paul Ekman est venu nous rendre visite. Et je suis allé l’année suivante, visiter son laboratoire et faire la connaissance de Wallace Friesen à San Francisco. Leur méthode d’étude des mimiques faciales me paraissait conforme aux principes de la recherche éthologique et la thèse de Yolande Jung a récemment montré comment cette approche de l’expression émotionnelle faciale pouvait être utile aux praticiens en prenant pour terrain la pratique odontologique et la chirurgie réparatrice maxillo-‐faciale. Mais le groupe de recherche sur les interactions1 auquel mon Laboratoire était rattaché développait ses travaux sous la houlette de Catherine Kerbrat-‐Orecchioni, et les 1 Centre de Recherche Linguistique et Sémiologique(CRLS) puis Groupe de Recherches sur les Interactions et la Communication (GRIC). publications, particulièrement sur les communications non-‐verbales, me valaient d’être invité à parler à des publics de tous ordres : psychologues, éducateurs, médecins et soignants, psychothérapeutes… Or les discussions se terminaient le plus souvent sur les problèmes des émotions, de leur expression, de leur gestion, et de leur utilisation thérapeutique ou éducative. Un bref séjour au centre californien d’Esalen m’avait d’ailleurs convaincu de l’intérêt de cette dimension émotionnelle et de celui de l’aborder plus directement que par le seul canal verbal, ce que j’avais eu l’occasion de vérifier en organisant les thérapies « communicologiques » à l’hôpital de jour de la Mutuelle de l’Education Nationale à Lyon et à travers les formations de soignants développés par mon ami et collaborateur d’alors, Emmanuel Galacteros. Cette dérive de ma recherche éthologique sur les voies cliniques et thérapeutiques m’a conduit à participer au groupe « Emotions » dirigé à Paris VII par Max Pagès et à m’intéresser au développement de « l’Art-‐Thérapie ». Des travaux tels que ceux d’Edith Lecourt sur la musicothérapie et de Jocelyne Vaysse sur la danse et les thérapies par le mouvement me paraissaient être des voies particulièrement fécondes pour la recherche sur les émotions. Emotions dans les interactions, émotions dans les thérapies, m’ont conduit aux travaux que je mène actuellement avec Marie-‐Lise Brunel2 sur l’empathie, qui constitue un des concepts les plus fondamentaux de la question des émotions dans les interactions quotidiennes. Je m’aperçois que cet avant-‐propos retrace mon itinéraire de chercheur. C’est qu’en fait, rétrospectivement, cet itinéraire se révèle avoir été en permanence en rapport avec la question des émotions. Je dois avouer que cela ne m’était pas toujours apparu au moment même. Ce n’est qu’au fil des années que le thème, d’abord latent, s’est actualisé. Or, c’est à ce moment de mon évolution personnelle (1994) que, par une coïncidence heureuse (mais est-‐ce un hasard ?), les éditions Retz m’ont contacté, envisageant une publication consacrée aux émotions. J’acceptai sans hésiter puisque ce sujet était devenu pour moi d’un si grand intérêt. J’ai pu ainsi mesurer l’ampleur et la complexité de la question. Mesurer aussi à quel point elle est fondamentale pour tout ceux qui travaillent dans le champ des sciences humaines. Pour finir, je dois remercier ceux qui m’ont aidé : Marie-‐Pierre Levallois et Jacques Mousseau des éditions Retz, Edmond Marc, lecteur et ami attentif, et l’ensemble des collègues et amis avec lesquels j’ai eu l’occasion de discuter, à diverses reprises, de mon travail, ou ceux de mes proches auxquels j’ai lu certains passages et qui ont eu la patience de m’écouter. Que tous soient ici chaleureusement remerciés. Mes remerciements aussi pour tous les amis du Laboratoire d’éthologie des communications au sein duquel cet ouvrage a été conçu (devenu aujourd’hui Laboratoire ICAR). Le climat d’affection et de sympathie qui y règne a toujours été source de grand plaisir dans mes activités quotidiennes de chercheur. 2 Professeur à l’Université du Québec à Montréal. Ces travaux aboutiront en 2012, à : « L’empathie », Marie-‐Lise Brunel & Jacques Cosnier , publié aux Presses Universitaires de Lyon. Une deuxième version reflétant le développement des « sciences affectives », établie en 2004, grâce au Professeur Antoine Roumanos, à la suite d’une série de conférences données à l’Université Saint–Joseph de Beyrouth (Liban), avait été mise en libre accès dans le site WEB du Laboratoire ICAR. Le texte suivant est donc la troisième version revue et actualisée en ---------------------------------2O15---------------------------------- SOMMAIRE 0 – Introduction 3 0.1-Des termes multiples pour des concepts flous 3 Question de termes L’inévitable postulat empathique 0.2 - Définitions du sujet et des termes utilisés 6 0.3-Sources d’informations et modes d’approches 8 0.3.1 - Approches biologiques 8 0.3.2 – Approches éthologiques : les aspects comportementaux 10 0.3.3 – La métapsychologie psychanalytique : les aspects subjectifs 12 03.4-Sciences cognitives 14 1 - Des fortes émotions aux grands sentiments 17 1.1 - uploads/Science et Technologie/ emotions-et-sentiments 1 .pdf
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- Publié le Jan 04, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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