La lecture, son apprentissage et ses troubles : bases cognitives et biologiques

La lecture, son apprentissage et ses troubles : bases cognitives et biologiques Franck Ramus Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique (EHESS/CNRS/DEC-ENS) - Partie 2 - Les troubles spécifiques des apprentissages et la dyslexie 2. Une pathologie spécifique à l’apprentissage de la lecture : la dyslexie développementale http://ist.inserm.fr/basisrapports/dyslexie.html La dyslexie est-elle une invention destinée à "médicaliser" des problèmes sociaux et pédagogiques? source : Le café pédagogique ILLETTRISME ≠DYSLEXIE Cinquante raisons d’échouer l’apprentissage de la lecture Causes biologiques : • problèmes sensoriels : – vision – audition • retard mental • troubles du langage • troubles de l’attention • troubles du comportement Causes environnementales : • problèmes sociaux • problèmes familiaux • problèmes pédagogiques La dyslexie développementale • après exclusion de tous les facteurs sus-cités • 5% des enfants d’âge scolaire ont encore des difficultés inattendues pour apprendre à lire Cognition Biologie Comportement Environnement Modélisation causale de la dyslexie Intelligence normale Environnement normal Niveau de lecture réel Niveau de lecture attendu >> >> Différences génétiques Déficit cognitif Perception normale Dysfonctionnement cérébral Cognition Biologie Comportement Environnement Modélisation causale de la dyslexie Intelligence normale Environnement normal Niveau de lecture réel Niveau de lecture attendu >> >> Différences génétiques Déficit cognitif Perception normale Dysfonctionnement cérébral Pré-requis cognitifs pour l’apprentissage de la lecture • le langage, en particulier le lexique, la phonologie et la conscience phonologique • le système visuel • le système auditif L’hypothèse du déficit phonologique Environnement Trouble d’apprentissage de la lecture Déficit phonologique Orthographe irrégulière Correspondances graphème- phonème Tâches 'phonologiques' Dysfonctionnement péri-sylvien gauche Différences génétiques Cognition Biologie Comportement Tâches phonologiques typiques (à l’oral) • Tâches de conscience phonologique : – détection d'intrus sur les rimes, sur les allitérations Ex : "route goutte barre" ou "chat coq chien" – contrepèteries Ex : /citron bateau/ →/bitron sateau/ • Tâches de mémoire à court terme verbale : – empan de chiffres, de mots, de non-mots – répétition de non-mots • Tâches de dénomination rapide : – d'images – de chiffres – de couleurs • Capacités phonologiques faibles même avant l’apprentissage de la lecture Les différentes facettes du déficit phonologique Environnement Retard d’apprentissage de la lecture Faible conscience phonologique Orthographe irrégulière Mauvaise maîtrise des correspondances graphème- phonème Dysfonctionnement péri-sylvien gauche Faible mémoire verbale à court terme Accès phonologique inefficace Contrepèteries inexactes Répétition de non-mots inexacte Dénomination lente Retard de formation du lexique orthographique Batterie phonologique -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 Controls Dyslexics PHONOLOGY CC Ramus et al. (2003) Brain Corrélation phonologie/lecture literacy 2 1 0 -1 -2 -3 PHON1 3 2 1 0 -1 -2 DYSLEXIC dyslexic control r=-0.86, p<0.001 contrôles : r=0.55, p=0.03 ; dyslexiques : r=-0.62, p=0.01 Études longitudinales : l’étude de Jyväskylä (Lyytinen et al.) • début en 1993 ; recrutement sur 3 ans • recrutement de femmes enceintes : – familles avec un parent dyslexique (N=107) – familles contrôles (N=93) • mesures depuis la naissance jusqu’à l’âge de 10 ans • analyse des prédicteurs de la dyslexie et des compétences en lecture Mesures cognitives générales : normales Perception catégorielle de la parole à 6 mois • ata-atta • également : ba-da-ga Développement du langage 2-5 ans Prédicteurs des capacités précoces de lecture entrée à l’école (7 ans) Également capacités non- verbales 15% : • attention visuelle (3.5 ans) • PIQ (5 ans) Troubles visuo-attentionnels • une minorité d’enfants dyslexiques semblent ne pas avoir de déficit phonologique, mais plutôt un trouble d’ordre visuel • plusieurs théories en compétition : – dysfonctionnement magnocellulaire (Livingstone, Stein) – troubles de contrôle binoculaire (Stein, Kapoula) – mini-héminégligence gauche (Hari) – trouble de l’empan visuo-attentionnel (Valdois) – déficit de capture visuo-attentionnelle (Facoetti) • peut-être plusieurs types de troubles visuels • à creuser… Cognition Biologie Comportement Environnement Modélisation causale de la dyslexie Intelligence normale Environnement normal Niveau de lecture réel Niveau de lecture attendu >> >> Différences génétiques Déficit phonologique Perception normale Dysfonctionnement cérébral Cognition Biologie Comportement Environnement Modélisation causale de la dyslexie Intelligence normale Environnement normal Niveau de lecture réel Niveau de lecture attendu >> >> Différences génétiques Déficit phonologique Perception normale Dysfonctionnement cérébral Cognition Biologie Comportement Environnement Modélisation causale de la dyslexie Intelligence normale Environnement normal Niveau de lecture réel Niveau de lecture attendu >> >> Différences génétiques Déficit phonologique Perception normale Dysfonctionnement cérébral Le cerveau dyslexique : études d’imagerie fonctionnelle Paulesu, Démonet et al. (2001) Science • volume de matière grise réduit chez les dyslexiques dans les zones indiquées • connectivité plus faible sous les zones temporo- pariétales Eckert (2004) Neuroscientist Le cerveau dyslexique : études d’imagerie structurale Présence d’ectopies et microgyries dans à la surface du cortex. Elles reflètent des perturbations de la migration neuronale... Le cerveau dyslexique : études post-mortem La migration neuronale (vers 12-24 semaines de gestation chez l’homme) Galaburda, A. M., Sherman, G. F., Rosen, G. D., Aboitiz, F., & Geschwind, N. (1985). Developmental dyslexia: four consecutive patients with cortical anomalies. Ann Neurol, 18(2), 222-233. Majoritairement dans les zones péri-sylviennes gauches. Présence d’ectopies et microgyries dans à la surface du cortex. Apparaissent vers 16-24 semaines de gestation (migration neuronale). Le cerveau dyslexique : études post-mortem Problèmes de l’hypothèse du trouble de la migration neuronale • seulement quelques cerveaux disséqués par Galaburda et coll. • travaux jamais reproduits • ectopies et microgyries pas visibles en imagerie cérébrale (mais les propriétés visibles peuvent être liées) Cognition Biologie Comportement Environnement Modélisation causale de la dyslexie Intelligence normale Environnement normal Niveau de lecture réel Niveau de lecture attendu >> >> Différences génétiques Déficit phonologique Perception normale Dysfonctionnement périsylvien gauche Cognition Biologie Comportement Environnement Modélisation causale de la dyslexie Intelligence normale Environnement normal Niveau de lecture réel Niveau de lecture attendu >> >> Différences génétiques Déficit phonologique Perception normale Dysfonctionnement périsylvien gauche Génétique : aggrégation familiale de la dyslexie Nopola-Hemmi, J., et al. (2002). Developmental Medicine and Child Neurology, 44(9), 580-586. • risque familial : 50% au premier degré • transmission qui semble autosomale dominante Études de jumeaux mono- et dizygotes Plomin, R., Owen, M. J., & McGuffin, P. (1994). The genetic basis of complex human behaviors. Science, 264(5166), 1733-1739. Héritabilité des troubles du langage oral et écrit (Stromswold, 2001) 0% 20% 40% 60% 80% 100% Troubles langage oral Troubles langage écrit Troubles langage oral/écrit Génétique Environnement partagé Environnement non partagé Régions chromosomiques impliquées dans la dyslexie développementale Grigorenko, E. L. (2003). Proc Natl Acad Sci U S A, 100(20), 11190-11192. KIAA0319 DYX1C1 DCDC2 ROBO1 DYX2 DYX5 DYX1 DYX8 DYX3 DYX6 Étude de deux familles dyslexiques avec translocations t(2;15)(q11;q21) et t(2;15)(p13;q22) Nopola-Hemmi et al. (2000). J Med Genet. • A-II.3 : problèmes d’acquisition de la lecture, déficit phonologique, mais QI faible • B-II.2 : épileptique mais pas dyslexique… • B-II.3 : normal • protéine DYX1C1 largement conservée, forme humaine similaire à 78% à dyx1c1 souris et à environ 99% à dyx1c1 singe • exprimée dans le cerveau, les poumons, les reins, les testicules… Caractérisation du gène DYX1C1 en 15q21 Taipale, M., et al. (2003). Proc Natl Acad Sci U S A Analyse fonctionnelle de DYX1C1 (Joe LoTurco, UConn.) Wang, Y., et al. (2006) Neuroscience. Neuronal migration and the dyslexia susceptibility gene Dyx1c1. Le DYX1C1 tronqué engendre des ectopies Les autres gènes associés à la dyslexie • KIAA0319, DCDC2, et ROBO1 sont eux aussi nécessaires pour la migration neuronale • ROBO1, comme DYX1C1, est impliqué par une mutation rare dans une ou deux familles • certains allèles de KIAA0319 et DCDC2 augmentent la susceptibilité à la dyslexie dans la population Les gènes associés à la dyslexie • ne sont pas des "gènes de la dyslexie" • ne sont pas des "gènes de la lecture" • ne sont pas des "gènes du langage" • ce sont des gènes qui, entre autres choses, participent à la construction du cerveau, et notamment de certaines zones cérébrales impliquées dans le langage oral, et recrutées ultérieurement pour l'acquisition du langage écrit. Cognition Biologie Comportement Environnement Modélisation causale de la dyslexie Intelligence normale Environnement normal Niveau de lecture réel Niveau de lecture attendu >> >> Allèles de susceptibilité influençant la migration neuronale Déficit phonologique Perception normale Dysfonctionnement périsylvien gauche “Si c’est génétique, alors c’est foutu…” • tous les cas de dyslexie ne sont pas nécessairement génétiques. Autres facteurs biologiques: toutes causes de perturbation cérébrale (prématurité, souffrance à la naissance, traumatisme crânien…) • la dyslexie est un trait génétique complexe (multiples allèles intéragissant et chacun augmentant le risque) • les facteurs génétiques interagissent toujours avec des facteurs environnementaux : – autres facteurs biologiques extrinsèques, – environnement langagier, – orthographe de la langue, – méthodes d’enseignement de la lecture, – rééducations et traitements. • génétique ne veut pas dire déterminé et immuable – le génome produit des prédispositions cérébrales et cognitives – l'environnement détermine l'expression de ces prédispositions • l'existence de facteurs génétiques ne déresponsabilise en rien les familles, la société ou l'école : les facteurs familiaux, sociaux, et pédagogiques jouent un rôle important ! • l'école a un rôle particulièrement important à jouer “Si c’est génétique, alors c’est foutu…” Repérer, prévenir, prendre en charge, aménager. Les troubles spécifiques des apprentissages Apprentissages généraux : • trouble spécifique du langage oral (dysphasie), • dyspraxie, trouble uploads/Science et Technologie/ f-ramus-dyslexie.pdf

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