Olivier Houdé HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE Troisième édition corrigée 8e mille À
Olivier Houdé HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE Troisième édition corrigée 8e mille À lire également en Que sais-je ? COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT Jacques Hochmann, Histoire de la psychiatrie, no 1428. Roger Perron, Histoire de la psychanalyse, no 2415. Michel Godfryd, Vocabulaire psychologique et psychiatrique, no 2739. Olivier Houdé, Les 100 mots de la psychologie, no 3800. Jacques André, Les 100 mots de la psychanalyse, no 3854. ISBN 978-2-7154-0781-7 ISSN 0768-0066 Dépôt légal – 1re édition : 2016 3e édition corrigée : 2021, août © Presses Universitaires de France / Humensis, 2021 170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris Avant-propos Le mot « psychologie » est dérivé du latin psycho- logia et issu du grec, psukhê, « âme » ou « esprit », et logos, « discours rationnel ». C’est à la fin du XIXe siècle que ce « discours sur l’âme » est devenu une discipline scientifique à part entière, distincte de la philosophie. Elle étudie, par l’expérimentation et la clinique, l’ensemble des processus mentaux conscients et inconscients propres à chaque individu. Commençons par dresser un état des lieux du présent. Aujourd’hui, grâce aux progrès fulgurants de l’informatique, des sciences cognitives et de l’imagerie médicale, les psychologues peuvent pro- duire, sur ordinateur, des images numériques tri- dimensionnelles reliées à l’activité des neurones en tout point du cerveau. Et cela qu’il s’agisse du cer- veau normal ou pathologique de l’adulte, de l’enfant ou même du bébé. Ainsi, depuis les années 1990, deux principales techniques sont utilisées dans les laboratoires de psychologie pour étudier les réseaux neuronaux qui sous-tendent les processus mentaux de chaque individu : la tomographie par émission de positons (TEP) et l’imagerie par résonance magnétique anatomique (IRMa) ou fonctionnelle (IRMf). La résolution (précision) spatiale de ces techniques est très bonne, de l’ordre du millimètre. Afin d’ob- tenir, en complément, une résolution temporelle 3 maximale (en millisecondes), on utilise la magnéto- encéphalographie (MEG) ou l’électroencéphalo- graphie (EEG), technique d’enregistrement cérébral plus classique, mais aujourd’hui à haute densité (EEG-HD). Ces nouveaux instruments s’ajoutent à la boîte à outils traditionnelle des psychologues, qui comportait déjà, depuis les années 1980, grâce aux premiers ordi- nateurs (après les chronomètres classiques), des mesures comportementales fines, en millisecondes, des temps de réponse : la « chronométrie mentale ». Ces expé- riences de psychologie assistées par ordinateur sont programmées avec des logiciels spécialisés (communs à tous les laboratoires de psychologie de par le monde) afin de bien contrôler, de façon synchronisée, les para- mètres étudiés : stimulations présentées à l’écran et consignes, types de réponses, temps de réponse et signal cérébral, hémodynamique (TEP, IRMf) ou électrique (MEG, EEG). C’est dès lors avec cet arsenal technologique que l’on étudie aujourd’hui les questions classiques de ce qui est devenu la « science de l’âme » (ou de l’esprit) : de la perception à la conscience. Mais ces techniques, certes fabuleuses, n’ont d’intérêt que pour tester une architecture mentale bien définie, un modèle nouveau ou une théorie plus ancienne, réexaminée. La science dite « dure » reste douce ! C’est bien cette mise en perspective théorique qui adoucit et étoffe la psychologie. En effet, elle est au cœur du métier de « psychologue chercheur » et pra- ticien qui s’interroge sur le sens ou l’application des nouvelles découvertes. Dans le sillage de Jean Piaget, 4 cette exigence est même devenue épistémologique 1. Mais elle est aussi, par conséquent, historique : il convient de comprendre les questions psychologiques contemporaines (celle de l’inné ou de l’acquis, par exemple) depuis leur origine et leurs racines dans l’Antiquité. Pour les étudiants en psychologie et pour le grand public qui veulent percevoir l’originalité, la force et le relief actuel de cette science, l’histoire est la meilleure façon de l’aborder. Quant aux jeunes chercheurs scien- tifiques et technophiles d’aujourd’hui, c’est peut-être cette connaissance historique qui leur manque le plus et qu’ils auront plaisir à découvrir ici. L’histoire de la psychologie se mêle, bien entendu, à la grande histoire de France et du monde – Dieu lui-même y sera souvent mêlé ! Car de l’Antiquité aux XIXe et XXe siècles, la psychologie naissante a toujours accompagné son temps ou y a réagi, tant à propos des aspects sociopolitiques et religieux que philosophiques et scientifiques. Mais que serait la psychologie sans ses acteurs ? Le génie personnel, psychologique, l’élan humain et intel- lectuel de chacun ont fait progresser la discipline, très souvent d’ailleurs de manière dynamique et non linéaire. C’est pourquoi nous avons centré le livre sur des auteurs : Platon psychologue, Aristote psycho- logue, saint Augustin psychologue, Montaigne psycho- logue, Pascal psychologue, Darwin psychologue… 1. L’épistémologie est l’étude critique des sciences, destinée à déter- miner leur origine logique, leur valeur et leur portée (philosophie des sciences). Il s’agit aussi d’une théorie générale de la connaissance : qu’est-ce que la connaissance, comment l’acquiert-on ? 5 jusqu’aux fondateurs de la « psychologie officielle » à la fin du XIXe siècle : Wilhelm Wundt en Allemagne, Théodule Ribot en France et William James aux États- Unis, suivis de Freud, Piaget et bien d’autres. Dans De la physiologie mentale, Marc Jeannerod (1935-2011), membre de l’Académie des sciences, remarquait qu’à la naissance de la psychologie, au XIXe siècle, deux fées, la biologie et la philosophie, se penchaient sur son berceau 1. L’une et l’autre cher- chaient à se concilier les grâces de la nouvelle venue : « elle me ressemble », disait la biologie ; « c’est mon portrait », répondait la philosophie ! Il y a pourtant erreur, n’en déplaise aux philosophes. Ce n’était pas un nouveau-né (loin de là), plutôt une adolescente, car, par ses questionnements pointus sur l’âme, l’esprit, le cerveau, la psychologie s’immisçait déjà tout à la fois dans l’histoire de la biologie des fonctions supérieures (d’Hérophile et Galien à Gall et Darwin) et dans celle de la philosophie – voire de la théologie. C’est pourquoi, bien qu’acteur de la recherche scientifique la plus actuelle, emporté par l’avenir, je remonterai dans les pages qui suivent jusqu’à la Grèce antique et à Psyché. C’est là que plongent les vraies racines historiques et culturelles de la psychologie. 1. M. Jeannerod, De la physiologie mentale. Histoire des relations entre biologie et psychologie, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 9. CHAPITRE PREMIER De Psyché au logos – L’Antiquité – Pour tous, l’Antiquité évoque la mythologie grecque fixée au VIIIe siècle avant Jésus-Christ par les poètes Homère, dans l’Iliade et l’Odyssée, et Hésiode, dans Les Travaux et les Jours, puis continuée par les Romains Virgile et Ovide. Elle décrit la création du cosmos (Chaos, Gaïa, la Terre qui enfanta les montagnes, la mer et le ciel), les dieux de l’Olympe et, surtout, elle relate de multiples récits où Olympiens, Titans, Géants et même humains s’affrontent. C’est parmi eux qu’ap- paraît la belle Psyché, c’est-à-dire l’« âme » : la psycho- logie est déjà née ! On dit souvent que les mythes ont perdu leur pou- voir d’expliquer le monde à la naissance du logos d’Aristote, la « raison », la « parole rationnelle », prin- cipe au fondement de la philosophie et de la science dans la Grèce antique. En effet, du mythe considéré comme vérité indiscutable, on est passé à la pensée rationnelle. Nous le verrons avec Platon, Aristote, Hérophile et Galien, qui amorcent déjà une science rationnelle de l’âme (l’esprit) et du cerveau, même si chez Platon l’aspect mythologique persiste. En fait, les deux formes de pensée ont coexisté chez les Grecs. 7 I. – Mythologie : Psyché, psychopompe, Œdipe Quoiqu’ils aient continué d’inspirer les arts au cours des siècles, les mythes antiques ont été peu à peu considérés comme la partie « primitive » de la science. À partir du XIXe siècle, ils deviennent même superflus et incompatibles avec elle. Au XXe siècle, leur statut a quelque peu changé : ils ont à nouveau rejoint la pensée à la mode, notamment en psychologie avec Freud et le complexe d’Œdipe, mais aussi Jung et le complexe d’Électre (le symétrique d’Œdipe). Aujourd’hui encore, ils continuent de se transmettre, avec des variations, et de stimuler l’imaginaire. Quasi- ment tous ont une dimension psychologique : nous reviendrons plus particulièrement sur celui d’Œdipe. Mais commençons par Psyché et le psychopompe, qui nous serviront de guides. 1. Psyché, spirituelle et matérielle. – Dans la mytho- logie, Psyché, ou Âme, est une jeune mortelle, fille de roi, d’une beauté incomparable et dont s’est épris Éros (Dieu de l’amour et de la puissance créatrice). Mais Aphrodite, la mère d’Éros, est depuis toujours jalouse de Psyché. Pour se débarrasser d’elle, elle lui fait subir de redoutables épreuves, que Psyché parviendra à surmonter, à force de courage et de ténacité. C’est alors qu’Éros la conduit au mont Olympe, où il obtient de Zeus la permission de l’épouser. Psyché est ainsi divinisée. Le roman latin d’Apulée (123-170), Les Métamorphoses, également connu sous le titre L’Âne d’or, contient la version romaine complète de cette 8 histoire. Un riche album de dessins, de peintures et de sculptures sur Éros & Psyché par les plus grands artistes, du Moyen Âge et de la Renaissance uploads/Science et Technologie/ histoire-de-la-psychologie-2021.pdf
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- Publié le Mai 23, 2022
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