CEA CLEFS CEA - N° 52 - ÉTÉ 2005 102 Des nanotechnologies aux applications teme

CEA CLEFS CEA - N° 52 - ÉTÉ 2005 102 Des nanotechnologies aux applications tements et observation des effets de la thérapie sur la maladie et sur le patient.Le développement de la phar- macogénétique(1)prépare la prochaine avancée majeure, le dépistage chez des sujets sains de prédispositions génétiques à certains cancers, à des maladies cardio- vasculaires ou encore à d’autres affections héréditaires. Des tests similaires seront employés pour identifier les patients dont le profil génétique peut conduire à des effets secondaires adverses en réaction à un médicament ou à une classe de médicaments.Avec les nouveaux tests, les hôpitaux et laboratoires d’analyse médicale s’équi- peront d’instruments et de systèmes d’information en partie inspirés des technologies aujourd’hui dévelop- pées et utilisées à des fins scientifiques, comme par exemple la spectrométrie de masse et les biopuces. Dans les années 1990, les biopuces ont été mises au point pour l’exploitation parallèle et à haut débit des (1) Pharmacogénétique: étude de la variabilité des réponses pharmacologiques en fonction du profil génétique des individus, par analyse des expressions phénotypiques (caractères apparents d’une cellule, voire d’un organisme, résultant de l’expression de ses gènes, via la synthèse de protéines), en particulier des différences dans l’équipement enzymatique et ses conséquences sur le métabolisme. Puce EWOD, microsystème permettant la manipulation de gouttes de 100 nanolitres par électromouillage. Grâce aux électrodes mises une à une sous tension, la goutte d’échantillon se déplace. A ujourd’hui, les chercheurs disposent d’outils qui ne se limitent plus aux équipements et réactifs de laboratoire. Ils utilisent des instruments issus des hautes technologies et des programmes informatiques puissants pour découvrir les principes de base et les comportements qui gouvernent les mécanismes du vivant aux niveaux moléculaire, cellulaire, des orga- nismes et à l’échelle des populations. Les avancées technologiques renforceront l’importance du diagnostic à toutes les étapes de suivi du patient: identification de la maladie,localisation,choix des trai- Les micro- et nano- technologies pour le vivant Vers des microsystèmes d’analyse interfacés avec le vivant Identifier une pathologie, choisir la thérapie appropriée et suivre ses effets, dépister chez un individu sain des prédispositions génétiques à certaines maladies, effectuer des analyses biomédicales dans de véritables laboratoires miniaturisés en n’utilisant qu’une goutte de sang, permettant ainsi de réduire le volume des prélèvements, la consommation de réactifs, le temps et les coûts, analyser et manipuler à grande échelle et de façon individualisée la cellule vivante, telles sont les applications prometteuses en cours de développement des nanotechnologies. Au cours des dernières décennies, notre compréhension des bases de la gestion de l’information dans le monde du vivant a progressé à grands bonds, avec la découverte de la structure en double hélice de la molécule d’ADN puis son séquençage et l’analyse fonctionnelle des gènes. Durant le même laps de temps, les sciences et technologies de l’information ont réalisé des prouesses époustouflantes. Du rapprochement de ces deux domaines émergent des nouveaux champs interdisciplinaires pour la recherche scientifique avec des applications au bénéfice de la société et de ses citoyens. CLEFS CEA - N° 52 - ÉTÉ 2005 103 données et corrélats de la nouvelle biologie, celle du génome puis celle du protéome. Les premières puces à ADN ont été rapidement commercialisées avec des succès retentissants tant sur le plan scientifique que financier.La masse d’informations collectées et le débit des puces ont été sans précédent et ont révolutionné la recherche en biologie.Une nouvelle voie est ouverte pour les approches analytiques à haut débit et de nombreuses équipes se lancent dans la recherche et le développement de microsystèmes d’analyse pour la biologie.À l’heure actuelle,l’éventail des analyses minia- turisées couvre les domaines de la biologie moléculaire, structurale et cellulaire avec des applications allant du diagnostic médical à la surveillance de l’environnement. À la base de ces développements, deux approches répondent à l’adage smaller,faster,cheaper(plus petit, plus rapide, moins cher): les microarrays, d’une part, constituées de milliers de spots micrométriques de moléculesbiologiques (ADN ou protéines) arrangés en matrice sur une lame de verre ou de silicium dans un ordre prédéterminé et la microfluidique, d’autre part,ou l’art de manipuler des volumes d’échantillons et de réactifs inférieurs au microlitre (10-6 litre). À l’intersection de ces deux disciplines, les labopuces de demain seront des systèmes intégrant toutes les étapes, du traitement de l’échantillon au rendu du résultat. Ces labopuces auront absorbé au passage des composants microélectroniques,optiques et logi- ciels et seront fabriqués avec des techniques mises au point pour la microélectronique. Dans cette course à la miniaturisation et à l’intégra- tion, les cellules trouvent naturellement leur place, et aujourd’hui de nombreux développements visent à créer des microsystèmes d’analyse interfacés avec le vivant. Ces cell-on-chips permettront des analyses phénotypiques,électriques et optiques,à la fois à grande échelle et à l’échelle de la cellule unique. Héberger le vivant n’est pas une mince affaire et préserver les fonc- tions fragiles de la microélectronique des pollutions biologiques en est une autre. Irrésistiblement, les biopuces subiront l’évolution de leurs cousinsmicroprocesseurs vers l’extrême minia- turisation. Nanosciences et nanotechnologies seront mises à contribution pour réaliser les capteurs bio- mimétiques, c’est-à-dire qui s’inspirent des mécanis- mes de reconnaissance moléculaire et de transduction des signaux rencontrés dans le monde vivant. Ces “nez électroniques” présenteront des sensibilités et sélectivités proches de celles du règne animal, un mil- liard de fois plus performantes que pour la meilleure technologie disponible actuellement. Les microarrays, la force brute Les microarrays ouvrent le bal en 1991 avec la publica- tion par Stephen P. A. Fodor, dans la revue Science(2), d’une méthode de fabrication de puces à oligonucléo- tides(3) par synthèse chimique in situ, base par base, utilisant la photolithographie (encadré E, La litho- graphie, clé de la miniaturisation, p. 37), l’une des techniques fondamentales de la microélectronique.La société américaine Affymetrix, leader mondial des biopuces,met au point le procédé qui permet d’atteindre une densité de 1 million de sondes par cm2. Les premières puces sont commercialisées dès 1995. Alors que les puces d’Affymetrix sont limitées à de petits oligonucléotides de 25 bases au maximum, d’autres mettent en œuvre des produits PCR (Polymerase Chain Reaction), des plasmides(4), de l’ADN génomique ou des oligonucléotides longs, de 50 à 70 bases.Les puces sont élaborées par différentes méthodes, incluant la simple impression des sondes sur une lame de microscope. Les microarrays servent essentiellement à mesurer le niveau d’expression de centaines, voire de milliers de gènes. L’ARN messager (ARNm) est extrait des cellules d’un même type, converti en ADN complé- mentaire (ADNc) puis amplifié et marqué à l’aide d’une substance fluorescente.Une molécule d’ADNc, complémentaire de l’une des sondes de la puce, va coller par hybridation sur le spot correspondant et être détectée à l’aide d’un scannerde puces.L’intensité de la lumière émise dépend du nombre de copies d’un ARNm spécifique présent, et donc de l’activité ou du niveau d’expression du gène. En un sens, ces microarrays sont une représentation, ou un profil, des gènes actifs ou inactifs à un moment donné dans un type cellulaire particulier. Les premiers résultats sont parus en 1995 dans la revue Science et le pre- mier génome complet d’eucaryote(5) (la levure(6) Saccharomyces cerevisiae) obtenu sur une puce a été (2) Science, 251, pp. 767-773. (3) Oligonucléotide: court fragment d’ADN composé de deux à quelques dizaines de nucléotides. Les nucléotides sont constitués d’une base (purique ou pyrimidique), d’un sucre et d’un groupement phosphate. (4) Plasmide: macromolécule circulaire d’ADN présente chez les bactéries, capable de se répliquer de façon autonome. (5) Eucaryote: organisme vivant composé d’une ou de plusieurs cellules possédant un noyau et un cytoplasme distincts. (6) Levure: champignon microscopique unicellulaire se reproduisant principalement de façon asexuée. Grâce au dispositif MeDICS, faire léviter, déplacer dans toutes les directions, analyser et récupérer une cellule unique sont devenus un jeu d’enfant. P. Chagnon/BSIP-CEA CLEFS CEA - N° 52 - ÉTÉ 2005 104 Des nanotechnologies aux applications publié dès 1997. Aujourd’hui, plusieurs sociétés (Agilent,Affymetrix) proposent des microarrayscou- vrant l’intégralité du génome humain. Les puces à ADN permettent également de détecter les variations génétiques d’un individu à l’autre ou entre populations.Grâce aux fortes densités de sondes,il est possible de réaliser des tests génétiques sur un éventail important d’éventuelles altérations du génome. Ces approches sont susceptibles d’être utilisées dans de nombreuses situations pathologiques. Dans le cas d’infections, elles donneront les moyens d’identifier rapidement l’agent responsable, bactérie ou virus, de le typer génétiquement et de choisir le traitement le plus efficace.Pour le cancer,il sera possible de recher- cher les facteurs génétiques liés à un risque important d’apparition de la maladie. Le patient pourra alors adapter ses habitudes de vie, suivre un traitement préventif et sa maladie sera détectée à un stade très précoce,avant l’apparition des symptômes.La tendance s’infléchit donc vers des puces “ciblées”sur une condi- tion, un symptôme, un trait génétique particulier. La priorité sera donnée au prix de revient,à la robustesse, à la sensibilité et à la sélectivité des puces de basse et moyenne densités destinées au diagnostic médical. Mais,l’ADN ce n’est pas les protéines! Le génome seul ne permet pas de décrire la fonction des protéines pour lesquelles il code(7), ni les mécanismes qui régu- lent leur concentration dans les cellules. De plus, les protéines actives sont souvent le uploads/Science et Technologie/ technologies-pour-le-vivant-les-micro-et-nano.pdf

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