L'INTERNAT DANS L'EXPÉRIENCE SCOLAIRE Dominique Glasman Presses de Sciences Po

L'INTERNAT DANS L'EXPÉRIENCE SCOLAIRE Dominique Glasman Presses de Sciences Po | « Agora débats/jeunesses » 2010/2 N° 55 | pages 109 à 124 ISSN 1268-5666 ISBN 9782296122376 DOI 10.3917/agora.055.0109 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2010-2-page-109.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po. © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Si la proportion s’élève avec le passage du collège au lycée et au lycée professionnel, ou quand on considère le secteur public puis le secteur privé, elle demeure toujours modeste. Cependant, environ un élève sur six, à un moment ou à un autre de sa scolarité secondaire, fréquente l’internat au moins un an (une fille sur sept, un garçon sur cinq) ; part minoritaire, mais non résiduelle. Le maillage de plus en plus serré du territoire national en établissements du second degré est bien entendu le facteur essentiel de la décrue notable des effectifs d’internes depuis cinquante ans. Mais celle-ci doit aussi à la conception dominante de l’éducation, selon laquelle c’est aux parents qu’il revient d’élever eux-mêmes leurs enfants, plutôt que de leur « faire donner » une éducation. Il reste que, pour effectuer un parcours dans un enseignement secondaire de moins en moins réservé aux couches privi- légiées, il faut parfois, encore aujourd’hui, opter pour le régime d’interne. L’éloignement du domicile familial par rapport à l’établissement demeure un puissant motif d’inscription à l’internat. Il n’est cependant pas toujours décisif : certains élèves, résidant à une longue distance, sont malgré cela inscrits sous un autre régime, de demi-pensionnaire le plus souvent ; et, à l’inverse, il est des internes qui résident non loin de l’établissement, ou d’autres encore qui se sont inscrits très loin alors qu’ils pourraient être scolarisés à la porte de chez eux. L’argument géographique n’est pas non plus le seul ; c’est du moins ce que suggèrent, à l’examen des statistiques nationales, quelques régularités qu’on ne peut rapporter à une question d’éloignement : les garçons ont plus tendance à être internes que les filles, les redoublants et les élèves en retard plus que les non-redoublants et les élèves à l’heure, les enfants de famille monoparentale (mère seule) plus que les autres. Cela nous conduit à penser que, dans la fréquentation de l’internat, rési- dent des enjeux plus larges que seulement « pratiques » ; l’internat est, © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 12/09/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.71.148.243) © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 12/09/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.71.148.243) 110 Dossier L’internat dans l’expérience scolaire au sein des familles, une façon de « gérer » la difficulté scolaire, de régler des difficultés de relations entre parents et enfants, d’inscrire le jeune dans un autre cadre de sociabilité et de socialisation. Et du reste, quelle que soit la raison, l’éloignement ou autre, qui a présidé à l’inscription d’un adolescent à l’internat, que celle-ci ait été contrainte ou délibérément choisie, ce séjour n’est pas pour lui sans effets sur la construction de soi. Cette construction passe par un rapport avec des adultes au sein de cette institution qu’est l’internat, et s’opère aussi par la vie parmi les pairs. On va dans ce texte s’intéresser à la fonction socialisatrice jouée par l’inter- nat, quitte à laisser de côté, faute de place, le réaménagement des rela- tions avec les parents auquel donne lieu, de fait, l’installation en internat. Même si l’internat d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier, même si le jeune en revient chaque semaine et y demeure donc moins en continu, même si les conditions de vie en box ou en petites chambrées n’ont rien de com- mun avec l’alignement dans les antiques dortoirs immenses et glacés, Méthodologie Le présent article s’appuie sur une recherche réalisée avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale (MEN), de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE), de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et de la Région Rhône-Alpes. Il s’agissait de repérer et de comprendre les usages que font, de l’internat, les élèves et leurs parents, en rapportant ces usages à des caractéris- tiques de sexe, de milieu social, de zone d’habitat, de parcours scolaire, de structure familiale, de secteur de scolarisation. La problématique de la recherche n’était donc pas centrée sur les acteurs des politiques publiques d’éducation (même si des chefs d’établissement, par exemple, ont pu être interrogés) ni sur les professionnels en contact avec les ado- lescents (même si des conseillers d’éducation ou des surveillants ont aussi été rencontrés) ; elle portait sur des usages sociaux différenciés de cette structure qu’est l’internat. La recherche a exploité les fichiers nationaux que sont le panel 1995 des élèves entrés pour la première fois en sixième en 1995 et suivis tout au long de leur scolarité secondaire, et le fichier scolarité des années 2004 à 2008. Elle a conduit à réaliser un ensemble d’entretiens, dans la région Rhône-Alpes, en particulier auprès de 256 internes, de 113 parents d’internes, dans des établisse- ments tant privés que publics, dans des collèges ou des lycées généraux et professionnels, implantés dans des zones géographiques distinctes (grande ville, petite ville, zone rurale…*). On se contentera ici d’en pré- senter les résultats essentiels s’inscrivant dans la problématique géné- rale de ce numéro d’Agora. * La recherche a donné lieu à la réalisation d’un rapport de Dominique Glasman (2010). Les résultats exposés dans cet article sont, bien entendus, beaucoup plus développés dans le rapport, et l’administration de la preuve, entre autres par l’exploitation statistique et par les extraits d’entretien, y est nettement plus poussée. © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 12/09/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.71.148.243) © Presses de Sciences Po | Téléchargé le 12/09/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.71.148.243) AGORA DÉBATS/JEUNESSES N° 55, ANNÉE 2010 [2] 111 même si le personnel en contact avec les internes a rompu avec l’image des anciens préfets de discipline, même si, de manière plus générale, il est plus difficile de parler aujourd’hui d’« institution totale » quand on évoque les internats, il reste qu’y séjourner une ou plusieurs année(s) a des effets sur les adolescents et constitue une occasion de socialisation. UNE DEMANDE D’INSTITUTION L’internat comme cadre, et en particulier comme cadre de travail On caractérisera un cadre par plusieurs traits : un cadre est un espace physique délimité, distinguant clairement intérieur et extérieur, et éven- tuellement subdivisé en sous-espaces réservés à une activité ou à une partie des occupants ; c’est aussi un découpage du temps, rythmé et scandé selon des régularités ; des obligations, des permissions et des interdits y sont énoncés, relatifs entre autres à l’usage des lieux, à l’oc- cupation du temps, aux modes de relations entre les occupants, des per- sonnes étant chargées de les rappeler et, au besoin, de maintenir le cadre dans ses différents aspects ; enfin, il est fréquent qu’un soubassement normatif vienne, explicitement ou au moins implicitement, orienter ce qui se fait dans le cadre. Près de la moitié des internes présentent l’internat comme répondant à une recherche de cadre : « J’avais besoin d’être encadrée, gérée », dit Céline, élève de terminale S. Pour certains, c’est d’ailleurs davantage cadré que chez eux, et ils apprécient. Il en est encore qui soulignent que, pour eux, l’internat est un cadre qui sécurise et qui repose, voire qui pro- tège. Différentes fonctions sont ainsi assignées au cadre par les internes (ou par leurs parents) : assurer un rythme de vie régulier et serein, pro- téger en étant à distance de ce qui est perçu comme un danger dans le quartier ou l’établissement scolaire d’origine, ou encore offrir un envi- ronnement de travail. C’est sur ce dernier point que l’on va s’arrêter un instant. Pour les deux tiers des élèves interrogés (et dans une proportion équivalente pour leurs parents), l’internat est un cadre de travail et c’est ce qu’ils lui demandent prioritairement. Quand, à la maison, vient l’heure de se mettre au travail, de « faire ses devoirs », mille et une tentations d’esquive se présentent ; et ce moment devient uploads/Science et Technologie/ internat-scolaire 1 .pdf

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