La méthode scientifique Stéphan Reebs Département de biologie Université de Mon
La méthode scientifique Stéphan Reebs Département de biologie Université de Moncton, Canada © 2017 La Méthode Scientifique (avec des majuscules!) est une représentation idéale du déroulement d’une étude scientifique. « Idéale » veut dire qu’il n’est pas toujours possible de suivre exactement les étapes de cette méthode. Il est tout à fait possible d’entreprendre un projet scientifique qui ne corresponde pas exactement à la méthode décrite ici. La recherche scientifique n’est pas une activité rigide. Cependant, dans la mesure du possible, la méthode scientifique demeure un bon exemple de démarche à suivre. Elle représente aussi une façon logique de présenter au public une recherche scientifique. Voici donc les étapes de la méthode scientifique : 1) On prend connaissance d’un fait. On observe ce fait soi-même, idéalement en le mesurant précisément, ou on apprend l’existence de ce fait en lisant la littérature scientifique. Des faits qui ont simplement été rapportés par « l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours » devraient être vérifiés avant de former la base d’une recherche scientifique. Exemple fictif: On observe personnellement que, dans notre ville, les étourneaux se perchent sur les cheminées très souvent en hiver, mais presque jamais en été. 2) On se pose une question sur ce fait. Exemple: Quel est l’avantage pour un étourneau de se percher sur une cheminée en hiver? Pour faire partie de la démarche scientifique, la question doit pouvoir être répondue par l’intermédiaire d’observations concrètes. Des questions du genre « Pourquoi l’Être Suprême permet-il la douleur dans le Monde? » ou « Combien exactement y avait-il d’espèces de mammifères sur terre en 1524? » ne sont pas scientifiques parce qu’elles ne peuvent pas être répondues concrètement. 3) On élabore une ou des hypothèses. Une hypothèse est une réponse imaginaire, mais basée sur un raisonnement intelligent, pour la question posée. Quand cela est possible, il est bon d’élaborer plusieurs hypothèses pour une même question. Pour être considérées scientifiques, ces hypothèses se doivent d’être testables, vérifiables, potentiellement réfutables. Exemple: Étant donné que les cheminées laissent sortir de l’air chaud, et qu’il fait froid en hiver, peut-être que les étourneaux se perchent sur les cheminées en hiver pour se réchauffer. Étant donné que les cheminées occupent une position élevée, et qu’il y a des oiseaux de proie dans notre ville en hiver, peut- être que les étourneaux se perchent sur les cheminées pour mieux voir arriver les prédateurs aériens. 4) On conçoit une expérience critique qui va tester une ou plusieurs hypothèses. On prédit ce qui devrait arriver sous certaines conditions si l’hypothèse est valide. Les conditions peuvent être créées de toute pièce par les scientifiques, en laboratoire ou sur le terrain. On peut aussi profiter des conditions créées par la nature, c’est-à-dire les variations naturelles de l’environnement. Exemple: Si les étourneaux utilisent les cheminées comme source de chaleur, on peut prédire que les étourneaux se percheraient en plus grand nombre et plus souvent sur les cheminées lors des journées très froides par rapport aux journées moins froides. Il suffit donc de mesurer le taux d’occupation des cheminées lors de plusieurs journées hivernales qui diffèrent de par leur température ambiante. On pourrait en profiter pour mesurer l’activité des prédateurs aériens pour voir s’ils chassent plus ou moins souvent quand il fait froid. 5) On exécute l’expérience, on recueille les données, et on évalue dans quelle mesure l’hypothèse est supportée. Si la prédiction ne se réalise pas, l’hypothèse est rejetée, du moins dans sa forme actuelle (il est possible de modifier l’hypothèse plus tard afin qu’elle corresponde aux résultats, et de la tester encore sous cette nouvelle forme). Si la prédiction se réalise, l’hypothèse est supportée, du moins pour l’instant (des études futures pourraient la rejeter en faveur d’une autre hypothèse encore meilleure). L’hypothèse devient très convaincante si l’expérience non seulement la soutient mais rejette aussi en même temps beaucoup d’autres hypothèses compétitrices, alternatives, ou si d’autres expériences continuent à soutenir l’hypothèse. Exemple: Notre expérience révèle que plus il fait froid, plus les étourneaux utilisent les cheminées. Notre première hypothèse (cheminées comme source de chaleur) est donc supportée. Notre expérience démontre aussi que les prédateurs aériens ne sont pas plus actifs quand il fait froid; cette hypothèse ne peut donc pas expliquer nos résultats. Mais l’hypothèse anti-prédateur n’est pas nécessairement rejetée parce que nous n’avions pas fait de prédictions spécifiques basées sur elle. Nous savons maintenant que les étourneaux utilisent les cheminées comme source de chaleur, mais on ne peut rien dire sur l’avantage anti-prédateur. Peut- être que cet avantage existe en plus de l’avantage thermorégulateur. Il faut faire d’autres expériences ou observations pour tester cette possibilité. 6) On communique nos résultats à la communauté scientifique, voire même à la société en général. Toute recherche scientifique qui donne des résultats concluants doit être publiée sous forme de rapport technique (habituellement au gouvernement) ou sous forme d’article scientifique dans une revue scientifique spécialisée. Avant d’être acceptés pour publication, les articles scientifiques sont rigoureusement évalués par des spécialistes du domaine qui s’assurent que la recherche a été bien conçue et que les résultats ont été bien interprétés. Une recherche publiée est donc normalement très crédible et peut former la base de futures études. Un article scientifique peut aussi être à la base d’un futur article de vulgarisation dans lequel les résultats d’une étude ou d’un grand programme de recherche sont communiqués au public en général (la vulgarisation est une activité que tous les scientifiques devraient s’efforcer de pratiquer, bien que l’appétit du grand public pour la science soit quelque peu inégal: ça dépend du domaine, du niveau de complexité, et de la situation socio-économique). Exemple: On soumet à la revue scientifique d’ornithologie « Condor » un article scientifique intitulé « Cheminées comme source de chaleur pour les étourneaux urbains en hiver ». Les arbitres apprécient la qualité de cette recherche et l’article est accepté pour publication. Comme d’habitude, ça va prendre quelques mois avant que le numéro qui contient l’article soit finalement publié. En attendant, on publie dans la revue populaire « Le Naturaliste du Nouveau-Brunswick » un petit article intitulé « Étourneaux au coin du feu ». Éléments de réflexion : a) Il faut éviter de développer une attache sentimentale envers certaines hypothèses. Si nos préjugés sont trop forts envers ou contre certaines hypothèses, on devient biaisé. On coure le risque de « tricher » inconsciemment en prenant les données, ou de fermer les yeux envers certains aspects des données, ou de mal interpréter les résultats. Il faut essayer de demeurer objectif lors du design de l’expérience, lors de la prise des données, et lors de l’analyse des résultats. Certains diraient même qu’il faut être le plus rigoureux possible et essayer le mieux possible de réfuter notre hypothèse favorite, si on en a une. Plus une hypothèse résiste aux bons essais de prouver qu’elle est fausse, plus elle devient convaincante. b) Presque toutes les expériences scientifiques ont recours à la comparaison. On peut comparer un groupe expérimental (dans lequel on a manipulé une variable) à un groupe témoin (variable non-manipulée). On peut aussi comparer entre eux plusieurs groupes expérimentaux dans lesquels on a manipulé une variable à différents niveaux, comme par exemple les différentes températures (jours) dans l’exemple des étourneaux ci-haut. Il convient de prendre nos mesures le plus précisément possible, pour tous les groupes expérimentaux et témoins, pour que la comparaison soit valide. Si une expérience ne vaut pas la peine d’être bien faite, elle ne vaut pas la peine d’être faite du tout. c) En philosophie des sciences, il est impossible de « prouver » une hypothèse de manière définitive par la méthode scientifique. (En philosophie, c’est seulement dans le domaine des mathématiques qu’on peut prouver des théorèmes de façon absolue.) On peut « supporter » une hypothèse, mais « prouver » veut dire qu’aucune autre hypothèse ne peut expliquer les mêmes résultats, et qui sait si une autre hypothèse ne pourrait pas être imaginée dans le futur? À noter cependant qu’il est possible de « prouver » une hypothèse dans le sens du parler de tous les jours, dans le sens de « prouver hors de tout doute raisonnable », dans le sens qu’on reconnait que quelque chose est vrai. Par exemple, la théorie de la gravité universelle, la théorie de l’évolution, et la théorie de la constitution atomique de la matière ont toutes été « prouvées » par la science et sont reconnues comme décrivant adéquatement la réalité. d) La recherche scientifique moderne est ciblée, en ce sens qu’elle débute souvent à partir d’une vision préconçue de ce que pourraient être les résultats. Les « expéditions de pêche » où on n’a pas la moindre idée de ce qu’on pourrait découvrir (on se demande simplement « qu’est-ce qui arriverait si on essayait ça? ») ne sont pas très populaires parce qu’elles ne donnent que très rarement des résultats intéressants. Le simple fait d’amasser des données dans l’espoir d’y découvrir des patrons (ce qu’on appelle l’approche inductive), sans avoir d’idée préconçue de ce que ces patrons pourraient bien être, uploads/Science et Technologie/ la-methode-scientifique.pdf
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- Publié le Fev 24, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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