- E. Philippon – Année scolaire 2010-2011 – Lycée Joliot Curie – 02500 Hirson 1

- E. Philippon – Année scolaire 2010-2011 – Lycée Joliot Curie – 02500 Hirson 1 Le sujet : Entre conscience et inconscience Introduction « Je suis, j’existe », disait Descartes. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Et à quoi bon le dire ? Qu’est-ce que cela peut faire que j’existe et que je pense à mon existence ? Est-ce qu’un caillou n’existe pas aussi ? et une mousse sur un arbre ? La différence, c’est que j’ai une conscience ; j’existe et je le sais. La différence tient à peu de choses, peut-être, à presque rien, mais l’ordre de l’univers d’une certaine façon en sort tout bouleversé. Blaise Pascal écrivait au XVIIème siècle : « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. » L’homme est donc un roseau pensant, sa conscience est un recul (ou une avancée) sur l’ordre du purement factuel (les faits bruts), elle lui donne sans doute une grandeur mais également la liberté et la responsabilité. Le mot français conscience vient du latin conscientia de cum (avec) et scientia (la science, la connaissance). Sa présence se dédouble pour ainsi dire spirituellement, et c’est ainsi qu’il se distingue d’un caillou ou d’une mousse. Mais quelle est la limite de cette présence spirituelle ? On peut être plus ou moins conscient. On peut perdre conscience dans le coma, l’évanouissement ou plus simplement le sommeil. Ceux qui croient en l’immortalité de l’âme pensent que la présence spirituelle est plus importante, plus forte que la présence physique. Penser à la conscience, c’est aussi s’interroger sur l’inconscient. Mais si l’inconscient n’était pas simplement l’absence de conscience ? S’il était quelque chose d’autre, une force qui nous échappe souvent comme le pensait Freud ? Et la conscience n’est- elle pas aussi la conscience que nous ne sommes pas, que nous ne sommes jamais seuls ? N’est-elle pas toujours et déjà une conscience morale qui nous appelle à ne pas vivre comme si nous étions seuls au monde ? C’est une partie des questions auxquelles nous tenterons de répondre dans ce cours. I- Le sujet cartésien a) La certitude et le doute hyperbolique. Voici un tableau d’Ocatvio Ocampo (Mouth of Flowers, 2000) qui outre sa beauté semble particulièrement adapté pour illustrer un cours sur la conscience. La conscience est une perception mêlée de pensée, c’est-à-dire qu’elle est toujours une interprétation du réel. Mais que serait le réel en lui-même sans interprétation ? Je peux cesser d’interpréter ce tableau comme un visage. Il reste des fleurs et un papillon. Mais si je renonce à interpréter les fleurs comme fleurs et le papillon comme papillon, que reste-t-il ? Du réel, rien que du réel. On ne peut même pas imaginer ce que serait le réel sans conscience et sans interprétation, pourtant cette pensée nous amène à la porte d’un mystère. (Un exercice de méditation Zen consiste à essayer de voir le monde sans l’interpréter). - E. Philippon – Année scolaire 2010-2011 – Lycée Joliot Curie – 02500 Hirson 2 « Il ne faut jurer de rien » est une pièce écrite par Alfred de Musset au XIXème siècle. Ce titre signifie qu’il n’y a rien d’assez sûr pour qu’on puisse s’y engager sans risque de se tromper. Ne donnez pas votre main à couper, l’erreur est la norme et non la vérité ! René Descartes au XVIème siècle est parti d’un constat similaire dans les Méditations métaphysique. Il remarque que celui qui veut la certitude ne peut se fier à ce que lui apprennent les sens. En effet, on ne doit pas se fier à ce qui nous a déjà trompé. Il prend pour illustrer son propos des illusions d’optiques comme une tour carré qui au loin nous paraît ronde ou un bâton qui est immergé dans l’eau nous semble brisé. Il prend ensuite un exemple resté célèbre pour dénoncer le peu de certitude que nous offre l’expérience des sens : celui d’un morceau de cire. Que reste t-il d’un morceau de cire si je l’approche d’une flamme ? Il passe du solide au liquide, devient odorant, n’occupe plus la même forme dans l’espace etc. Pourtant, c’est bien le même morceau de cire. Il faut donc douter de ce que nous apprennent nos sens sur le monde extérieur. Mais Descartes pousse ce doute plus loin. Après tout, qu’est-ce qui nous garantit que ce que nous vivions n’est pas illusoire, un rêve ? Comment peut-il être sûr qu’il est assis, en robe de chambre et non couché, rêvant qu’il est assis en robe de chambre ? Et comment peut-il être absolument certain de n’être pas fou ? Certains le sont, pourquoi pas lui ? Il fut que la certitude résiste à ce qu’on appellera après lui des « états de conscience modifié ». Il va même jusqu’à imaginer l’hypothèse d’un « malin génie », celle d’un dieu mauvais et rusé qui prendrait plaisir à le tromper. Comment déjouer ses plans ? Ce doute méthodique qui va au-delà du doute ordinaire, c’est ce que l’on appelle le doute hyperbolique. b) La première évidence : Je suis, je pense. Comment sortir du doute hyperbolique ? Par une certitude intellectuelle que peut déjouer les ruses du malin génie, celle de l’ego cogito : « Je suis, je pense » qu’on retient souvent sous la forme de « je pense, donc je suis ». Citation de Descartes : « Mais qu'est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense ? Mais qu'est-ce qu'une chose qui pense ? C'est-à-dire un être qui doute, qui conçoit, qui vit, qui veut et qui ne veut pas, qui s'imagine aussi et qui sent aussi » "Notre système regarde cette image comme étant une seule scène. Notre cerveau a appris que deux objets de grandes tailles vont avoir le même angle mais convergeront vers un point au centre supérieur de l’image. Puisque ces deux tours sont parallèles, notre cerveau pense qu’elles ont des angles différents (car il s’attend à les voir converger). Frederick Kingdom (ophtalmologiste) Illusion de Müller-Lyer Illusion de Sander - E. Philippon – Année scolaire 2010-2011 – Lycée Joliot Curie – 02500 Hirson 3 Si douter, c’est penser, même le malin génie ne peut faire que je me trompe quand je dis « je doute ». Mal penser, c’est déjà penser. Et comme j’ai l’idée d’une pensée parfaite différente de le mienne, j’ai déjà deux idées indubitables. A partir de ces deux idées, Descartes va déduire méthodiquement d’autres certitudes comme on le fait dans les mathématiques. Descartes est rationaliste, c'est-à-dire que selon lui, la raison nous permet d’arriver à un degré de certitude plus élevé que celui fourni par les sens. (Ceux qui pensent le contraire sont les empiristes). Pour Descartes, l’âme est plus facile à connaître que le corps. La pensée en effet se donne tout entière dans la certitude immédiate et le corps par parties. Il en déduit un certain dualisme du corps et de l’âme raisonnable. (« dualisme » est de la même famille que duel, c’est une opposition forte). Les animaux qui ne sont pas capable de raisonner abstraitement n’ont pas d’âme mais sont tout entier des corps. C’est un peu comme s’ils étaient des automates hypersophistiqués. c) Critiques de Descartes Descartes qui est un des plus grand penseurs de l’occident (et qui détermine pour beaucoup notre façon de penser même sans qu’on le sache) sera attaqué et critiqué de diverses manières. Nous en citerons trois :  On peut critiquer son dualisme âme/corps. Ce n’est pas parce que j’ai une conscience que cette conscience existe indépendamment de son rapport au corps et au monde. La conscience est un rapport entre un sujet et un objet ; ça ne veut pas dire que le sujet et l’objet existent indépendamment l’un de l’autre. (C’est une critique formulée entre autres par la « phénoménologie »)  On peut critiquer son fétichisme du langage lorsqu’il croit qu’au « je » du « je pense » correspond quelque chose de clair et distinct, d’évident (cf. la critique de Nietzche).  On peut critiquer sa théorie de l’animal machine qui identifie le corps à une mécanique et refuse la pensée à l’animal. Les sciences de la vie et les sciences humaines ont montré que la frontière entre l’homme et l’animal était beaucoup moins nette qu’il ne le croyait. (Darwin a montré notre proximité génétique avec les grands singes, et l’on peut discuter grâce au langage des gestes avec un gorille). II- L’inconscient a) L’inconscient privatif Descartes fait de la conscience une certitude absolue, évidente. Pourtant, il semble qu’il y ait dans la conscience des degrés. Je peux être conscient et inconscient en même temps, conscient d’un plus ou moins grand nombre de choses et inconscient uploads/Science et Technologie/ le-sujet-la-conscience-cours.pdf

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