la lettre n03/ printemps 2002 de l’Académie des sciences & Longévité Vieillisse

la lettre n03/ printemps 2002 de l’Académie des sciences & Longévité Vieillissement Editorial L e plus important comprendre, et si possible évaluer: tel est l'enjeu de la communication. Les questions scientifiques naissent de deux sortes de préoccupations. D’une part, le comment et le pourquoi, liés à la curiosité pour les phénomènes naturels inexpliqués et, parfois, pour la seule raison qu’on peut (qu’on doit) persévérer sans limite dans le raisonnement et l’hy- pothèse. D’autre part, le pour qui, selon la nature du résultat et ses consé- quences sur les hommes et les autres organismes vivants, animaux et végé- taux, et sur les composantes matérielles et énergétiques de l’Univers. L ’hypothèse a sa place comme instrument de décou- verte, comme exercice et plaisir de l’es- prit, mais l’exigence est plus haute: véri- fier à notre échelle humaine – tempo- rellement et socialement définie - douter, remettre les données acquises en discussion et souvent, à nouveau, en chantier. Avancer toujours plus, ce que fait l’Homme en dépit de son côté nihiliste et destructeur dont les années que nous venons de vivre ont montré la force effrayante. Cependant, la meilleure con- naissance de l’Univers cosmique, les transmissions quasi instantanées, l’aug- mentation explosive de la longévité signent la réussite de notre espèce qui, jusqu’à présent, a évité les dangers les plus graves: les anciens n’attribuaient pas plus de pouvoir aux dieux. Quelles que soient leurs craintes – au demeu- rant naturelles et qui nous aident à définir les valeurs humaines - ce sont bien les hommes qui découvrent et maîtrisent la nature, et c’est à l’activité scientifique que l’on doit les plus impor- tants changements du destin de l’hu- manité. Cette science est le bien commun de tous; à tous de le savoir, de le comprendre, et à l’Académie des sciences de tout “donner à voir” (Paul Eluard), depuis la racine fondamentale jusqu’aux applications matérielles et à leurs conséquences morales. Pour ces raisons, notre compagnie a choisi d’ajouter à l’indispensable (et très active) Délégation aux relations inter- nationales, deux nouvelles formations opérationnelles avec chacune à leur tête un(e) confrère (sœur) élu(e) en comité secret. Pour l’une (groupe Science et Société), il s’agit de réunir les données principales de la science en marche et de les confronter aux problèmes de la société afin de préparer les prises de position de l’Académie sur les grandes questions en débat; plusieurs confrères ont déjà entrepris cette réflexion indis- pensable. L ’autre (Délégation à l’infor- mation scientifique et à la communica- tion) a pour mission de présenter aux média nationaux et internationaux les découvertes de nos chercheurs et les réflexions de l’Académie, les conclusions atteintes par les réunions que nous organisons; elle n’hésitera pas à les trans- mettre aux autorités civiles, politiques et administratives, aux sociétés savantes et aux organismes de recherche. Le Bureau s’efforcera de mettre tous les moyens nécessaires et personnels à la disposition des confrères impliqués dans cette tâche. Cette ouverture devrait permettre de gagner la confiance du plus grand nombre de nos concitoyens dans nos travaux scientifiques, dans la science en général et, par là même, de contribuer à l’équilibre des activités de la société qui en dépendent presque directement, qu’il s’agisse des questions biomédicales – les aliments, les cellules souches, la reproduction, le bio-terrorisme…, ou encore de l’écologie, des énergies, de l’eau disponible… Du grain à moudre pour l’Académie  par Étienne-Émile Baulieu Vice-président de l’Académie des sciences,Professeur au Collège de France Sommaire Éditorial La recherche fondamentale et le devoir de communiquer Étienne-Émile Baulieu page 2 Dossier Longévité et vieillissement: aspects scientifiques, médicaux et sociaux Étienne-Émile Baulieu page 3 Biologie du vieillissement Entretien avec Richard A. Miller par Paul Caro page 7 Aspects médicaux et sociaux du vieillissement Maurice Tubiana page 9 Actualités du passé Mystification à l’Académie des sciences Jean-Paul Poirier page 10 Questions d’actualité Les neutrinos, omniprésents et insaisissables Michel Davier page 12 Les matériaux vieillissent aussi… André Zaoui page 14 La vie des séances Interaction homme-machine. Quelques aspects Éric Spitz et Philippe Coiffet page 17 Les phénomènes aux interfaces et les Géosciences Jean Maurice Cases page 19 La vie de l’Académie Relations avec l’Académie des sciences du Sénégal Yves Quéré page 20 L ’enseignement en Bolivie Yves Quéré page 20 Élections d’Associés étrangers page 20 Carnet La Grande médaille d’or 2001 de l’Académie des sciences page 20 La recherche fondamentale et le devoir de communiquer Une responsabilité prioritaire de l’Académie: favoriser obstinément la recherche fondamentale et la faire connaître. 2 la lettre n03 / printemps 2002 de l’Académie des sciences 3 Dossier raine de la longévité humaine en parti- culier . Nous ne faisons que reprendre ici les principaux thèmes traités par les participants, en ajoutant quelques consi- dérations personnelles permettant de donner une meilleure vue d’ensemble aux lecteurs. La longévité: une affaire de gènes? Une femme ou un homme affaibli musculairement, dont le système immu- nitaire est diminué, les réflexes et la mémoire moins efficaces, la peau altérée et les cheveux gris est vieux. Il a 82 ans, et des signes analogues peuvent être observés chez des chimpanzés de 32 ans, des chevaux de 22, des chiens de 12 ou des souris et des rats de 2 ans. Pourquoi vieillit-on à des âges différents dans chaque espèce chez les mammi- fères (les seuls que nous évoquons ici)? Y a-t-il un (ou 2 ou 3) “gènes-horloges” qui serai (en) t spécialisé(s) dans l’éva- Par Étienne-Émile Baulieu 2 Q uelle période extraordinaire, au plein sens du terme! Jamais, dans l'histoire des hommes, n’a été enregistré un accroissement de la longévité aussi important – trois mois chaque année de façon soutenue pendant plusieurs décennies et apparemment sans ralen- tissement annoncé – si bien que plus de 50 % des femmes, actuellement, attei- gnent et dépassent 85 ans dans notre pays et que l’on prédit que la moitié des filles nées au début de ce siècle seront en vie au début du XXIIe siècle; les hommes suivent, avec quelques années (5 à 8) d’espérance de vie en moins si rien ne change à cet égard. Ces données impressionnantes sont valables pour les autres pays industrialisés, et transpo- sables dans leur mouvement aux pays en développement. Une première consé- quence, en dépit du ralentissement du nombre des naissances d’ailleurs encore trop élevé: la population mondiale conti- nuera à augmenter de 90 millions par an pendant encore plusieurs décennies. Que de nouvelles questions pour chacun, pour les familles (à 4 ou 5 générations), pour la société (les retraites, la désin- sertion sociale, les soins médicaux). Il est évident qu’un seul Colloque ne peut avoir abordé qu'un nombre limité des problèmes biologiques, médicaux et sociaux posés par le vieillissement en général et l’augmentation contempo- luation du temps qui passe, indépen- damment ou presque des conditions extérieures à l’individu? Personne ne le pense plus. Cependant, il y a des gènes qui règlent de grands métabolismes et dont les propriétés modifiées (mutation) pourraient entraîner une longueur de vie différente. C’est le cas des gènes qui contrôlent les réponses au stress (de la chaleur, de l’oxydation), ou de ceux qui règlent le taux de l’hormone de crois- sance ou de son médiateur, le facteur IGF1. Il ne s’agit pas de gènes qui évaluent directement la durée de la vie, 1 Cette présentation ne résume pas la richesse des exposés que l’on trouvera publiés in extenso dans les Comptes Rendus, ainsi que, pour certaines questions spécifiques, dans le Bulletin de l’Académie de méde- cine et dans la Lettre d’information hebdomadaire de l’Académie des sciences morales et politiques. 2 Vice-président de l’Académie des sciences, Professeur au Collège de France, Membre de l’Académie natio- nale de médecine… L e vieillissement ne concerne plus seulement l’individu mais la société toute entière. Les chercheurs, au premier chef ceux des domaines biomédicaux, ont une responsabilité primordiale pour que soient prévenues et éventuellement traitées les maladies liées à l’âge. Il est nécessaire que les responsables politiques dégagent les moyens nécessaires pour permettre de mieux comprendre la longé- vité et le vieillissement, et tout ce qui peut en découler médi- calement: sans bonne santé physique et mentale des personnes âgées, on court à la catastrophe pour chaque individu et pour la collectivité humaine tout entière – alors que les progrès exceptionnels des sciences biomédicales peuvent être mises en œuvre dès à présent. Il n’est que temps de s’en occuper. L ’Académie des sciences, l’Académie des sciences morales et politiques, l’Académie nationale de médecine et l’Academy of Medical Sciences of the United Kingdom se sont réunies pour organiser un colloque qui s’est tenu les 29 et 30 octobre 2001 et qui a été suivi par plusieurs centaines d’auditeurs. 1 Longévité vieillissement: aspects scientifiques, médicaux et sociaux & 4 Dossier mais de systèmes de régulation pour accommoder l’organisme aux compo- santes de l’environnement, au sens le plus large de ce mot. La seule restric- tion calorique, par exemple, permet de prolonger la durée de la vie des rongeurs, montrant que la recherche fondamentale peut quelquefois mener à des interventions pratiques simples et efficaces (R. Miller)3. G.Martin 4qui dirige le programme SAGE uploads/Science et Technologie/ lettre-3.pdf

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