Obscure clarté Quand l’obscuran>sme fait loi ! par Anaëlle Lebovits-Quenehen Un

Obscure clarté Quand l’obscuran>sme fait loi ! par Anaëlle Lebovits-Quenehen Une forclusion du sujet au programme de philosophie par Virginia Rajkumar Le maître de demain, c’est dès aujourd’hui qu’il commande — Jacques Lacan N° 835 – Mardi 23 avril 2019 – 06 h 14 [GMT + 2] – lacanquotidien.fr Obscure clarté Quand l’obscuran>sme fait loi ! par Anaëlle Lebovits-Quenehen Une forclusion du sujet au programme de philosophie par Virginia Rajkumar Le maître de demain, c’est dès aujourd’hui qu’il commande — Jacques Lacan N° 835 – Mardi 23 avril 2019 – 06 h 14 [GMT + 2] – lacanquotidien.fr Quand l’obscurantisme fait loi ! par Anaëlle Lebovits-Quenehen Comme les lecteurs de Lacan Quotidien le savent, Freud est sur la sellette. Le ministre Blanquer, avec la commission en charge des programmes de philosophie, s’est en effet mis en tête de le flinguer ! Sous des airs volontiers réformateurs et progressistes, la violence de l’attaque est d’une extraordinaire intensité. La notion d’inconscient disparait des programmes : tel est le projet du groupe chargé de leur élaboration. La découverte freudienne, inscrite au programme de terminale, était jusqu’ici incontournable. Avec cette réforme Blanquer, les thèses de Freud seraient dorénavant étudiées de façon contingente, à la discrétion du professeur de philosophie, et de toutes façons sans en approfondir la moindre. On obtiendra donc demain son baccalauréat sans avoir jamais entendu parler de l’inconscient, et on pourrait l’obtenir sans même jamais avoir entendu parler de Freud ! Mesurons la perte que constitue cette éviction à l’heure du scientisme, du complotisme, de la suspicion tous azimuts et des fake news. On a d’ailleurs d’abord pu croire que la suppression de la notion d’inconscient était une fake news tant la chose semble incongrue et le silence des autorités compétentes, total depuis que la chose est connue. Le complotisme règne comme l’un de ces obscurantismes dignes du Moyen-Âge – temps antérieurs à l’avènement de la science moderne. Mais ce nouvel obscurantisme est d’autant plus criant que la science moderne connait aujourd’hui son apogée ! La suppression de cet enseignement, nous allons le montrer, fait le jeu de l’obscurantisme alors même que l’on prétend être à la pointe du progrès. Quand l’obscurantisme fait loi ! par Anaëlle Lebovits-Quenehen Comme les lecteurs de Lacan Quotidien le savent, Freud est sur la sellette. Le ministre Blanquer, avec la commission en charge des programmes de philosophie, s’est en effet mis en tête de le flinguer ! Sous des airs volontiers réformateurs et progressistes, la violence de l’attaque est d’une extraordinaire intensité. La notion d’inconscient disparait des programmes : tel est le projet du groupe chargé de leur élaboration. La découverte freudienne, inscrite au programme de terminale, était jusqu’ici incontournable. Avec cette réforme Blanquer, les thèses de Freud seraient dorénavant étudiées de façon contingente, à la discrétion du professeur de philosophie, et de toutes façons sans en approfondir la moindre. On obtiendra donc demain son baccalauréat sans avoir jamais entendu parler de l’inconscient, et on pourrait l’obtenir sans même jamais avoir entendu parler de Freud ! Mesurons la perte que constitue cette éviction à l’heure du scientisme, du complotisme, de la suspicion tous azimuts et des fake news. On a d’ailleurs d’abord pu croire que la suppression de la notion d’inconscient était une fake news tant la chose semble incongrue et le silence des autorités compétentes, total depuis que la chose est connue. Le complotisme règne comme l’un de ces obscurantismes dignes du Moyen-Âge – temps antérieurs à l’avènement de la science moderne. Mais ce nouvel obscurantisme est d’autant plus criant que la science moderne connait aujourd’hui son apogée ! La suppression de cet enseignement, nous allons le montrer, fait le jeu de l’obscurantisme alors même que l’on prétend être à la pointe du progrès. Quel progrès ? Disons-le, Lacan ne croyait guère au progrès. Il le considérait comme un mirage résultant de l’oubli de ce qu’on perd dans le moment où l’on regarde ce que l’on gagne (1). Cependant, si le progrès ne constitue pas l’horizon intellectuel de sa pensée, ni par conséquent de son éthique, cela n’empêchait pas Lacan d’être à la fois révolté et engagé au sens où il était en lien avec les divers savoirs qui habitent le monde, des plus anciens aux plus contemporains. Ne pas croire au progrès n’était donc pas, chez lui, une invitation à se retirer du monde, mais au contraire, à prendre sa part dans la course de l’Histoire, avec un grand sens des responsabilités. Son enseignement en atteste – son Séminaire, ses Écrits et Autres écrits le montrent. Mais d’où vient l’idée même de progrès ? Peut-être bien du discours de la science, de cette science qui avance à toute allure, et qui progresse bien, elle, à mesure que le savoir scientifique gagne du terrain sur notre ignorance en la matière. Et non seulement le progrès est manifeste dans ce champ, mais rien ne semble même pouvoir l’empêcher. La science avance avec ou sans l’autorisation de quiconque, pour le meilleur et pour le pire. Se caler sur le progrès scientifique pour croire au progrès de l’humanité est aussi tentant qu’illusoire. Pourquoi l’humanité ne progresserait-elle pas en effet aussi bien et aussi vite que la science ? La question se pose d’autant plus sérieusement que c’est bien l’humanité elle-même qui fait avancer la science. Seulement les faits sont là : la science progresse et la pulsion de mort ne régresse pas pour autant. La connaissance scientifique étend son empire depuis plus de quatre siècles, et la haine, à l’échelle du monde, ne recule pas. Elle se déplace, change de visage, fait de longues pauses après des pas de géants, mais elle ne s’éteint pas. La science ne parvient pas non plus à annihiler l’obscurantisme, y compris chez nous qui profitont de ses lumières, voire chez les scientifiques eux-mêmes quand ils se font aussi scientistes. Scientisme et complotisme sévissent en effet en lui faisant la part belle par les temps qui courent. Le complotisme n’est pourtant pas le scepticisme. Son incrédulité ne mène ni à la suspension du jugement ni à celle de l’action devant la difficulté de discriminer le vrai du faux, mais à une révolte triviale contre un sujet-supposé-abuser-de-sa-crédulité. Contrairement au sceptique qui suspend son jugement, le complotiste sait qu’on se paye sa tête, qu’on lui ment, qu’on se moque, qu’on l’arnaque ! Quel progrès ? Disons-le, Lacan ne croyait guère au progrès. Il le considérait comme un mirage résultant de l’oubli de ce qu’on perd dans le moment où l’on regarde ce que l’on gagne (1). Cependant, si le progrès ne constitue pas l’horizon intellectuel de sa pensée, ni par conséquent de son éthique, cela n’empêchait pas Lacan d’être à la fois révolté et engagé au sens où il était en lien avec les divers savoirs qui habitent le monde, des plus anciens aux plus contemporains. Ne pas croire au progrès n’était donc pas, chez lui, une invitation à se retirer du monde, mais au contraire, à prendre sa part dans la course de l’Histoire, avec un grand sens des responsabilités. Son enseignement en atteste – son Séminaire, ses Écrits et Autres écrits le montrent. Mais d’où vient l’idée même de progrès ? Peut-être bien du discours de la science, de cette science qui avance à toute allure, et qui progresse bien, elle, à mesure que le savoir scientifique gagne du terrain sur notre ignorance en la matière. Et non seulement le progrès est manifeste dans ce champ, mais rien ne semble même pouvoir l’empêcher. La science avance avec ou sans l’autorisation de quiconque, pour le meilleur et pour le pire. Se caler sur le progrès scientifique pour croire au progrès de l’humanité est aussi tentant qu’illusoire. Pourquoi l’humanité ne progresserait-elle pas en effet aussi bien et aussi vite que la science ? La question se pose d’autant plus sérieusement que c’est bien l’humanité elle-même qui fait avancer la science. Seulement les faits sont là : la science progresse et la pulsion de mort ne régresse pas pour autant. La connaissance scientifique étend son empire depuis plus de quatre siècles, et la haine, à l’échelle du monde, ne recule pas. Elle se déplace, change de visage, fait de longues pauses après des pas de géants, mais elle ne s’éteint pas. La science ne parvient pas non plus à annihiler l’obscurantisme, y compris chez nous qui profitont de ses lumières, voire chez les scientifiques eux-mêmes quand ils se font aussi scientistes. Scientisme et complotisme sévissent en effet en lui faisant la part belle par les temps qui courent. Le complotisme n’est pourtant pas le scepticisme. Son incrédulité ne mène ni à la suspension du jugement ni à celle de l’action devant la difficulté de discriminer le vrai du faux, mais à une révolte triviale contre un sujet-supposé-abuser-de-sa-crédulité. Contrairement au sceptique qui suspend son jugement, le complotiste sait qu’on se paye sa tête, qu’on lui ment, qu’on se moque, qu’on l’arnaque ! Face au complot Devant tant de folie, d’aucuns, réactionnaires, regardent vers le passé comme d’autres vers l’avenir – se vouant parfois au progrès jusqu’à uploads/Science et Technologie/ lq-835.pdf

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