Musique improvisée et technologies numériques Le processus d'improvisation non-

Musique improvisée et technologies numériques Le processus d'improvisation non-idiomatique à l'épreuve de la technique Université Haute Bretagne Rennes 2 U.F.R Arts, Lettres, et communication Clémentine Blondeau Musique improvisée et technologies numériques Le processus d'improvisation non-idiomatique à l'épreuve de la technique Master Arts et Technologies numériques Mémoire rédigé sous la direction de Bruno Bossis Juin 2011 Sommaire Avant-propos.......................................................................................................................................11 Introduction........................................................................................................................................ 15 1. L'improvisation libre..................................................................................................................19 1.1 À propos du paradoxe entre la théorie et la pratique d'improvisation libre........................21 1.2 Considération historiques et esthétiques.............................................................................22 1.2.1 Une définition ambiguë...............................................................................................22 1.2.2 Un héritage hétéroclite................................................................................................ 24 1.2.3 Un art de l'expérimentation ........................................................................................ 26 1.3 L'improvisation libre : entre indétermination et détermination / Ses rapports à la musique savante.......................................................................................................................................30 1.3.1 La notion d'expressivité en musique : de l'interprétation à l'improvisation non- idiomatique...........................................................................................................................30 1.3.2 L'indétermination dans la musique du XXème siècle................................................. 34 1.3.3 De la plausibilité de l'improvisation totale : quelques objections ..............................37 1.3.4 Les déterminations dans l'improvisation libre.............................................................38 1.4 Le corps de l'improvisateur.................................................................................................44 1.4.1 De l'importance du corps dans le processus expressif et créatif..................................44 1.4.2 L'improvisateur à l'épreuve de son corps : la question de l'effort...............................46 1.4.3 Du corps à l'instrument ...............................................................................................47 Conclusion Première partie............................................................................................. 49 2. L'improvisation libre et ses croisements avec les technologies numériques.............................51 2.1 Filiations : la Live electronic music ...................................................................................53 2.2 Improvisation sans contraintes, technologies astreignantes................................................56 2.2.1 Un système informatique rationnel ............................................................................ 56 2.2.2 Une anticipation nécessaire ........................................................................................58 2.2.3 L'instrument numérique, le geste................................................................................ 65 2.3 Improvisation en quête de renouvellement, technologies inspirantes.................................69 2.3.1 Technologies numériques et logiciels : facture d'un instrument personnel et unique 69 2.3.2 Remise en cause du jeu de l'improvisateur : un vocabulaire musical à explorer........71 Conclusion Deuxième partie........................................................................................... 76 7 3. Continuité, perspectives et complexité...................................................................................... 77 3.1 Le concert de musique improvisée : quelques réflexions .................................................. 79 3.1.1 La notion de présence dans le virtuel et le non-virtuel................................................79 3.1.2 La position d'écoute : vers une écoute « libre » et active du spectateur......................82 3.2 Comment analyser l'improvisation? De l'analyse traditionnelle aux musiques non-écrites ...................................................................................................................................................86 3.2.1 Analyser les musiques contemporaines : la question du support................................87 3.2.2 Le cas particulier des musiques électroacoustiques.................................................... 88 3.2.3 L'analyse des musiques improvisées...........................................................................90 3.3 Le cheminement d'un improvisateur : Errance et remise en question.................................93 3.3.1 Une démarche introspective........................................................................................ 93 3.3.2 Envisager la contrainte dans l'improvisation libre : « évitement de soi » ou restructuration vitale?...........................................................................................................95 Conclusion..........................................................................................................................................99 Références........................................................................................................................................ 103 Tables des annexes............................................................................................................................109 Index................................................................................................................................................. 113 8 Avant-propos J'ai toujours été très intéressée par l'improvisation libre, que je pratique depuis à peu près six ans dans le cadre d'ateliers, de stages, mais aussi de façon plus informelle avec des musiciens avec qui je collabore régulièrement ou que je rencontre ponctuellement. Ayant reçu un enseignement pianistique plutôt académique, la découverte de l'improvisation a été une expérience assez bouleversante, qui a complètement remis en cause ma pratique instrumentale, mais m'a aussi permis d'avoir une approche tout à fait nouvelle de l'écoute, de l'environnent sonore, du jeu collectif, et de la musique en général... L'idée de vouloir établir un lien entre la pratique d'improvisation libre avec les technologies numériques m'est venue d'une constatation plutôt simple. Assistant régulièrement à des concerts et des festivals de musique improvisée, j'ai toujours été étonnée d'observer à quelque point les musiciens utilisant les technologies dans leur pratique d'improvisation étaient minoritaires par rapport aux improvisateurs s'inscrivant dans une certaine tradition instrumentale acoustique et par rapport à ceux qui, s'ils envisagent les technologies dans leur travail se cantonnent bien souvent à des dispositifs entièrement analogiques. Cela me semblait d'autant plus surprenant à une époque actuelle où les outils numériques prolifèrent et où l'on peut observer leur utilisation accrue dans le domaine de la musique (studio, composition, recherche, musique actuelle, musique électronique populaire etc.), une tendance qui est d'ailleurs loin d'être nouvelle. D'autre part, il m'est arrivé assez couramment d'entendre lors de discussions informelles certains jugements d'improvisateurs à propos des technologies numériques : « ce n'est pas évident », « ce n'est pas facile d'accès », « l'ordinateur n'est pas un instrument » etc., sans pour autant que ces musiciens parviennent à expliquer et argumenter précisément leurs ressentis. Un avant-goût de problématique se laissait alors entrevoir... J'en suis venue à émettre des premières hypothèses concernant cette disparité. Très rapidement, cela m'a amené à penser que ce problème venait, d'une part directement de cette notion d'improvisation bien souvent confuse et difficile à appréhender par la musicologie, et d'autre part du nouveau statut et du certain bouleversement qu'engendre l'introduction de l'outil numérique dans le spectacle vivant. Et de vie, c'est bien de ça qu'il s'agit quand on s'intéresse à l'improvisation. C'est ainsi cette double complexité qui allait marquer l'enjeu et le point de départ de ma recherche. 13 L'improvisation est une notion vaste qui dépasse largement le milieu de la musicologie traditionnelle en touchant très fréquemment à des idées d'ordre sociologique, philosophique, voire politique. De plus, l'éphémère et le manque de support concret que cette pratique occasionne a longtemps et tend toujours à refréner une démarche musicologique se centrant généralement autour de l'objet-œuvre. Par ailleurs, la musique improvisée se cultive au travers de conceptions extrêmement variées engendrant une multiplicité de manières d'improviser qui dépendent profondément du tempérament et du bagage culturel du musicien qui la pratique, ce qui rend difficile une analyse parfaitement objective de cette musique. Ainsi, je tiens à préciser que je ne prétends pas décrire, définir ici l'improvisation non-idiomatique dans son exhaustivité, selon une démarche qui viserait l'acquisition d'une vérité absolue (volonté idéaliste lorsque qu'on s'intéresse à ce sujet). Je préférerai aborder cette notion d'improvisation non pas dans sa globalité – même si j'en aurai posé certains rudiments esthétiques et historiques qui n'auront valeur que de défrichement introductif – mais selon des notions et points précis que j'aurai choisi de manière délibérée parce qu'ils renvoient à ma propre conception de cette musique et parce qu'ils sont intimement liés à ma pratique musicale. Cette conception loin d'être unanime dans les milieu des improvisateurs ne constitue donc pas en soi une règle, et est susceptible d'évoluer à l'image même de cette musique sans cesse fluctuante. Aborder ce sujet sous plusieurs angles peut paraître disparate et arbitraire au premier abord mais c'est une manière pertinente de mettre en lumière la complexité, et par conséquent la richesse, de cette notion d'improvisation sans l'enfermer dans un archétype qui ne lui saurait être que trop dogmatique. 14 Introduction L'improvisation libre, musique a priori indéterminée, tend à se détacher de toutes contraintes et d'appartenance stylistique définie. A partir de rien, l'improvisateur introduit, plus ou moins inconsciemment, ses propres déterminations et selon une approche tout à fait empirique. Celles-ci sont intrinsèquement liées à son instrument, l'espace, sa mémoire musicale, ses conditions physiques et psychologiques. C'est une musique qui se déploie dans un processus de personnalisation propre à chaque improvisateur, sans règles à proprement dites. L'improvisation naît dans la contingence, et c'est la fragilité de son caractère éphémère qui la fait vivre. Les technologies numériques et les nouvelles lutheries électroniques ont radicalement bouleversé le rapport au corps, elles remettent en cause la notion d'instrument et renouvellent les possibilités du geste musical. Par ailleurs, elles recourent à un système informatique relativement fixe, régit par un langage binaire, qui nécessite de l'anticipation, une programmation préalable ou instantanée – soit une écriture – et un certain contrôle de l'exécutant. Cela induit une dimension rationnelle qui contredit particulièrement la spontanéité naturelle du musicien « qui vit le temps de son improvisation comme celui de son existence».1 De plus, l'outil numérique rajoute quelques contraintes au processus de création, notamment la nécessité de l'apprendre, de l'apprivoiser avant même le fait de pouvoir l'utiliser. Concrètement, cela requiert dans la pratique musicale des qualités supplémentaires à celles de simple musicien, celles d’informaticien et de luthier. L'improvisation ne sera possible que lorsque l'improvisateur sera parvenu à se libérer de ces contraintes. En ce sens, utiliser les technologies numériques dans la pratique d'improvisation libre introduit des paramètres susceptibles de redéfinir le jeu musical d'un improvisateur. Comment l'improvisateur parvient à gérer cette double casquette d'artisan-luthier et de musicien, naviguer entre le temps de fabrication, et le temps du jeu, deux temps et deux processus a priori diamétralement distincts? Quelle conscience le musicien a-t-il de son corps, de ses gestes musicaux, de son instrument? En quoi l'outil numérique peut l'accompagner ou l'éloigner de cette conscience individuelle? Par quels moyens peut-il répondre à son besoin d'expressivité immédiate dans la conception d'un dispositif électroacoustique? A quel moment, dans quelles mesures et à partir de quelles attentes l'outil numérique va devenir un instrument en tant que tel avec lequel le musicien se sentira libre pour improviser? 1 Jean-François Raymond, L'improvisation, contribution à la philosophie de l'action, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1980, p. 36. Tout comme elles peuvent desservir le musicien par certains côtés, les technologies numériques permettent néanmoins de lui offrir un réservoir expressif neuf dans lequel il peut puiser pour renouveler son langage. Cela demande au musicien de gérer ces nouveaux paramètres, exploiter leur potentiel, trouver des solutions pour les intégrer au mieux dans son travail, tout en restant fidèle à son intégrité d'improvisateur « libre ». Ainsi, nous proposerons de uploads/Science et Technologie/ memoire-blondeau.pdf

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