POURQUOI CHERCHER A SE CONNAITRE SOIS-MEME ? « Je pense donc je suis », telle e
POURQUOI CHERCHER A SE CONNAITRE SOIS-MEME ? « Je pense donc je suis », telle est la célèbre formule de Descartes dans son Discours de la Méthode, où il tente d’expliquer qu’on ne peut douter de son existence en tant que chose pensante. Si il y a une chose qui nous différencie des êtres passifs, c’est bien la conscience de soi, conscience réfléchie, à la différence des animaux, dotés d’une conscience spontanée. En effet, seul l’être humain semble capable d’un tel dédoublement allant jusqu’à l’introspection ; lui seul peut se contempler en se demandant ce qu’il est. La conscience, du latin cum- scientia, « avec science ou connaissance », peut se définir comme la faculté de savoir ce qui se passe en nous et autour de nous. Chercher à « se connaître soi- même » peut donc être compris comme chercher à prendre conscience de soi. La notion de conscience soulève plusieurs problèmes philosophiques relatifs à la conscience des choses comme à celle que nous avons de nous-mêmes. Se connaître soi-même est devenu comme un passage obligatoire des penseurs pour être en symbiose avec eux-mêmes et les autres, tout comme pour l’opinion commune, qui pose la connaissance de soi comme la clé du bien-être. Mais pourquoi chercher à se connaitre soi-même ? Cette question soulève notamment une notion, celle de l’identité qui suppose une dissymétrie, une ipséité, c'est-à- dire un rapport réflexif à soi-même et une permanence. Prendre conscience de soi n’est-ce pas une réappropriation de notre identité ? Le « soi-même » pose également comme principe que le soi reste le même. Pourtant, il n’y a rien de commun à l’enfant que j’étais, à l’adulte que je suis, et au vieillard que je serais. On peut penser qu’il est possible de retourner notre conscience sur elle-même et de nous regarder comme dans un miroir. Mais cette conscience de soi est-elle une véritable connaissance de soi ? Avons-nous bien toujours conscience de ce qui se passe en nous ou une partie de nous peut échapper à notre conscience ? Et surtout, cette recherche incertaine ne serait pas finalement qu’une curiosité égocentrique ? Chercher à se connaître peut, à première vue, paraître légitime. Ce qui se passe en nous peut sembler mieux et plus immédiatement connu que ce qui se passe dans le monde autour de nous, souvent à notre insu et sans que nous en ayons conscience. En cherchant à se connaitre, on peut penser que l’homme nourrit un désir de vérité sur lui-même et ses particularités. Pour Descartes, penser est tout ce qui se fait en nous, de telle sorte que nous le percevons immédiatement par nous-même. Dans son Discours de la méthode, doutant de tout pour chercher une vérité absolument certaine, Descartes montre qu’il est impossible de douter de la conscience que l’on a de soi-même. On peut en effet se poser la question : comment pourrait-on ne pas connaitre nos propres pensées (au sens le plus large : idées désirs, sensations, émotions, souvenirs…) et comment pourraient- elles se dérober à notre conscience quand bien même elles sont en nous ? Dans cette optique, on assimilerait la pensée à la conscience. La recherche de conscience de soi amènerait alors à proposer cette conscience comme modèle de vérité, l’homme étant à la recherche de celle-ci en cherchant à se connaitre lui- même et ferait de lui un sujet « souverain », maître de ses pensées et garant de la connaissance. Se connaître peut donc être une solution pour les hommes en quête de vérité. Mais que cherchent-ils réellement ? Comment, s’il est impossible de douter de la conscience de soi, la rechercherait-on ? Ne devrait-elle pas être innée ? Certaines personnes peuvent considérer comme nécessaire de se connaître soi- même pour concevoir leur propre identité. On peut dire positivement qu’affirmer l’unité de la conscience c’est affirmer que l’on est une personne. La conscience permettrait à l’homme de se questionner sur lui-même et de se connaitre intérieurement. Il peut ainsi savoir ce qu’il est, un homme, et qui il est, une personne unique. A première vue, rien n’est plus évident que le « je ». Mais qu’est-ce qui fait le « je » ? C’est notre volonté de nous différencier des autres, d’être unique. En découvrant qui il est, l’homme pourrait ainsi mettre une distance entre lui et les autres et s’affirmer en tant que personne. Ce déterminisme intérieur pourrait en effet être l’unique moyen de nous éloigner de l’objet uniquement perçu par un regard extérieur. Lorsqu’on est enfant, et qu’il arrive le moment où l’on se détache du cercle familial pour devenir une personne consciente, dans un sens, on peut penser qu’on se détache d’autrui. Aussi, en cette recherche, il peut trouver son but, ce qui le fait vivre : en sachant qui il est, l’homme saura alors quoi faire et pourra pleinement vivre sa vie. Mais cette vision peut également être controversée, ce que nous étudierons dans une partie suivante. Ce processus de recherche de soi, porte un nom, l’introspection, et nous allons à présent tenter d’expliquer quel est son mécanisme et quelles sont ses limites. Introspection dérive du latin « specto » et « intra », qui signifie « regarder à l’intérieur », et désigne l’observation de la conscience par elle-même. Il s’agit d’analyser nos états d’âmes, nos sentiments, afin de mieux se connaitre ou pour établir des connaissances générales sur l’âme. Seul l’homme est capable d’une telle volonté, de se poser à lui-même la question « qui suis-je ? ». En effet, même si certains animaux peuvent se reconnaître dans un miroir, la conscience d’eux- mêmes reste extérieure : c’est une contemplation physique. Mais lorsque l’on procède à une introspection, on est à la fois observateur et objet observé, juge et partie. Dans le Livre de sables, de Borges, on assiste à la dérive du sujet, à une dissymétrie. Le « je » est vu à travers le jugement d’un autre. Le Borges narrateur rencontre le jeune Borges, d’après les souvenirs du Borges auteur. Mais le Borges jeune ne reconnaît pas le vieux Borges. Ici, le « je » reste-t-il le même ? On observe une dérive du sujet dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, on est son passé, son présent mais le futur n’est vécu qu’en imagination. Dans l’espace, on peut rompre avec soi-même en prenant conscience de soi. On assiste à une dilution du sujet dans laquelle ce sujet ne se connait pas dans le temps. Il est toujours mis en abyme en raison du temps. Ici, le moi réfléchissant est le moi réfléchi. On ne peut donc pas parler d’un « moi » constant, d’un « moi » unique, se connaître soi-même devient alors impossible puisque notre identité change. Autrement dit, même si notre substance reste la même, le « soi » change au cours du temps. Il semble donc impossible de se connaître soi-même. Ainsi, est-ce si facile de se connaitre soi-même ? Une partie de moi n’est-elle pas dans l’obscurité ? On peut parfois avoir le sentiment que quelque chose en nous est inconnu. On peut penser qu’il y a plus d’inconscient que de conscient dans le psychisme et qu’il pourrait être représenté comme un iceberg où la partie émergée serait la conscience. On peut également supposer que le sujet refoule des pensées dans son inconscient qui le perturbent quand elles sont en contradiction par exemple avec les interdits ou les injonctions assimilées quand on grandit. La connaissance de soi deviendrait alors plus problématique. Certaines névroses tendent à signifier qu’il existe un inconscient en contradiction avec nous-même. Dans la Lettre à Chanut, Descartes montre que l’homme a des tendances dont il est conscient mais dont il a du mal à se séparer, qu’il y a un clair-obscur dans le sujet. Il y aurait donc des choses indéracinables chez l’homme, et le fond intérieur n’appartiendrait qu’à nous-même et ne pourrait être changé. Nous ne pouvons pas connaitre ces pensées et elles deviennent ainsi inconscientes. Aucune introspection ne pourrait les révéler puisque l’un inconscient nous obstrue la perception. D’autres pensent que l’inconscient n’existe pas et le réduisent à la mauvaise foi ou un manque de sincérité avec soi-même : nous ne pouvons pas ne pas connaitre ce que nous voulons ignorer de nous-même et la seule condition pour nous connaitre serait de ne pas mentir. Pourtant la conscience pourrait être influencée par le corps et le désir. Si nous avons conscience de nos actions, mais pas conscience de ce qui nous pousse à agir, peut-on penser nous connaitre ? La conscience pourrait également être influencée par notre milieu social, comme une conscience de classe. On ne peut donc pas se représenter soi-même de façon objective mais subjective car tout ce qui nous fait est ancré dans notre inconscience et nous est inconnu, il revient donc impossible de se connaître soi- même. L’introspection et la recherche de la connaissance de soi devient alors inutile et peut même être perçue comme de l’égocentrisme. En effet, c’est ce que défend le bouddhisme, qui uploads/Science et Technologie/ pourquoi-chercher-a-se-connaitre-soi-meme.pdf
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- Publié le Fev 14, 2021
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