Collection « Recherches » Andrew Feenberg (Re)penser la technique Vers une tech

Collection « Recherches » Andrew Feenberg (Re)penser la technique Vers une technologie démocratique LA DÉCOUVERTE / M.A.U.S.S. 9 bis, rue Abel-Hovelacque Paris XIIIe 2004 Traduction d’Anne-Marie Dibon révisée par Alain Caillé et Philippe Chanial ISBN 2-7071-4147-X Édition originale : Questioning Technology, Routledge, Londres, 1999. Le logo qui figure sur la couverture de ce livre mérite une explication. Son objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout par- ticulièrement dans le domaine des sciences humaines et sociales, le développement massif du photocopillage. Le Code de la propriété intellectuelle interdit en effet expressément, sous peine des sanctions pénales réprimant la contrefaçon, la photocopie à usage collectif sans autorisation des ayants droit. Or, cette pratique est généralisée dans les établissements d’enseignement et à l’université, provoquant une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc qu’aux termes des articles L 122-10 à L 122-12 du Code de la propriété intellectuelle toute photocopie à usage collectif, intégrale ou partielle, est interdite sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également interdite sans l’autorisation de l’éditeur. Si vous désirez être tenu régulièrement informé de nos parutions, il vous suffit d’envoyer vos nom et adresse aux Éditions La Découverte, 9 bis, rue Abel-Hovelacque, 75013 Paris. Vous recevrez gratuitement notre bulletin trimestriel À la Découverte. Vous pouvez également consulter notre catalogue sur notre site www.editionslade- couverte.fr © Éditions La Découverte, Paris, 2004. Ouvrage publié avec le concours du Centre national du Livre Sommaire Préface à l’édition française Avant-propos 1. Technique, philosophie et politique I. La rationalisation démocratique 2. Les limites de la rationalité technique 3. Le problème de l’action 4. Démocratiser la technique II. Technique et modernité 5. Les théories critiques de la technique 6. La technique et le sens 7. La raison impure Bibliographie 7 11 23 45 75 109 131 169 191 221 (Re)penser la technique1 est le résultat d’une rencontre impro- bable entre le marxisme de l’école de Francfort, la révolution infor- matique et la sociologie constructiviste de la technique. Mes premiers écrits avaient été influencés par la critique révolutionnaire de la civi- lisation capitaliste, étendue jusqu’à la critique de sa technologie. Mais dans les décennies qui ont suivi, l’horizon de la révolution s’est estompé au point de disparaître totalement avec l’élection de Ronald Reagan et la désintégration du consensus progressiste qui avait essuyé les attaques radicales des années soixante. C’est dans le cadre de ce paysage profondément modifié que j’entrepris de reconsidérer les possibilités d’un changement social sous un éclairage nouveau. Les années soixante avaient ouvert la porte à un type de mouvement social bien différent de celui auquel on s’était attendu. Ce qui subsistait de la gauche provenait de mouvances non marxistes telles que le féminisme ou le mou- vement écologiste. La société, rejetée en bloc dans les années soixante, faisait maintenant l’objet de critiques concrètes et spéci- fiques. La pollution industrielle, les techniques d’accouchement, les thérapies expérimentales du SIDA, tout cela était contesté par les nouveaux mouvements sociaux au nom des conséquences de ces techniques sur la vie, la santé et la dignité humaines. Les syn- dicats, de leur côté, soulevaient des enjeux comparables en luttant contre la déqualification du travail. Préface à l’édition française 1. Le titre original de ce livre est Questioning Technology, publié en 1999 chez Routledge à Londres (NdT). Le premier livre que je consacrai à la philosophie de la tech- nique, Critical Theory of Technology2, se plaçait dans le sillage de Marcuse et Heidegger pour soutenir l’idée que « la technique est une idéologie » et contribue à un système de domination. Je mettais néanmoins l’accent sur un aspect de la position de Marcuse qui n’avait guère été guère relevé, son idée que la politique de la tech- nique repose sur des caractéristiques technologiques contingentes, déterminées par le procès de civilisation, et non pas, comme Heidegger l’affirmait, par l’essence de la technique. Voilà qui suggère que des choix technologiques différents pourraient contribuer à la démo- cratisation de la société en favorisant le développement de l’auto- organisation au sein de la sphère technique elle-même. Je concluais que partout où les relations sociales sont structu- rées par la technique moderne, il devait être possible d’y introduire un contrôle plus démocratique et de remodeler la base technique de manière à laisser davantage de place aux compétences et à l’initia- tive humaines. Et j’ajoutais que si Marx n’avait raisonné de la sorte qu’à propos de la production, c’était parce qu’en son temps, la pro- duction représentait le domaine d’application principal de la tech- nique. À mesure que la médiation technique se répand dans toutes les sphères de l’existence sociale, les potentialités ouvertes par la technique se démultiplient en même temps que s’accroissent les contradictions techniques. Ces réflexions abstraites n’étaient pas seulement le fruit de ma lecture de Marx. Elles résultaient également de l’occasion extraor- dinaire qui m’avait été offerte de participer à une révolution d’un autre genre, la révolution informatique. En 1982, on me demanda d’aider à la création du premier programme d’éducation on line. Bien avant qu’Internet ne soit accessible au public, au Western Behavioral Sciences Institute de La Jolla, en Californie, nous utili- sions un réseau d’ordinateurs pour communiquer avec les étudiants dans le cadre d’un important programme d’enseignement. Mon impli- cation dans ce programme me permit d’entrer en contact avec un champ technologique émergent et m’obligea à en apprendre les rudi- ments techniques. Je pus ainsi constater le rôle de l’action humaine dans la détermination des options technologiques. Dans un tel contexte, l’aspiration démocratique jouait un rôle particulièrement significatif (RE)PENSER LA TECHNIQUE 8 2. Publié en 1991 (New York, Oxford University Press) (NdT). puisque nous avions pour tâche de réinventer l’ordinateur à des fins d’éducation proprement humaines. À la même époque, la sociologie de la technique connaissait sa propre révolution avec l’apparition des écoles rivales du construc- tivisme social et de la théorie des réseaux d’acteurs (Actor Network Theory) en Angleterre et en France. Quoique attentif à ces débats, je restais réservé face au refus de ces deux écoles de s’affronter aux grands enjeux généraux de la modernité qu’avait soulevés l’école de Francfort. Mais la nouvelle sociologie de la technique avait le mérite de proposer une méthodologie féconde et de fournir, contre la thèse du déterminisme technologique, des arguments puissants en faveur de la perspective d’une démocratisation de la technique. Ce sont ces arguments que j’ai repris dans mes deux ouvrages sui- vants, Alternative Modernity3 et Questioning Technology. – J’y évo- lue d’une position postmarxiste à ce que j’appelle un « constructivisme critique » et j’essaie d’y développer une approche plus empirique de la technique. (Re)penser la technique opère la synthèse de mon travail anté- rieur. Il propose une étude philosophique de la technique qui dif- fère des approches aujourd’hui dominantes dans le champ de l’éthique appliquée. Celles-ci, considérant généralement la tech- nologie actuelle comme une donnée intangible, ne s’interrogent ni sur les conceptions qui ont présidé à sa formation ni sur son évo- lution. Elles négligent du coup l’éventualité que ce qui se présente sous la forme de dilemmes éthiques individuels puisse être résolu par des arrangements technologiques différents. À mon sens, au contraire, la question axiologique que la philosophie doit poser est celle qui porte sur l’origine proprement sociale des technologies et des systèmes techniques et sur les possibilités que nous avons de les modifier. Cette position débouche directement sur une interrogation essentiellement politique de la nature de la modernité et ouvre à la possibilité d’alternatives au modèle dominant. PRÉFACE À L’ÉDITION FRANÇAISE 9 3. Publié en 1995 (Los Angeles, University of California Press) (NdT). Depuis plus de deux siècles, les grands mouvements démocra- tiques qui visent à instaurer l’égalité entre les classes, les races, les sexes et les peuples, agitent la planète. Tout en élargissant la défi- nition de l’humanité, ils repoussent également les frontières du poli- tique jusqu’à lui faire embrasser une part toujours croissante de la vie sociale. C’est d’abord le champ de la loi qui a été soustrait à l’au- torité divine ou royale et placé sous le contrôle des êtres humains. Puis Marx et le mouvement ouvrier ont inscrit la question de l’éco- nomie parmi les tâches politiques. Au XXe siècle, la gestion politique de l’économie est devenue chose couramment admise, puis l’édu- cation et la médecine se sont ajoutées à la liste des thèmes en débat. En ce début du nouveau millénaire, la démocratie semble prête à franchir une autre étape. Sous l’effet du mouvement écologiste, la question de la technique est maintenant sur le point de prendre place dans le domaine sans cesse élargi des thèmes soumis à l’interrogation démocratique. Voilà qui marque un changement décisif dans notre compréhen- sion de la technique et de la place qu’elle occupe parmi les concepts propres à la théorie et à la critique. Par le passé, le mouvement démo- uploads/Science et Technologie/ re-penser-la-technique-feenberg-regard-bien-stp.pdf

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