1 Quelle École normale supérieure pour le XXIe siècle ? Document de réflexion p

1 Quelle École normale supérieure pour le XXIe siècle ? Document de réflexion préparé à la demande du Conseil d’administration de l’Association des anciens élèves, élèves et amis de l’ENS. Présenté au Conseil le 7 juin 2008 Sommaire Introduction I. Qu’est-ce que l’École normale supérieure aujourd’hui ? II. Quelques clignotants III. Quel positionnement pour l’École aujourd’hui ? IV. Quelques recommandations En conclusion Annexe : composition du groupe de réflexion 2 Introduction En ce début du vingt-et-unième siècle, et malgré le prestige qui reste attaché à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, il peut paraître opportun de se poser la question de ce que doit être l’École aujourd’hui. Depuis sa création, en 1794, l’École a toujours été un haut lieu de la pensée, tant scientifique que littéraire. Créée pour former les enseignants dont la république avait besoin, elle s’est progressivement muée en un centre de recherche de très haut niveau, et en un lieu de liberté intellectuelle où des jeunes gens parmi les plus brillants de leur génération pouvaient s’épanouir librement et apporter dans l’enseignement, essentiellement supérieur, et dans la recherche leur maîtrise des connaissances les plus approfondies dans la plupart des disciplines. Entre-temps, le monde a profondément évolué, devenant de plus en plus ouvert au niveau international et confronté à de nouveaux défis sociaux, environnementaux, politiques et économiques. Dans la plupart des pays, les universités se situent, pour ce qui concerne la formation et la recherche, au centre du dispositif de développement technologique, économique, et même culturel pour une large part. De là découle, pour beaucoup d’établissements universitaires, la recherche d’un équilibre optimum entre le développement des connaissances les plus fondamentales dans toutes les disciplines, littéraires et scientifiques, les réflexions intellectuelles les plus libres, mais aussi une proximité du monde extérieur, celui de la société, de l’économie, de la politique..., qui leur permette de préparer des étudiants à leurs futurs métiers et de nourrir leurs propres réflexions de toutes les réalités. Ecartelée entre ses différentes structures, universités, grandes écoles, CNRS, Collège de France..., la France a manifestement du mal à s’adapter à cette situation, d’autant plus que la lecture de notre système d’enseignement supérieur et de recherche manque de lisibilité internationale, et est de ce fait handicapée dans les grands classements internationaux. Dans ce contexte, l’École possède un certain nombre d’atouts, dont elle a d’ailleurs déjà su jouer en partie. Tout d’abord il s’agit peut-être du seul établissement d’enseignement supérieur français qui, bien que sa taille reste modeste, d’une part sélectionne très strictement ses étudiants, et d’autre part couvre, pour son enseignement et sa recherche, un ensemble extrêmement large de disciplines, toutes exercées au plus haut niveau. De ces points de vue, elle peut se comparer aux meilleures universités du monde. Elle a ensuite largement développé un réseau de relations internationales, tant par un recrutement important d’élèves étrangers que par un ensemble de liens étroits avec de 3 nombreux et prestigieux établissements dans le monde entier. Enfin elle a su développer quelques nouveaux créneaux de compétences, bien adaptés à l’évolution actuelle, comme l’économie, l’environnement ou les sciences cognitives. On peut ajouter que l’extrême compétence professionnelle souvent exigée dans beaucoup de métiers commence à se heurter au manque de jeunes gens ayant une culture large, multidisciplinaire dans toute la mesure du possible, approfondie dans certaines disciplines, tout en étant capables de s’intégrer pleinement dans la vie professionnelle. Ce constat nous revient du monde de l’entreprise, mais est très probablement aussi valable pour le journalisme ou la politique, et d’autres domaines dans lesquels les normaliens, littéraires en particulier, ont particulièrement brillé dans le passé. Pour autant, un certain nombre de clignotants nous sont apparus ces derniers temps, comme autant de raisons de mener une réflexion dénuée de tout a priori sur ce que doit être notre École. Il nous semble essentiel dans le monde actuel de travailler au positionnement d’un établissement, afin que cela se traduise dans son évolution, et que sa visibilité, pour ses futurs élèves, pour les chercheurs français ou étrangers que l’on veut y attirer, mais aussi pour le grand public ou d’éventuels employeurs de nos diplômés, se décline de façon explicite, chacun pouvant à la fois se l’approprier et aider à son évolution. Sans vouloir anticiper sur la suite de ce document, nous pouvons indiquer quelques principes qui ont guidé notre réflexion : • L’École doit rester, ou redevenir, si elle ne l’est plus dans certaines disciplines, un haut lieu de la pensée intellectuelle, un lieu de rayonnement, bénéficiant d’une véritable reconnaissance nationale et internationale. • Les élèves doivent tirer pleinement parti de l’éventail très large des compétences, scientifiques et littéraires, existant à l’École. • Une formation approfondie dans une discipline intéressante, même présentant peu de débouchés, doit pouvoir subsister, à la condition de ne pas enfermer l’étudiant concerné dans une impasse professionnelle. • Les débouchés traditionnels de l’École doivent rester l’enseignement et la recherche, mais ne pas exclure la reconnaissance d’autres carrières possibles et surtout permettre une adaptation au cours de la vie professionnelle. • Au cours de sa scolarité, un étudiant doit avoir largement l’occasion de s’ouvrir au monde extérieur. • La spécificité de l’École, voire du label « École normale supérieure », doit être valorisée, donc explicite et attractive. 4 Notons encore que ce document ne se veut pas un guide pratique qui aborde et permette de résoudre tous les problèmes, mais plutôt le fruit de quelques réflexions qui devraient en stimuler d’autres, éventuellement contradictoires, et qu’il appartiendra à la direction de l’École et à son conseil d’administration de prendre ou non en compte pour définir et mettre en œuvre la politique de l’établissement pour les années à venir. I. Qu’est-ce que l’École normale supérieure aujourd’hui ? 1° La stratégie de développement et l’organisation de l’École Comme tous les grands établissements publics, l’École doit désormais concevoir un projet d’établissement quadriennal. Parmi les axes du projet actuel, qui date de mars 2006, figurent notamment : • Le développement de la recherche en lettres, pour compenser le déséquilibre actuel avec les sciences : l’École ambitionne de jouer le rôle d’un pôle pour la recherche en sciences humaines à Paris. • Le développement de la visibilité de la formation dispensée à l’École par la création d’un diplôme d’établissement et le développement de masters co- habilités avec les universités. L’École essaie d’être à la fois un établissement universitaire d’élite et un institut de formation à l’enseignement (supérieur, ou post-baccalauréat dans les lycées), et à la recherche. La structure de la direction de l’École reste marquée par la présence de deux directeurs adjoints, l’un pour les lettres et l’autre pour les sciences, structure qui, selon la direction, ne fait pas obstacle à la vocation d’interdisciplinarité de l’établissement. Il y a 14 directeurs de départements, 7 en lettres et 7 en sciences, tous nommés par la direction, au maximum pour deux mandats de quatre ans. 2° L’École et les autres institutions L’École a encore peu de relations avec le monde des entreprises (si ce n’est par la présence au conseil d’administration, pour la première fois, de 2 membres qui en sont issus, ainsi que par l’appel à du mécénat privé pour certains travaux sur les bâtiments ou pour la rétroconversion de la bibliothèque Ulm-Lettres). Ses principaux interlocuteurs restent les organismes de recherche et les universités. 5 a. Les organismes de recherche À l’ENS travaillent 280 enseignants et 1000 chercheurs (post-doctorants inclus), la majorité d’entre eux étant rattachés à un EPST (CNRS, INSERM…). L’importance numérique de ces chercheurs rend l’École très liée à ces organismes de recherche. b. Les universités Un quart environ des enseignants en sciences ne font pas partie du personnel propre de l’ENS mais sont sur des postes d’université « fléchés ENS ». L’École se distingue des universités par son parcours de formation et par la sélection instaurée à l’entrée. Elle se vit comme à la fois partenaire et concurrente des universités françaises, notamment dans les classements internationaux, cela ayant une implication directe sur son financement : ses bons résultats peuvent lui permettre de négocier, en situation plus favorable, une augmentation de sa dotation budgétaire auprès des pouvoirs publics. Le partenariat repose en sciences sur des masters cohabilités (dits formations interuniversitaires, FI) dont l’ENS est l’établissement moteur, qui permettent d’assurer la formation tant des élèves de l’ENS que des meilleurs étudiants des universités, avec une double inscription à l’ENS et à l’Université. L’ENS n’est membre d’aucun PRES, encore que Paris Universitas, dont elle est membre depuis l’origine, soit souvent considéré comme un PRES. Elle estime que les universités sont pour elle avant tout des partenaires de formation à travers des cohabilitations. Cependant de nombreux laboratoires de recherche sont en cotutelles et des enseignants-chercheurs des universités participent aux recherches de ses laboratoires, voire les dirigent. 3° Élèves, étudiants et diplômes L’ENS bénéficie avec 1300 enseignants et chercheurs d’un taux d’encadrement exceptionnel (1 pour 2 élèves), ce qui permet de donner vie au tutorat, « marque de fabrique » de l’École. Elle accueille différents types d’élèves et d’étudiants : • En premier lieu ceux recrutés par les concours traditionnels, préparés uploads/Science et Technologie/ quelle-ecole-normale-superieure-pour-le-xxie-siecle.pdf

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