NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2019) 19, 318—325 Disponible en ligne
NPG Neurologie - Psychiatrie - Gériatrie (2019) 19, 318—325 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com PRATIQUE INSTITUTIONNELLE Effets de la méditation de pleine conscience sur les pratiques soignantes en EHPAD The impact of mindfulness meditation on the caring practices in nursing homes A. Weiss a,∗,b, D. Caussade c, V. Groff b, C. Combre b,d a Ehpad le Village, 26, rue Schabis, 68120 Richwiller, France b GHRMSA, 20, avenue du Dr-René-Laennec, 68100 Mulhouse, France c FLSH, université de Haute-Alsace, 10, rue des Frères-Lumière, 68093 Mulhouse, France d Ehpad le Foyer du Parc, 14, rue Alfred-Hartmann, 68140 Munster, France Disponible sur Internet le 26 juin 2019 MOTS CLÉS Méditation de pleine conscience ; Soignant ; Pratiques soignantes ; Démence Résumé L’objet de cette recherche est de questionner les potentiels effets de la méditation de pleine conscience sur la relation de soin dans le cadre de l’accompagnement de démence en EHPAD. Cet article est le prolongement de l’investigation faite sur le versant clinique de l’impact de la pratique de la méditation de pleine conscience sur le savoir-être soignant en EHPAD. Six soignants ont ainsi participé à huit séances de médiation de pleine conscience avec un moine zen, dans un cadre laïque. Afin d’évaluer l’impact de cette pratique du seul exercice de méditation assise, des évaluations quantitatives (pleine conscience, empathie, stratégies de coping, anxiété) ont été réalisées. Les résultats montrent une tendance à l’optimisation des pratiques d’accompagnement. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es. KEYWORDS Mindfulness meditation; Caregiver; Caring practices; Dementia Summary The aim of this study was to explore the potential effects of mindfulness mediation on the caring relationship in the setting of dementia care in EHPAD (nursing homes in France). This article is the follow-up of an investigation on the clinical aspects of the impact of the practice of mindfulness meditation on staff caring skills in nursing homes. Six carers took part in eight mindfulness meditation sessions with a Zen monk, in a non-religious setting. In order ∗Auteur correspondant. Adresse e-mail : a.weiss@mf-alsace.com (A. Weiss). https://doi.org/10.1016/j.npg.2019.06.001 1627-4830/© 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es. Effets de la méditation sur les pratiques soignantes 319 to measure the impact of the exercise of sitting meditation, quantitative assessments were performed (mindfulness, empathy, coping strategies and anxiety). The results were in favour of an optimization of caring practices. © 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Depuis la dernière décennie, tant la méditation de pleine conscience (MPC) que la problématique de l’accompagnement des démences suscitent un intérêt croissant. La synchronisation entre ces deux mouvements au sein des champs clinique et de recherche ne semble pas aller de pair. Pour cause, la plupart des interventions axées sur la méditation ont surtout été introduites afin de promouvoir le mieux-être et la qualité de vie des employés [1]. Toutefois, concernant l’accompagnement, le travail soignant peut être ponctué par des échecs d’engagement relationnel ou des expériences de violence qui peuvent se répéter, précipitant la fatigue de compassion [2]. Elle peut être potentialisée par la présence de syndrome psycho- comportementaux dans les démences (SPCD). Ce suivi des démences peut donc s’accompagner de nombreux symp- tômes chez les soignants tels que l’anhédonie, l’anxiété, le stress chronique ou encore le contre-transfert négatif [2]. L’investigation des effets de la MPC sur les pratiques soignantes, et plus spécifiquement dans l’accompagnement et le suivi des démences, est donc pertinente. En tenant compte de ces faits, la problématique de recherche est la suivante: en quoi la pratique de la MPC améliore les pratiques soignantes d’accompagnement des démences? En premier lieu, nous reprendrons le contexte théorique du champ de la MPC. Il est à noter que cet article prolonge un article précédent axé sur le versant clinique de l’impact de la pratique de la MPC sur le savoir-être soignant [3] dans l’accompagnement des démences. Nous expliquerons ici le protocole expérimental effectué. Puis nous présenterons en dernier lieu les résultats statistiques de l’étude, que nous mettrons en lien avec d’autres recherches. Contexte théorique La MPC (i.e. présence attentive, mindfulness) est une pratique de tradition bouddhiste [4]. Sa définition la plus uti- lisée se base sur la notion de méditation telle qu’introduite par les travaux pionniers de Kabat-Zinn [5]. Il la décrit comme le fait de faire attention au chemin, au but dans le moment présent, dans un état de non-jugement [6]. À l’heure actuelle, la plupart des recherches se sont inté- ressées à l’impact de la MPC sur le mieux-être, et plus particulièrement sur le stress, la détresse psychologique et l’épuisement professionnel [7]. Peu de recherches se sont attachées aux effets de la MPC sur la qualité de prise en soins et d’accompagnement ou encore sur le type de rela- tions interpersonnelles [7] qu’un soignant entretient avec un patient. La MPC semble également améliorer le niveau d’empathie [8]. L’attention développée dans l’exercice de la MPC, portée sur l’instant, associée à un atti- tude de réceptivité et de non-jugement, peut expliquer l’émergence d’une réponse empathique [8]. De plus, « l’entraînement à la conscience de soi, la compréhension de ses propres réactions mentales et émotionnelles, ainsi qu’à l’auto-compassion [. . .] aurait tendance à améliorer la compréhension des expériences d’autrui et à susciter un sentiment de compassion pour les autres personnes que soi » [8]. Les auteurs soulignent également le rôle de la décentra- tion cognitive, qui est un processus actif dans l’exercice. En effet, l’amélioration de la capacité à adopter la perspective d’autrui semble en lien avec la possibilité de considérer ses propres activités mentales comme de simples pensées éphé- mères, sans attachement ni élaboration [8]. Enfin, l’état de pleine conscience permettrait de réduire le niveau de stress, d’acquérir une plus grande ouverture et un plus grand intérêt pour les expériences et le vécu subjectif d’autrui [8], ainsi qu’une meilleure reconnaissance et compréhen- sion des états émotionnels d’autrui, tout en ayant soi-même en réponse une réaction émotionnelle moindre avec une prise de perspective. Concernant la régulation émotionnelle, celle-ci comprend la capacité à distinguer ce qui appartient à l’autre et à soi dans une expérience émotionnelle donnée [3,8]. Cette distinction passe par une prise de recul face au vécu de l’autre. Cependant, au-delà de cette prise de distance, la compassion — soit l’attitude de sollicitude comprenant les sentiments d’intérêt et de soin pour l’autre — s’avère être un outil précieux pour pouvoir être en contact avec la souffrance d’autrui sans pour autant en être submergé [8]. L’intérêt grandissant pour la pratique de la MPC est justifié, mais il existe des limites et des faiblesses métho- dologiques dans son application et sa mise en œuvre [6,8]. En effet, si la MPC s’avère être un outil intéressant dans le domaine de la santé, où la compétence d’empathie est particulièrement engagée [8], les chercheurs insistent sur la démarche éthique et culturelle qui étaye la pratique, et qui peut être à l’origine de la variabilité des résultats dans notre société et culture occidentale. Si l’exercice se déroule dans un cadre laïque et séculier, il reste important de question- ner le contexte. Il ne suffit pas seulement de pouvoir être pleinement disponible à l’instant présent, car l’efficacité de la MPC relève aussi de la démarche éthique sous-tendue dans l’exercice [8]. Certains auteurs vont jusqu’à se deman- der si les effets sont déterminés ou non par les années 320 A. Weiss et al. d’expérience du formateur, car trop peu d’études offrent des détails sur l’instructeur et son expérience [7]. Ce sont donc les valeurs et les idées qui entourent la pratique, ainsi que la nécessité d’une remise en contexte éthique, qui doivent alors être questionnées afin d’améliorer l’efficacité de la MPC [8]. Au vu de ces éléments, nous formulons la problématique suivante: dans quelle mesure la pratique de l’exercice de la méditation assise encadrée par un instructeur de pleine conscience moine bouddhiste zen séculier, dans un cadre laïque, peut-elle permettre au soignant une amélioration de ses pratiques d’accompagnement? Nous faisons l’hypothèse que la pratique de la MPC va non seulement améliorer les pratiques d’accompagnement soignantes des SPCD, mais aussi influencer positivement sa qualité de présence auprès des personnes ayant une démence. Méthode et participants Afin de tester cette hypothèse, un protocole expérimental a été mis en place. La présente étude s’intéresse à l’impact de la MPC dans le domaine du soin, en isolant l’exercice de la méditation assise. Son objectif est de constituer une ébauche à cette démarche de rigueur méthodologique afin de pouvoir observer l’impact de l’exercice de la méditation assise chez des soignants dans le suivi des démences. Participants Les participants à cette étude font partie de l’équipe soi- gnante de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) « Le Village » de Richwiller dans le Haut-Rhin (68). Deux groupes ont participé à cette étude: le groupe expérimental a suivi une séquence de MPC de huit séances, alors que le groupe témoin n’a participé à aucune séance de MPC. Chacun des groupes est constitué de six par- ticipantes aides-soignantes (AS) et auxiliaires de vie sociale (AVS) volontaires et n’ayant jamais pratiqué la MPC. Les séances se sont déroulées au sein uploads/Science et Technologie/acfrogdahwhcdukbozgxpwl50rzz-3lwtgraihnukaphuzg3cevnwvrmufze-zhwtlq-2c43fekpryb74dwcnl7rv8mdyk1bhmu-8g3izhzvbpnfzpexlejz-nehs7fj1ht3qmog-j0itbmntvi7.pdf
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- Publié le Jan 31, 2022
- Catégorie Science & technolo...
- Langue French
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