1 Gay-Lussac : Sur la combinaison des substances gazeuses, les unes avec les au
1 Gay-Lussac : Sur la combinaison des substances gazeuses, les unes avec les autres par Pierre Radvanyi Directeur de recherche honoraire au CNRS Figure 1 : Portrait de Louis-Joseph Gay-Lussac (collection Bibliothèque École polytechnique). 2 RESUME Dans cet article, Gay-Lussac, sur la base de ses observations, énonce sa loi selon laquelle les gaz se combinent en volume dans des proportions simples (par exemple, deux volumes d’hydrogène et un volume d’oxygène se combinent en deux volumes de vapeur d'eau). Cette loi est le fondement expérimental de base sur lequel s'appuieront pendant plus de cinquante ans tous ceux qui développeront par la suite la théorie atomique. Ainsi déjà deux ans et demi plus tard, Amedeo Avogadro 1 partira des travaux de Gay-Lussac pour donner un début d’explication théorique à cette loi de combinaison des volumes. Gay-Lussac se consacre à un programme expérimental de grande ampleur2 allant de la physique à la chimie. Il sera aussi actif et inventif en chimie appliquée. UN DES PREMIERS PROFESSIONNELS DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE Louis Joseph Gay-Lussac (1778-1850), à la fois chimiste et physicien, a été sans aucun doute un des savants français les plus remarquables du XIXe siècle. Il fut, comme l'écrivit son biographe anglais Maurice Crosland, un des premiers professionnels de la recherche scientifique 3. On peut en gros distinguer deux périodes dans sa vie. La première, jusque vers 1810, correspond à ses années de formation et à ses premières grandes découvertes. En 1806, à moins de trente ans, il est élu membre de la Première classe de l'Institut (nom donné alors à l'Académie des sciences) dans la section de physique. Il se marie en 1809. En 1810, il est nommé professeur à l'École polytechnique. Ses travaux durant cette période relèvent autant de la physique que de la chimie. Il est tourné surtout vers la recherche fondamentale. Lors de la seconde période, ses travaux scientifiques sont particulièrement orientés vers la chimie et une part croissante de son activité est consacrée aux recherches appliquées. Il prend de plus en plus de fonctions et de responsabilités, souhaitant 1. Voici comment Avogadro cite ce texte : « M. Gay-Lussac a fait voir dans un Mémoire intéressant (…) que les combinaisons des gaz entre eux se font toujours selon des rapports très simples en volume, et que lorsque le résultat de la combinaison est gazeux, son volume est aussi en rapport très simple avec celui de ses composants ». Pour le texte d’Avogadro et son analyse, voir http://www.bibnum.education.fr/chimie/les-deux- hypotheses-d%E2%80%99avogadro-en-1811 2. Programme que Gay-Lussac annonce ainsi : « On pourra soumettre au calcul la plupart des phénomènes chimiques ». 3. On pourra consulter, à titre d’illustration, les carnets de recherche de Gay-Lussac sur le site http://numix.sabix.org (voir Onglet « Pour en savoir plus »). 3 également assurer à sa famille une vie aisée. Il convient cependant d'ajouter qu'il a toujours su accomplir les tâches qui lui incombaient avec une grande conscience professionnelle, introduisant partout sa méthode scientifique, sa rigueur et sa grande ingéniosité. @@@@@@@ Gay-Lussac naît à Saint-Léonard-de-Noblat, à une quinzaine de kilomètres à l'Est de Limoges, le 6 décembre 1778. Son enfance se déroule pendant l'Ancien régime ; son adolescence et ses années de formation pendant la période révolutionnaire, le Directoire et le Consulat. Son père était avocat et procureur du Roi à Saint-Léonard. En 1793, considéré comme suspect, il est arrêté et assigné à résidence chez lui; après la chute de Robespierre en 1794, libre à nouveau, il doit exercer un autre métier. Le jeune Louis Joseph paraissant doué, son père l'envoie en novembre 1794 à Paris pour poursuivre ses études. D'une école privée à une autre, Gay-Lussac remplace l'étude du latin par celle des mathématiques et prépare le concours d'entrée à la toute jeune École polytechnique, fondée en 1794; il est reçu au concours d'octobre 1797. Il bénéficie d'une bourse d'État et acquiert là cette rigueur qu'il conservera toute sa vie. Au début de 1800, il choisit comme école d'application celle des Ponts et Chaussées. Cependant cette année-là, l'éminent chimiste Claude Louis Berthollet (1748-1822), revenu l'année précédente d'Égypte, où il avait accompagné le général Bonaparte, demande qu'un élève de Polytechnique – où il enseigne - l'aide dans les travaux de laboratoire à l'École. Gay-Lussac est choisi. Berthollet deviendra pour lui un maître, un exemple et un ami. D'origine savoyarde, ce dernier avait inventé l'eau de Javel et avait collaboré avec Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794) à la révolution de la chimie. UN LIEN FORT AVEC BERTHOLLET & LA SOCIETE D’ARCUEIL Berthollet accueillera le jeune Gay-Lussac chez lui, rue d'Enfer. L'estime sera mutuelle. Berthollet (qui deviendra comte d'Empire) acquiert en 1801 une maison à Arcueil au Sud de Paris et y installe un laboratoire de chimie. Gay- Lussac y résidera une partie de l'année et y mènera ses recherches en alternance avec le laboratoire de l'École polytechnique. En 1802, le jeune savant réalise son premier grand travail : l'étude de la dilatation des gaz (que certains alors appellent encore "fluides élastiques") en fonction de la température. Cette loi est 4 à l'origine de la définition de la température absolue. Avec soin, rigueur et précision, Gay-Lussac montre que, à la même pression, le coefficient de dilatation est le même pour tous les gaz 4 : "Tous les gaz et les vapeurs ont la même dilatation à la même température." Il avait pris soin dans ses expériences de purifier les gaz étudiés en éliminant la vapeur d'eau qu'ils contenaient. L'année 1804 voit une aventure audacieuse de Gay-Lussac : Berthollet s'intéressait à la composition de l'air en fonction de l'altitude, son collègue et ami, l'astronome et mathématicien Pierre Simon de Laplace (1749-1827) voulait vérifier la réfraction de la lumière. Dans ces conditions Gay-Lussac et Jean Baptiste Biot (1774-1862) élève de Laplace, font en août une ascension en ballon jusqu'à 4000 mètres d'altitude ; trois semaines plus tard, Gay-Lussac recommence, seul cette fois, et atteint l'altitude-record de 7016 mètres. Il a mal à la tête, mais l'attribue aux insomnies de la nuit précédente. Figure 2 : Gay-Lussac (à g.) et Biot (à dr.) en aérostat. Dans le jardin du Conservatoire des arts et métiers, le 20 août 1804, fut lancé un aérostat dans lequel 4. Le chimiste anglais John Dalton (1766-1844) était en compétition avec lui sur ce sujet. On donne parfois le nom d e Charles à la première loi découverte par Gay-Lussac, car ce dernier citait ses expériences antérieures dans son mémoire. 5 avaient pris place les deux savants. Cette ascension scientifique les mena jusqu’à 4000m d’altitude et leur permit de faire plusieurs expériences de physique. Ce double exploit lui vaut l'admiration générale. En 1804 aussi, il est nommé répétiteur à l'École polytechnique, son premier emploi rémunéré. Il s'est lié d'amitié avec le naturaliste Alexandre von Humboldt (1769-1859), et entreprend avec lui, de mars 1805 à avril 1806, un voyage d'étude à travers l'Europe ; ils mesurent le champ magnétique terrestre et analysent des minéraux; Gay-Lussac apprend l'allemand et l'italien. Comme nous l'avons dit, à la fin de 1806, le jeune savant est élu à la Première classe de l'Institut. @@@@@@@ Cette même année 1806, Laplace décide d'acheter à Arcueil une propriété voisine de celle de Berthollet. Les deux savants ont des sujets communs; tous deux s'intéressent à l'affinité chimique (forces chimiques de courte portée); Laplace estime que l'affinité chimique est une forme de l'attraction gravitationnelle universelle. Dans ce voisinage va naître la "Société d'Arcueil" que Berthollet réunit régulièrement chez lui dans les années qui suivent. On peut se rendre à pied de Paris à Arcueil. La Société est un groupe actif de discussion, d'une sorte de société savante à petit nombre de participants avant la lettre. Elle a un rôle majeur dans le développement de la science en France. En juin 1809, participent régulièrement à ses réunions outre le chimiste Claude Louis Berthollet et l'astronome, mathématicien et physicien Pierre-Simon de Laplace, le physicien Jean-Baptiste Biot, Louis-Joseph Gay-Lussac, le naturaliste et explorateur Alexandre von Humboldt, le chimiste Louis Jacques Thenard, le botaniste Augustin Pyrame de Candolle, le chimiste et minéralogiste Hippolyte-Victor Collet-Descostils, le fils de Berthollet le chimiste Amédée Berthollet, et le physicien Étienne Louis Malus. Par la suite ils seront rejoints par l’astronome et physicien François Arago, les chimistes Jean-Antoine Chaptal et Pierre-Louis Dulong, ainsi que par le mathématicien Denis Poisson. Leurs recherches et résultats sont publiés dans trois volumes successifs des " Mémoires de physique et de chimie de la Société d'Arcueil". Le fonctionnement de la Société d'Arcueil Berthollet expose ainsi le 9 juillet 1807, dans son préambule au tome 1 des Mémoires de physique et de chimie de la Société d’Arcueil comment elle fonctionne : 6 "… Une société de quelques personnes qui cultivent les différentes branches de la physique et de la chimie, s'est formée dans la vue d'accroître les forces individuelles par une réunion fondée sur une estime réciproque et sur des rapports de goûts et d'études, mais en évitant les inconvénients d'une association trop nombreuse. Voici son régime : Elle se réunit tous les 15 jours à Arcueil ; le jour de réunion est uploads/Science et Technologie/gay-lussac-analyse-40.pdf
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- Publié le Aoû 06, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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