Eric Vasseur Economie de l’innovation Master économie U.P.J.V. 1 Eric Vasseur A

Eric Vasseur Economie de l’innovation Master économie U.P.J.V. 1 Eric Vasseur Agrégé en Sciences sociales Maître de Conférences en Sciences économiques à la Faculté d’économie et de gestion de l’Université de Picardie Jules Verne Economie de l’innovation et du progrès technique. Introduction Le 20ème siècle s’est achevé avec le boom des technologies de l’information, la diffusion de l’Internet, de la téléphonie portable, innovations sur le point de révolutionner, une fois de plus, le siècle qui a connu les plus grandes mutations technologiques de tous les temps. Imaginons quelques instants, le vertige que pourrait éprouver Jules Verne, figure emblématique de notre Université, s’il revenait constater les progrès de la science aujourd’hui. Sans doute éprouverait-il des sentiments emprunts de joies et d’amertume, en constatant que la conquête spatiale n’est plus une gageure, que la maîtrise des airs est acquise et que l’exploration des fonds marins est banalisée. Mais les applications militaires de toutes, ces innovations qu’il pressentait déjà à la fin de son œuvre, lui procureraient un effroi certain. Si le sous-marin du capitaine Némo, imaginé dans Vingt mille lieux sous les mers, a trouvé sa concrétisation dans les explorations du commandant Cousteau, l’application militaire de cette innovation, en a fait des sous-marins d’attaques nucléaires. Le réel dépasse largement la fiction dans le rêve comme dans le cauchemar. Le 20ème siècle a vu se développer et se généraliser un nombre très important d’inventions en gestation au siècle précédent, qu’il s’agisse de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électricité, du cinéma, etc. La liste ne peut être exhaustive tellement elle est longue. Pourquoi le 21ème siècle dérogerait-il à cette dynamique ? Laissons quelques instants divaguer notre imagination. Pourquoi l’homme de la fin du 21ième siècle, ne se déplacerait-il pas grâce à la téléphonie, permise par l’extension des multiples fonctions d’un outil dont le téléphone portable était au début du siècle, le grand ancêtre. Mais bien sûr, ce même outil devenu un excellent traceur des déplacements, aurait attenté aux libertés individuelles Eric Vasseur Economie de l’innovation Master économie U.P.J.V. 2 confirmant les prémonitions de Georges ORWELL dans son ouvrage 1984 publié en 1948. Cette anticipation d’un futur par définition incertain et imprévisible à moyen et long terme est sans doute fausse et pourtant…. Confrontés au choc du progrès technique, partagés entre espoirs et craintes, nous sommes à la fois les acteurs et les sujets de l’innovation, qui nous transforme dans nos modes de vie, de travail et de penser. L’innovation recouvre une réalité polymorphe à l’image de la nature humaine. Dès lors, y a-t-il une discipline qui peut revendiquer une capacité explicative et analytique supérieure aux autres ? Nous en doutons. Qui peut le mieux en parler et rendre compte de sa complexité ? Le philosophe, l’économiste, le sociologue, le mercaticien, le juriste, l’homme politique, le psychologue, l’ingénieur, le chef d’entreprise, le salarié, le consommateur, tous, à juste titre peuvent produire une analyse pertinente du processus d’innovations, mais aucun d’entre eux ne peut imposer sa conception. Mais faute de pouvoir tous les convoquer pour en parler, nous avons délibérément fait le choix de privilégier les approches économiques et sociales de l’innovation, car elles correspondent à l’éclairage que nous souhaitons donner à ce cours. De plus, face à l’immensité de notre champ d’étude, l’économie de l’innovation et surtout face à notre incapacité intrinsèque à prévoir son évolution, nous avons pris le parti d’une approche théorique du sujet, car comme le disait le psychologue américain Kurt LEWIN (1890 – 1947) : "Rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie ". C’est pourquoi, nous estimons que face à une discipline comme l’économie de l’innovation aux contours évolutifs et incertains, la condition première à sa bonne compréhension est la connaissance de l’ensemble des théories économiques afférentes au sujet. Une fois, ce travail réalisé, nous pouvons entreprendre le travail de recherche nécessaire et indispensable à la bonne compréhension et maîtrise de notre environnement économique, social, technique. Mais avant d’exposer la structuration de cours, effectuons un détour par les définitions. Eric Vasseur Economie de l’innovation Master économie U.P.J.V. 3 Comment définir l’innovation ? L’innovation est très souvent définie comme la mise en application d’une innovation, résultat du progrès technique. A l’image des poupées russes, nous faisons face à des définitions imbriquées, l’innovation étant définie par rapport à l’invention et l’invention par rapport au progrès technique. Commençons donc par définir le progrès technique. La notion de progrès revêt une double dimension, son étymologie fait valoir l’action d’avancée tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Il s’agit du concept central de la philosophie des lumières et des courants évolutionnistes qui adhèrent à la croyance du perfectionnement global de l’humanité. En se développant, la société évolue vers "le mieux" grâce aux progrès des techniques, de la science, à l’accroissement des richesses, à l’amélioration des mœurs, des institutions, fruits du progrès de l’esprit humain. Le progrès économique s’inscrit dans cette approche, où se conjuguent accroissement quantitatif des richesses et meilleure efficacité d’utilisation des ressources. Mais le progrès économique entraîne t-il le "mieux être " ? Il faut donc lui adjoindre, le progrès social, qui ne s’apprécie pas uniquement quantitativement. L’accroissement du niveau de vie, du bien être matériel, doivent aussi intégrer des aspects qualitatifs comme les conditions de travail, le genre de vie, la diffusion du savoir et de l’instruction au plus grand nombre. Dès lors, le progrès scientifique, le progrès économique et le progrès social se conjuguent. Le progrès technique constitue donc un terme général qui englobe le progrès scientifique dont les inventions entraînent des transformations ou des bouleversements des produits, des méthodes de production, de l’organisation du travail, des marchés et des structures de l’économie. Le progrès technique permet d’augmenter l’efficacité des facteurs de production, soit par un accroissement de leur productivité, soit par la réalisation d’économies. Ainsi, il est possible d’économiser des matières premières, de l’énergie ou d’utiliser moins d’hommes, économiser de la main-d’œuvre (labor saving) ou d’économiser des machines, du capital (capital saving) ou d’accroître l’efficacité productive des facteurs travail et capital. Eric Vasseur Economie de l’innovation Master économie U.P.J.V. 4 Mais l’invention, la découverte, la création d’un produit doit alors s’inscrire dans un processus d’innovation. Cette innovation s’inscrit dans un système économique et social où elle s’impose grâce à un processus de diffusion. Ainsi la transformation de l’invention en innovation, obéit à un certain nombre de conditions et le succès de l’innovation dépend de sa capacité de diffusion économique et sociale. Ces premières définitions posées, nous allons désormais approfondir ce sujet dans la première séquence de notre cours qui en compte en cinq, qui sont les suivantes : Plan du cours : Séquence 1 : Les énigmes à résoudre par l’économiste pour aborder l’innovation. Séquence 2 : L’innovation dans la théorie économique « classique ». Séquence 3 : La révolution théorique schumpétérienne. Séquence 4 : La théorie économique actuelle face à l’innovation. Séquence 5 : La théorie standard actuelle face à l’innovation et sa principale théorie alternative. Séquence 6 : Les entreprises innovantes aujourd’hui. Eric Vasseur Economie de l’innovation Master économie U.P.J.V. 5 Séquence 1 : Les énigmes à résoudre par l’Economiste. Pour un économiste, étudier, analyser, comprendre le rôle de l’innovation et du progrès technique n’est pas chose aisée. En effet au-delà du sujet lui- même, il est d’emblée confronté à relever des défis et à résoudre des énigmes dont l’outil d’analyse dont il dispose n’est pas à priori adapté. Au-delà de toute conception idéologique, imaginons un économiste qui tel un astronome devrait observer des planètes à des années lumière à la loupe ou qui d’intuition aurait la conviction de l’existence d’un nouvel astre mais serait tributaire des conceptions et des préjugés de son époque, la tâche s’avère particulièrement complexe. Il faut prévoir dans un avenir de plus en plus incertain les destinées d’un processus lui-même incertain, tel pourrait être résumé le défi que doit relever l’économiste face au progrès technique. Il doit en plus faire abstraction de ses propres émotions, espoirs, craintes ou croyances que lui inspire l’innovation. Tout progrès génère sa cohorte d’avancées, d’améliorations, d’asservissements et de cataclysmes. Nous savons après les deux conflits mondiaux du XX ème siècle que contrairement aux attentes de Jules Verne, le nautilus ne sert pas uniquement à l’exploration des fonds marins, que si le capitaine Cousteau et son équipage ont largement contribué à la compréhension et la préservation de la planète, les puissances nucléaires ont transformé les sous-marins en arme redoutable. Mais c’est depuis l’origine de l’humanité le cours habituel du progrès car si son initiateur et son utilisateur sont capables des plus belles réalisations et ils peuvent aussi se livrer aux horreurs les plus abominables. Le rôle de l’économiste n’est pas de porter un jugement moral sur l’innovation et le progrès technique, il se limite à en percevoir les effets sur le bien-être des individus, les implications pour les entreprises et la main d’œuvre, les impacts sur la concurrence et l’évolution des systèmes économiques. Mais avant d’entreprendre une telle tâche, il nous faut mener une enquête au sens smithien et humien du terme. Lorsque le premier rédigeait Inquiry on uploads/Science et Technologie/innovation-schumpeter.pdf

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