L’article scientifique en sciences de l’éducation : un genre textuel à l’appare

L’article scientifique en sciences de l’éducation : un genre textuel à l’apparence uniforme constitué de sections aux caractéristiques distinctes Formation et profession 29(3) 2021 •  ésumé L’article scientifique est un genre textuel omniprésent dans le milieu universitaire, mais il prend des formes variables selon les champs disciplinaires. Quelles sont donc les caractéristiques de l’article scientifique, rédigé en français, dans le domaine des sciences de l’éducation? Pour le savoir, nous avons analysé 70 articles tirés de sept revues scientifiques canadiennes pour en dégager, section par section, les caractéristiques communicationnelles, textuelles, sémantiques, grammaticales et visuelles. Il ressort que certaines caractéristiques varient d’une section à l’autre et qu’il serait donc fécond, dans un objectif didactique, d’aborder l’article scientifique comme la somme de ses parties plutôt que comme un bloc monolithique. Mots-clés Genre textuel, littératie universitaire, article scientifique, rapport à l’écrit, analyse textuelle. Abstract The scientific article is a textual genre that is omnipresent in the academic community, which can take various forms according to the disciplinary field. Considering this, what are the characteristics of the scientific article in the domain of sciences of education? In order to answer the question, we analyzed seventy articles in French drawn from six Canadian scientific journals, focusing specifically on their communicational, textual, semantic, grammatical, and visual characteristics. It appears that some of these characteristics vary from one section to another. As such, it is therefore important when the objective is didactic to approach the scientific article like the sum of its parts rather than a monolithic block. Keywords Textual genre, academic literacy, scientific article, relation to writing, text analysis. R Omniprésent dans le milieu universitaire, l’article scientifique joue un rôle majeur dans la construction et la diffusion des savoirs scientifiques. Pourtant, même si les étudiantes et étudiants des cycles supérieurs sont encouragés très tôt dans leur parcours de maitrise ou de doctorat à publier les résultats ou l’état d’avancement de leurs travaux de recherche dans des revues, l’article scientifique ne fait pas systématiquement l’objet d’un enseignement dans la formation universitaire, pas plus d’ailleurs que les autres écrits qui jalonnent la formation à la recherche. Or, tout comme n’importe quel genre de texte, l’article scientifique comporte ses propres caractéristiques, lesquelles, de plus, sont spécifiques à chaque domaine d’études : les chercheurs et chercheuses en biologie par exemple ne rédigent pas leurs articles scientifiques en épousant exactement la même structure ou en recourant au même mode de discours que leurs collègues des sciences de l’éducation, de lettres ou d’autres domaines scientifiques. Si certaines universités offrent, dans les programmes d’études supérieures, un cours à option consacré à l’écrit1, dans d’autres institutions, les directions de programmes tiennent pour acquis que la responsabilité de l’encadrement des écrits relève essentiellement des ressources professorales qui supervisent les étudiantes et étudiants. Pourtant, depuis quelques années, dans le champ de la didactique de l’écrit et, plus récemment, dans le champ des littératies universitaires, il est admis que l’apprentissage de l’écrit n’a pas de fin et devrait donc aussi se poursuivre à l’université (Blaser et Lanctôt, 2021; Boch, 2013; Delcambre et Lahanier-Reuter, 2010, 2012; Delcambre et Pollet, 2014; Donahue, 2008, 2010; 2021; Frier, 2015; Pollet, 2001, 2004; Thyrion, 2011). Ce constat repose, d’une part, sur le fait que chaque nouveau palier de la scolarité présente des défis spécifiques sur le plan des écrits à lire et à produire et, d’autre part, que chaque discipline scolaire ou universitaire a des genres textuels qui lui sont propres. De nombreux étudiants, surtout dans un contexte de massification Christiane Blaser Université de Sherbrooke (Canada) Judith Emery-Bruneau Université du Québec en Outaouais (Canada) Stéphanie Lanctôt Université de Sherbrooke (Canada) L’article scientifique en sciences de l’éducation : un genre textuel à l’apparence uniforme constitué de sections aux caractéristiques distinctes Scientific article in educational sciences: A textual genre with a uniform appearance composed of sections with distinct characteristics doi: 10.18162/fp.2021.548 ©Auteur. Cette œuvre, disponible à http://dx.doi.org/10.18162/fp.2021.548, est distribuée sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International http://creativecommons.org/licences/by/4.0/deed.fr ISSN 2368-9226  • Formation et profession 29(3), 2021 de l’enseignement supérieur, éprouvent des difficultés à réaliser des travaux de qualité parce qu’ils ne sont pas outillés pour identifier et comprendre les caractéristiques des genres de textes demandés; ils ont donc besoin de soutien dans leur démarche d’acculturation aux discours universitaires, durant tout leur parcours, du premier au troisième cycle (Pollet, 2001; Pollet et al., 2010; Scheepers et al., 2021). Ce soutien peut prendre diverses formes et provenir de sources variées comme des activités créditées, ou non, portant sur l’écriture universitaire (Boch, Cavalla, Pétillon et Rinck, 2015; Lafont-Terranova, Niwese et Colin, 2016; Pollet, 2014), la consultation de guides de rédaction (Belleville, 2014; Jutras, 2019) ou autres articles sur le sujet. Dans cet article, nous présentons la démarche et quelques résultats d’une recherche visant à décrire les caractéristiques de l’article scientifique dans le domaine des sciences de l’éducation. Pour mener à bien ce projet, nous avons analysé, section par section2, 70 articles de ce domaine pour dégager à la fois les caractéristiques communes à l’ensemble des articles et les caractéristiques spécifiques à chacune des sections des articles. Ce projet a pour objectif ultime l’amélioration des connaissances au sujet du genre textuel qu’est l’article scientifique dans le but de mieux soutenir les doctorantes et doctorants, voire les chercheuses et chercheurs novices dans la rédaction de ce genre de texte. Le concept de genre textuel étant au cœur de notre démarche d’analyse, il constitue le socle de notre cadre conceptuel. Cadre conceptuel : les caractéristiques d’un genre textuel Au vu de la grande diversité des pratiques scripturales dans le milieu académique, que ce soit du côté des étudiantes et étudiants ou des membres du corps professoral, ainsi que de la variété de leurs fonctions (diffusion des connaissances, évaluation, enseignement…), le concept de genre textuel est utile pour catégoriser les différents écrits que devront lire et produire les étudiants et les chercheurs dans leur parcours universitaire. Concept fondamental en didactique de l’écrit, les genres textuels, ou genres du discours, « sont des produits culturels, propres à une société donnée, élaborés au cours de son histoire et relativement stabilisés. Ils régissent les discours des membres de cette société engagés dans les infinies situations de la vie sociale » (Reuter, 2007, p. 117). L’appropriation du concept de genre textuel par les étudiantes et étudiants est une condition pour être en mesure d’agir sur le plan du langage, tant à l’oral qu’à l’écrit, et cela parce que toute communication entre humains s’inscrit dans un genre du discours (Schneuwly et Sales Cordeiro, 2006). Dans la continuité des travaux de Volochinov et Bakhtine3 puis de ceux de l’équipe de didactique des langues de Genève (Bronckart, 1996; Dolz, Noverraz et Schneuwly, 2001; Schneuwly et Dolz, 1997), qui mettent au premier plan l’interaction verbale et l’aspect sociodiscursif des productions langagières, le concept de genre textuel a été repris, au Québec, par Chartrand, Émery-Bruneau et Sénéchal (2015) qui le définissent comme suit : « un ensemble de productions langagières orales ou écrites qui, dans une culture donnée, possèdent des caractéristiques communes d’ordres communicationnel, textuel, sémantique, grammatical, graphique ou visuel et/ou d’oralité, souples mais relativement stables dans le temps » (p. 3). Ces didacticiennes retiennent cinq types de caractéristiques dont l’identification permet d’affirmer qu’un texte appartient à une famille spécifique. - Les caractéristiques communicationnelles concernent la situation et l’intention de communication : qui écrit (énonciateur)? à qui (destinataire)? dans quel but (intention)? d’où (lieu de production)? L’article scientifique en sciences de l’éducation : un genre textuel à l’apparence uniforme constitué de sections aux caractéristiques distinctes Formation et profession 29(3) 2021 •  - Les caractéristiques textuelles renvoient à des aspects qui traversent le texte : sa structure générale, le système énonciatif (manifestation de l’énonciateur par l’emploi de pronoms personnels ou de déterminants possessifs, par le phénomène de la modalisation, par la référence aux discours d’autrui), le système des temps verbaux, le type de séquences qui composent le texte (descriptive, narrative, argumentative…). - Les caractéristiques sémantiques concernent entre autres les aspects liés au type de vocabulaire utilisé dans le texte (familier, courant, soutenu, spécialisé…). - Les caractéristiques grammaticales renvoient à des particularités comme le type de phrases utilisées ou la ponctuation. - Enfin, les caractéristiques graphiques ou visuelles concernent l’usage des tableaux, figures, graphiques, images, etc. Dans notre analyse des articles scientifiques, l’attention a été portée sur l’intention de communication et, particularité de notre recherche, sur les moyens mis en œuvre pour actualiser cette intention de communication, c’est-à-dire que nous avons répertorié les éléments de contenu les plus fréquents permettant d’atteindre le but fixé. Le système énonciatif a également fait l’objet d’une analyse approfondie. Nous avons relevé l’usage des pronoms personnels et des déterminants possessifs ainsi que les modes de référence aux discours d’autrui. À ce sujet, nous nous appuyons sur les catégories proposées par Boch, Grossmann et Rinck (2015) qui distinguent deux modes de référencement aux discours d’autrui, à savoir l’« évocation » et le « discours rapporté » (p. 231). L’évocation consiste à faire référence à des travaux de recherche ou à des chercheurs pour convoquer un concept ou uploads/Science et Technologie/l-x27-article-scientifique-en-sciences-de-l-x27-education-un-genre-textuel-a-l-x27-apparence-uniforme-constitue-de-sections-aux-caracteristiques-distinctes.pdf

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