186 TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES DANS L’AUTISME : APPRÉHENDER ET COMMUNIQUER Au
186 TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES DANS L’AUTISME : APPRÉHENDER ET COMMUNIQUER Auteurs : Catherine Barthélémy, Xavier Briffault, Brigitte Chamak, Marcel Hérault, Christel Prado, Anne Fagot-Largeault 1. Introduction 1.1 CONTEXTE D’abord décrit comme une forme précoce de psychose schizophrénique, l’autisme est maintenant inscrit au chapitre des troubles globaux du neurodéveloppement affectant, dès le début de la vie, la communication sociale et l’adaptation à l’environnement humain. L’autisme qui, par définition, apparaît avant l’âge de trois ans, se caractérise par des troubles dans trois secteurs du comportement : O la socialisation : l’enfant avec autisme semble solitaire dans son monde. Il joue seul, on pourrait penser qu’il est sourd. Il réagit avec les personnes comme si elles étaient des objets. Son contact oculaire est particulier. Sa mimique est pauvre. Le partage émotionnel lui est difficile ; O la communication : il ne parle pas ou, si son langage existe, il s’inscrit rarement dans un échange d’informations, un dialogue avec autrui ; O l’adaptation : l’enfant avec autisme est attaché à “l’immuabilité dans son environ- nement”. Le moindre changement, les évé- nements imprévisibles peuvent provoquer chez lui angoisse et agressivité. Le réper- toire de ses activités est réduit, répétitif. Lorsqu’il est seul ou avec les autres, l’en- fant est animé de mouvements stéréotypés, battements, rotations ou balancements d’une partie ou de l’ensemble du corps. Ces troubles sont présents à des degrés divers selon les personnes et ils persistent à l’âge adulte. La variabilité de l’expres- sion clinique résulte non seulement du degré d’autisme mais aussi de son asso- ciation à d’autres troubles (retard mental, troubles moteurs, sensoriels et perceptifs, épilepsie…). La classification internationale des mala- dies (CIM-10), élaborée en 1992 par l’Or- ganisation mondiale de la santé, ainsi que la classification du « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux » (DSM- 4R), mise au point en 1994 par l’American Psychiatric Association, placent l’autisme dans la catégorie des troubles envahissants du développement (TED). En mai 2013, la dernière mise à jour du DSM (DSM-5), crée la catégorie de Troubles du spectre autistique (TSA). Le diagnostic de l’autisme est clinique et il n’existe aucun marqueur biologique ni aucun test diagnostic validé à ce jour. Autrefois considéré comme une maladie rare, sévère et incurable, l’autisme est devenu, avec la création de la catégorie des TED, puis des TSA, un syndrome hétérogène incluant des sujets sans langage avec des problèmes de communication sévères et des personnes aux capacités cognitives et langagières importantes mais présentant des difficultés d’interactions sociales et des intérêts restreints. Avec l’élargissement des critères diagnostiques proposé par les clas- sifications internationales et américaines au milieu des années 1990, les représen- tations ont changé, la prévalence de l’au- tisme a augmenté et les marchés potentiels liés à l’autisme se sont multipliés (tests d’évaluations, formations pour les profes- sionnels et les parents, tests génétiques, dosages biologiques, régimes alimentaires, 187 RAPPORT ANNUEL 2013 DE L’AGENCE DE LA BIOMÉDECINE • ANNEXES médicaments, multiples thérapies, ouvrages en tous genres). Compte tenu des évolutions de la définition de l’autisme et des troubles associés, les don- nées épidémiologiques ont beaucoup varié et il est difficile d’avoir une estimation fiable de la prévalence de l’autisme aujourd’hui. Les dernières études épidémiologiques menées en France ont été publiées durant les années 1990 par le Pr Eric Frombonne (1992, 1997 et 1999). Entre la première et la dernière étude, la prévalence est passée d’environ 5/10 000 à environ 20/10 000. Les recommandations de la Haute autorité de santé concernant l’« autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent », publiées en mars 2012, estiment la préva- lence de l’autisme à une naissance sur cent. Mais en l’absence d’étude épidémiologique récente, ce chiffre n’est pas vérifiable. Avec la création de la catégorie des TSA, sont entrées dans la catégorie « autisme » des personnes capables de parler et ne présen- tant pas de déficiences intellectuelles. De fait, la prévalence a augmenté et les sources de confusion se sont multipliées. L’extrême hétérogénéité des formes d’autisme ne permet pas la généralisation : ce qui va être possible pour certains ne le sera pas pour d’autres et lorsque se diffuse l’idée d’un remède de l’autisme il ne s’agit, au mieux, que de la diminution apparente d’un symp- tôme à un moment donné ou de l’améliora- tion d’une capacité cognitive évaluée sur une période courte. La composante médicale de l’autisme est importante puisque les maladies associées y occupent une place non négligeable. Par ailleurs, les problèmes d’ordre médical sont difficilement pris en charge par les médecins généralistes compte tenu des difficultés et des spécificités liées à l’autisme. Bien qu’il n’existe pas à ce jour de traitement pharmacologique spécifique de l’autisme qui en cible directement la cause, des médica- ments sont utilisés actuellement afin de traiter certains symptômes associés. Ces médica- ments sont toujours prescrits en complément des thérapies éducatives et généralement hors AMM, en fonction de l’expérience du clinicien et de sa connaissance de la littéra- ture scientifique. L’information des familles dans ce domaine reste un aspect primordial trop souvent négligé. Beaucoup de textes abordent d’une façon générale la communi- cation avec les proches, mais jamais dans une stratégie de décryptages des recherches cliniques en cours. En plus de ces médicaments actuellement prescrits visant à traiter des symptômes associés, des études sont en cours afin d’identifier des traitements plus spécifiques. Ces recherches font régulièrement l’objet de publications montrant des résultats parfois encourageants qui laissent entrevoir de nouvelles cibles thérapeutiques. Les publi- cations « d’avancées thérapeutiques » dans le domaine de l’autisme soulèvent fréquem- ment des espoirs excessifs, mais aussi des désillusions regrettables. Ce phénomène est visible dans l’ensemble du champ de la santé mentale, de la psychiatrie, et plus généralement de la médecine, mais il est plus particulièrement intense dans le domaine de l’autisme, pour des raisons qui seront développées par ailleurs. Il en résulte des souffrances exacerbées pour les personnes avec autisme et leurs proches, une méfiance à l’égard des scientifiques et des soignants, et des dégradations évitables des prises en charge, avec des stratégies thérapeutiques erratiques, soumises aux effets de mode et au bruit médiatique, et qui ne bénéficient finalement que peu des connaissances utili- sables produites scientifiquement. Pour autant, une partie des difficultés pourrait être évitée pour les personnes ayant l’intérêt personnel le plus direct dans lesdites « avan- cées thérapeutiques », à savoir les personnes avec autisme et leurs proches, si ces per- sonnes pouvaient disposer de ressources d’analyse des discours des scientifiques et/ ou des soignants leur permettant de com- prendre les enjeux, et d’en faire un usage pertinent dans leur participation au proces- sus de prises de décision thérapeutiques, en relation avec ceux qui sont en position de délivrer des soins. 188 1.2 OBJECTIFS Dans ce contexte, les objectifs de cette syn- thèse sont : O Le descriptif des traitements médicamen- teux actuellement utilisés dans l’autisme et des recherches en cours d’évaluation, en mettant l’accent, à travers un exemple, sur les biais d’interprétation résultant d’une méconnaissance des systèmes d’évalua- tion (grilles) souvent très complexes ; O La proposition de modalités de communica- tion sur la place des traitements pharmaco- logiques dans l’autisme ainsi que sur les résultats des recherches en cours visant à développer de nouveaux traitements. 2.ÉTAT DES LIEUX DES TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES UTILISÉS DANS L’AUTISME : PRINCIPALES INDICATIONS, MODALITÉS DE COMMUNICATION ET RECHERCHES EN COURS D’ÉVALUATION 2.1 PLACE ACTUELLE DES TRAITEMENTS PHARMACOLOGIQUES DANS L’AUTISME : RAPPORT DE LA HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ (HAS) Comme il a été dit précédemment, il n’existe pas à l’heure actuelle de thérapeutiques cura- tives de l’autisme. Cependant, un accompa- gnement adapté précoce prenant en compte les capacités de l’enfant et ses types de troubles lui permettra d’optimiser son poten- tiel de communication et de socialisation. La précocité d’un accompagnement adapté est, en effet, un des facteurs pronostiques de l’évolution d’un enfant avec autisme, parallèlement à l’absence de retard mental et au développement d’un langage oral fonc- tionnel. Les bases physiopathologiques de type neurodéveloppemental des troubles du spectre autistique expliquent l’importance de la précocité de la mise en place d’éduca- tion, de rééducations et de soins. Les phases précoces du développement sont caractéri- sées par une forte plasticité cérébrale qui va faciliter l’efficacité des apprentissages, des rééducations et des soins mis en place. Compte tenu de l’hétérogénéité clinique des troubles (qui renvoie à une probable hétérogé- néité physiopathologique), le projet personna- lisé global et coordonné (éducation, rééduca- tion, soins) doit être défini pour chaque sujet et au plus proche des avancées scientifiques dans le domaine. Il existe différents types d’interventions, de rééducations et de théra- pies qui peuvent être proposés et le choix de celles-ci va se faire notamment en fonction du degré de sévérité d’autisme, du degré de retard éventuellement associé, du niveau de langage oral, de la nature de la sémiologie au premier plan à un temps donné de l’évolution. En mars 2012, la Haute autorité de santé (HAS) a publié, conjointement avec l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et des services uploads/Sante/ abm-autisme-pdf.pdf
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- Publié le Apv 17, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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