Lundi 11 juin 09 h 00 [GMT + 1]  NUMERO 220 Je n’aurais manqué un Séminaire p

Lundi 11 juin 09 h 00 [GMT + 1]  NUMERO 220 Je n’aurais manqué un Séminaire pour rien au monde— PHILIPPE SOLLERS Nous gagnerons parce que nous n’avons pas d’autre choix — AGNES AFLALO www.lacanquotidien.fr ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– La OTOTO rité ratée par Jean-Claude Maleval 1ère partie *** QUELLES SONT LES CONSEQUENCES DES RECOMMANDATIONS DE LA HAUTE AUTORITE DE SANTE QUANT AU TRAITEMENT DE L’AUTISME ? « S’agissant en particulier de l’autisme, je tirerai les conséquences du récent rapport de la Haute autorité de santé », c’est ce qu’écrit François Hollande, le 24 Avril 2012, dans une lettrei au collectif « Pas de 0 de conduite », qui ne l’avait pas précisément interrogé sur cette question. Peu de temps auparavant, s’appuyant sur ce même rapport, le député UMP Daniel Fasquelle annonçait son intention de déposer une proposition de loi visant à interdire « les pratiques psychanalytiques avec les autistes ». Quelles sont donc les conclusions majeures de la HAS en 2012 concernant la prise en charge des autistes ? Et quelles conséquences peut-on en tirer ? La HAS elle-même se montre prudente. Elle ne fait que des recommandations. De surcroît aucune d’entre elles ne repose sur des preuves scientifiques établies. Deux approches, la méthode ABA et le programme développemental de Denverii, bénéficient d’un grade B qui désigne une « présomption scientifique » d’efficacité, tandis que le programme TEACCH obtient le grade C, désignant « une faible niveau de preuve »iii. En revanche, les « approches psychanalytiques » et la « psychothérapie institutionnelle » sont considérées comme des « interventions globales non consensuelles » : il ne s’avère pas possible de conclure à la pertinence de ces interventions en raison « d’absences de données sur leur efficacité et de la divergence des avis exprimés »iv. La littérature consacrée aux traitements psychanalytiques de l’autisme est pourtant considérable. S’il est vrai qu’il n’existe aucune donnée sur ce point, c’est à la condition de préciser : aucune de celles qui satisfont aux exigences méthodologiques de la HAS. La méthodologie de la HAS Certains concluent de cette « absence de données » au refus des psychanalystes d’évaluer leurs pratiques. Il est vrai que la méthodologie retenue par la HAS suscite de vives réticences de leur part. Mais le problème est le même pour l’évaluation des psychothérapies sur les troubles psychiatriques de l’adulte, or pour répondre à la demande sociale des études se sont malgré tout forgées dans le moule prôné par la HAS, celui de l’Evidence Based Medicinev. Des recherches américaines et allemandes montrent que sur le long terme les cures psychodynamiques et psychanalytiques obtiennent des résultats d’efficacité supérieurs à ceux des psychothérapies cognitivo- comportementalesvi. À cet égard on doit s’étonner qu’un rapport officiel récent sur l’autisme, celui de Mme Létard, se révèle mal informé et franchement partisan en ne reculant pas à considérer comme des vérités scientifiques les résultats du rapport de l’INSERM sur l’évaluation des psychothérapies effectué en 2004. Il avait pourtant suscité de telles critiques sur sa méthodologie que le Ministre de la Santé, le Dr Douste-Blazy, l’avait désavoué. Selon la lecture de Mme Létard il « conclut à la supériorité incontestable des thérapies cognitivo-comportementales par rapport aux thérapies psychanalytiques, et cela dans toutes les pathologies étudiées »vii. Or toutes les méta- analyses antérieures et postérieures s’accordent sur un résultat différent, à savoir l’absence de différence notable quant à l’efficacité thérapeutique de toutes les thérapies de bonne foi, y compris celles qui se réfèrent à la découverte freudienneviii. Pour beaucoup de psychanalystes ces études inspirées de la médecine factuelle manquent l’essentiel : faute de pouvoir chiffrer les modifications du fonctionnement subjectif, ils s’y intéressent peu. Le problème de l’évaluation des « pratiques psychanalytiques » concernant l’autisme est de nature différente et beaucoup plus complexe encore. L’absence de données n’est ni un fait de hasard, ni une résultante de l’insuffisance des études, elle s’ancre plus profondément dans des problèmes méthodologiques aujourd’hui non résolus. Comment quantifier les effets de la pratique psychanalytique avec un enfant autiste, sachant qu’elle est toujours associée à des méthodes éducatives, l’engagement dans une cure n’impliquant pas la cessation des activités scolaires ? De surcroît, les cures analytiques d’autistes sont rares, la pratique la plus fréquente est celle de « prises en charge institutionnelles à référence analytique », lesquelles incluent toujours des activités scolaires, parfois de l’orthophonie, de la psychomotricité, de l’ergothérapie, etc. Dans « la pratique à plusieurs » mise en place par les institutions orientées par l’enseignement de Lacan pour traiter les enfants autistes, aucune cure thérapeutique ou psychanalytique n’est pratiquée. « Ce qui est proposé, souligne Antonio Di Ciaccia, c’est l’immersion des enfants autistes dans un espace de vie physique et psychique »ix. Des groupes de travail appelés ateliers y sont constitués, dans lesquels des enfants et des adultes s’occupent à différentes activités : de la cueillette des champignons dans les bois à la piscine, de la danse à la cuisine, etc x. D’autre part, où commence et où s’arrête la référence analytique sachant qu’une technique cognitivo-comportementale comme le programme de Denver se fonde partiellement sur les théories psychanalytiques de Margaret Malher ? xi La HAS entrevoit parfois la difficulté quand elle note que « la frontière entre volet thérapeutique et éducatif est parfois artificielle et floue ». Une même activité, précise-t-elle, (par exemple une activité aquatique) peut avoir des objectifs éducatifs et/ou thérapeutiques parfois en fonction du professionnel qui la met en œuvre. Bref, dans le travail avec les enfants autistes, il est d’une extrême difficulté de séparer le thérapeutique, le pédagogique et l’éducatif, ces volets étant en permanence intriquésxii. Il faut insister sur le fait que les prises en charge institutionnelles à référence psychanalytique pour les autistes sont indissociables d’activités pédagogiques internes ou externes. Ce n’est pas le cas pour tous les traitements qui leur sont proposés. Ainsi la méthode des 3i, malgré ses mérites - il s’agit d’une technique qui met le jeu au premier plan, et non la contrainte - est classée dans les « interventions globales non recommandées »,xiii pour la raison, à mon sens justifiée, « du caractère inacceptable de la déscolarisation exigée par cette méthode »xiv. Rappelons que le pionnier du traitement des autistes référé à la psychanalyse travailla avec eux dans un institut nommé « Ecole Orthogénique de Chicago » dont un des trois bâtiments était essentiellement consacré aux salles de classes, tandis que certains enfants accueillis étaient scolarisés à l’extérieur. Des techniques pédagogiques diverses, plus souvent empruntées, il est vrai, à Montessori, Decroly ou Freinet qu’à la méthode ABA sont régulièrement mises en œuvre dans les institutions qui se réfèrent à la psychanalyse. La première étape dans la pratique de la médecine factuelle consiste à formuler de manière claire et précise une question clinique qui doit être en relation directe avec le problème médical posé. Il est clair que cette exigence ne peut être mise en œuvre pour apprécier les « prises en charge institutionnelles à référence analytique » relativement au traitement des enfants autistes. Ce qui caractérise la référence analytique, rappelons-le, consiste à donner un choix d’activités à l’enfant et à l’accompagner dans ses inventions singulières. Le Président de la HAS, le Pr Harousseau, hématologue, peu au fait de la spécificité du travail avec les autistes, se scandalise de ce qu’il découvre concernant l’évaluation de leur traitement. « La psychanalyse, affirme-t-il, doit accepter l’évaluation. Ce n’est pas normal qu’on ne puisse pas trouver dans la littérature scientifique un seul article qui dise à quoi cela sert… »xv. Ce constat devrait plutôt inciter à une réflexion sur la conception étroite de la science prônée par l’institution qu’il préside. La méthodologie de la HAS ne cache pas être calquée sur celle des « essais biologiques et médicamenteux » de la médecine factuelle. Elle repose sur l’hypothèse non interrogée selon laquelle les effets d’une psychothérapie ou d’une rééducation doivent être comparés à ceux d’un médicament, c’est négliger que le but de ce dernier consiste à effacer un symptôme douloureux et non à construire une personnalité. Non seulement la méthodologie de la HAS conduit à rendre inévaluable la « référence psychanalytique », mais, plus remarquable encore, elle conduit à constater qu’aucune méthode de prise en charge de l’autisme ne fait l’objet d’une étude suffisamment rigoureuse pour dégager une preuve scientifique. Qu’après tant d’années de recherches, tant de publications, tant de chercheurs et d’équipes mobilisées sur cette question, nul ne soit aujourd’hui capable de mettre au point en ce domaine une démonstration scientifique probante devrait inciter à s’interroger sur la méthode employée. Le Pr Harousseau et la HAS ne s’embarrassent pas de considérations épistémologiques : ils postulent que la science est une et qu’elle ne connaît pas d’autre voie que celle qu’ils empruntent. Pourtant une querelle de la méthode traverse le champ de la science depuis la fin du XIXème siècle, elle oppose les tenants de la démarche nomothétique, celle de la physique, qui vise l’universel, aux partisans de la démarche idiographique, la plus souvent utilisée en histoire, qui appréhende le particulier. La connaissance peut procéder suivant deux voies distinctes. D’une part, uploads/Sante/ lq-220-autisme-maleval-i.pdf

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  • Publié le Apv 02, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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