Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur B Lombard Résumé. – L’avènement

Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur B Lombard Résumé. – L’avènement d’une technologie nouvelle a fréquemment constitué, dans l’histoire moderne de la médecine, le point de départ d’une nouvelle discipline, soit en augmentant l’acuité perceptive du médecin, source de nouvelles possibilités diagnostiques, soit en s’interposant entre la main du thérapeute et le corps malade, source d’affinement de l’acte thérapeutique. Ainsi en est-il du microscope, de l’électrocardiographe, ou encore des rayons X, chacun à l’origine de spécialités médicales majeures. Il est bien tôt encore pour se prononcer sur l’impact qu’auront sur l’art chirurgical les techniques d’assistances numériques, disponibles que depuis très peu de temps. Mais, outre le fait qu’elles risquent de devenir rapidement incontournables, il se pourrait qu’elles conduisent non seulement à une nouvelle manière d’opérer, mais aussi à une façon différente de penser la chirurgie. Le but du présent article est de présenter dans leurs grandes lignes les concepts qui président à la chirurgie à assistance numérique, certains aspects techniques inévitables pour concevoir la manière d’utiliser ces systèmes et ce qu’il est raisonnable d’en attendre en l’état actuel des connaissances. © 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : chirurgie assistée par ordinateur, chirurgie craniofaciale, chirurgie maxillofaciale, assistance numérique. Introduction La chirurgie assistée par ordinateur a pour but d’offrir au chirurgien une assistance sous forme de guidage lors d’interventions portant sur des régions anatomiques complexes, à haut risque fonctionnel ou vital, et où l’étroitesse de la voie d’abord pratiquée ne permet pas un repérage direct constant, visuel et tactile. Cette définition élimine les situations périopératoires où l’ordinateur est présent, comme il l’est d’ailleurs devenu dans la plupart des actes, même les plus courants, de toute activité professionnelle. Nous écartons également de ce cadre la cyberchirurgie ou chirurgie réalisée par robot, car elle pose des problèmes différents, encore imparfaitement résolus, et elle n’est pas chirurgie puisque, stricto sensu, la chirurgie est un acte manuel. Au plan sémantique, cette technologie est trop récente pour avoir un nom définitif. Le terme de chirurgie guidée par l’image est souvent avancé, mais il ne permet pas d’en distinguer la chirurgie vidéoendoscopique qui se pratique sans ordinateur. Les termes « neuronavigation » et « sinusonavigation » sont trop restrictifs. Le terme franglais surgétique, parfois utilisé, est vide de toute étymologie et donc de sens. L’acronyme CAO est déjà réservé pour signifier la conception assistée par ordinateur. Nous proposons le terme de chirurgie infodromique (de info et dromos : trajet, chemin). Historique La chirurgie assistée par ordinateur a pour objet essentiel d’offrir à l’opérateur une assistance sous forme de guidage, dans le but d’améliorer la précision de son geste. Pour cette raison, il semble logique de la considérer comme le prolongement naturel de la chirurgie stéréotaxique, née bien avant l’ère des ordinateurs, puisque les premiers cadres stéréotaxiques sont apparus à la fin du siècle dernier. CHIRURGIE STÉRÉOTAXIQUE SUR CADRE En 1908, Clarke et Horsley décrivent une méthode de topographie rectilinéaire du cerveau de macaque Rhésus et mettent au point le premier cadre stéréotaxique moderne, dont la complexité préfigure le problème général du référencement et du recalage (cf infra) (fig 1). Ce système leur permet d’appliquer des courants électriques lésionnels en différents points du cerveau à travers des aiguilles isolées et guidées grâce à ce cadre. En 1947, Spiegel reprend les travaux de Clarke et Horsley et décrit une méthode alternative à l’effroyable lobotomie frontale d’Egas Moniz, en générant des lésions électriques du nucleus médian et du thalamus sécurisées grâce à un cadre stéréotaxique [18]. Ses résultats ne sont guère meilleurs que ceux de Moniz, mais aboutissent à une psychochirurgie moins hémorragique et donc moins létale. Bertrand Lombard : Chirurgien spécialiste des Hôpitaux des Armées, hôpital d’Instruction des Armées Desgenettes, service d’oto-rhino-laryngologie, 108, boulevard Pinel, 69275 Lyon cedex 03, France. 1 Cadre stéréotaxique de Horsley et Clarke (1908). Encyclopédie Médico-Chirurgicale 22-360-A-30 22-360-A-30 Toute référence à cet article doit porter la mention : Lombard B. Chirurgie craniofaciale assistée par ordinateur. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Stomatologie, 22-360-A-30, 2003, 8 p. Talairach, à Paris, publie en 1949 son célèbre atlas stéréotaxique basé sur une série de dissections cérébrales soigneusement mesurées dans un repère cartésien triplanaire et qui, 50 ans plus tard, constitue toujours une référence. RADIOLOGIE CRANIOENCÉPHALIQUE Mais les travaux précités ignorent le potentiel formidable de l’imagerie médicale et s’appuient sur une analyse statistique de la topographie encéphalique humaine, acquise à travers la dissection post mortem. C’est probablement Cushing, vers 1914, qui le premier a pressenti l’intérêt considérable de la radiographie craniofaciale. Pour déterminer une stratégie d’abord opératoire de la selle turcique pour hypophysectomie, il développe une méthode de mensuration de clichés radiologiques pris sous des incidences précises [4]. Et ainsi, pendant un demi-siècle, les techniques vont s’affiner peu à peu, aboutissant à une multitude d’indices, repères et autres ratios utilisés comme guides par les neurologues qui deviendront peu à peu neurochirurgiens avec l’individualisation de cette discipline. L’idée d’utiliser un ordinateur pour piloter un générateur de rayons X remonte au début des années 1960 avec le neurologue californien Oldendorff, qui publie un rapport sur l’insuffisance de l’imagerie encéphalique traditionnelle comparée aux possibilités d’exploration d’autres organes et souligne le danger des méthodes d’encéphalographie iodée, gazeuse ou d’angiographie cérébrale. Il suggère l’utilisation d’un ordinateur pour piloter avec précision un tomographe classique. Mais le problème est complexe et les ordinateurs encore rudimentaires. Il faut attendre 1972 pour que la pugnacité de l’ingénieur anglais Hounsfield, prix Nobel de médecine, aboutisse à la première coupe transversale de la tête d’un patient en 5 minutes. La médecine numérique est née et la chirurgie assistée par ordinateur n’en sera qu’une conséquence. L’apparition ultérieure de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) étendra le champ de l’imagerie, mais sa précision est encore limitée comparée à celle de la tomodensitométrie : l’IRM fait de belles images, mais elles sont peu précises topographiquement. Désormais, la stéréotaxie ne sera plus envisagée autrement que couplée au scanner : Leksell imagine un nouveau cadre [12], que perfectionnent Berstrom et Greitz. Le cadre de Brown [2] permet de placer une sonde cérébrale avec une précision moyenne de 1,8 mm, précision que Perry améliore encore grâce à des marqueurs opaques repérés avec plus de finesse (fig 2). Aujourd’hui, les cadres stéréotaxiques sont peu à peu abandonnés au profit de systèmes dits frameless. STÉRÉOTAXIE SANS CADRE Les cadres précédemment décrits, quoique fiables et précis, sont encombrants pour le chirurgien, douloureux et angoissants pour le patient qui doit rester la tête emprisonnée plusieurs heures dans un carcan métallique avant d’entrer en salle d’opération. De plus, leurs possibilités se limitent à guider précisément une aiguille poussée sur une certaine distance à partir d’un point de coordonnées relatives connues et selon un angle calculé. Il ne s’agit pas à proprement parler de système de navigation, mais simplement d’accessoires de visée balistique. Les neurochirurgiens qui les utilisent savent le temps consommé par leur installation et les calculs trigonométriques qui s’y associent obligatoirement. On comprend dès lors le formidable intérêt suscité en 1987 par la publication des travaux de Watanabe, neurochirurgien du Tokyo General Hospital [22]. Le « Neuronavigator » (fig 3) qu’a mis au point son équipe pour pratiquer l’exérèse de tumeurs cérébrales diverses utilise un bras mécanique relié à un ordinateur dans lequel ont été préalablement introduites les images tomodensitométriques du patient. La précision est médiocre, l’erreur atteint parfois 10 mm. L’ordinateur ne peut stocker que six images. La présence d’un ingénieur en salle d’opération est indispensable au fonctionnement de l’appareil. Le Neuronavigator, trop cher et peu précis ne sera jamais commercialisé, mais la chirurgie assistée par ordinateur est inventée. CHIRURGIE CRANIO-MAXILLO-FACIALE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR Initialement développés pour leurs applications en neurochirurgie, les systèmes de navigation suscitent très vite l’intérêt d’équipes chirurgicales oto-rhino-laryngologiques et maxillofaciales, elles aussi confrontées aux problèmes du repérage anatomique peropératoire. En effet, l’avènement de l’endoscope moderne permet une chirurgie mini-invasive permettant l’accès à des régions très enclavées comme le labyrinthe ethmoïdal, la base antérieure du crâne ou encore la fosse ptérygomaxillaire. Des interventions comme celle de De Lima, abandonnées pour leur très haut risque fonctionnel ou vital, sont alors repensées sous l’angle de l’endoscopie par des équipes comme celle de l’Autrichien Messercklinger, avec des résultats autrement meilleurs et une morbidité raisonnable. La chirurgie endoscopique s’impose. Mais elle a aussi ses désavantages : les optiques panoramiques modernes entraînent une déformation sphérique de l’image aboutissant à des erreurs de perception du champ opératoire qui peuvent atteindre près de 1 cm pour un opérateur non entraîné. Les voies d’abord utilisées, essentiellement endonasales, sont très exiguës et rendent difficile un geste hémostatique. La chirurgie infodromique craniofaciale, introduite vers 1997, apparaît comme une solution très intéressante à ces problèmes de repérage topographique. Ailleurs, des équipes d’implantologie dentaire savent qu’un facteur important pour la pérennité de leur implant est son positionnement axial optimal, de manière à ce que les contraintes s’exercent essentiellement en compression et le moins possible en cisaillement. Là encore, les systèmes de navigation sont à même de résoudre ce problème, avec une résolution angulaire nettement supérieure à celle de uploads/Sante/ chirurgie-craniofaciale-assistee-par-ordinateur.pdf

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  • Publié le Apv 25, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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