La Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008 D o s s i e r D o s s i e r

La Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008 D o s s i e r D o s s i e r 17 L a cavité vaginale est colonisée à l’état naturel par des bactéries. Les lactobacilles (Lactobacillus crispatus, L. jensenii, L. iners, L. gasseri) sont les bactéries prédo- minantes de la flore vaginale dite normale (figure 1). Ils assu- rent le maintien de l’écologie vaginale par la production de pe- roxyde d’hydrogène, d’acide lactique et de substances inhibant la croissance bactérienne (bactériocines), par leur adhérence aux parois vaginales (biofilm) et par le contrôle du pH vaginal entre 3,8 et 4,5 (1). Ces mécanismes inhibent la multiplication d’autres bactéries dont la présence est possible à l’état nor- mal (Corynebacterium spp, Streptococcus spp, Enterococcus, Gardnerella vaginalis, Mobiluncus spp, Candida albicans). La rupture de cet équilibre conduit à la vaginose bactérienne. Cette dernière se définit comme un déséquilibre de la flore vaginale, caractérisé par le remplacement des lactobacilles par une flore polymicrobienne comprenant Gardnerella vaginalis, Mycoplasma hominis, Atopobium vaginae, Mobiluncus spp et d’autres bactéries anaérobies. ÉPIDÉMIOLOGIE La vaginose bactérienne est une pathologie fréquente, pre- mière cause de vaginite, avant même les infections vaginales à Candida (2, 3). La prévalence de la vaginose bactérienne n’est pas uniforme, elle varie de 10 à 65 % selon le type de population étudiée. La prévalence est plus élevée chez les femmes d’ori- gine africaine, les femmes à risque d’infections sexuellement transmissibles (IST), les populations féminines homosexuel- les, les groupes ayant un bas niveau socio-économique et les femmes aux antécédents d’accouchement prématuré. Pendant la grossesse, la prévalence varie de 5 à 55 %, elle est voisine de 10 % en France (4). Les études épidémiologiques ont permis d’isoler certains facteurs de risque associés à la vaginose bac- térienne : origine ethnique (africaine plus que caucasienne), existence d’une intoxication tabagique, type de contraception (absence d’utilisation de préservatifs), hygiène vaginale (pra- tique de toilettes vaginales) et activité sexuelle (changement récent de partenaire sexuel, nombre croissant de partenaires sexuels, rapports homosexuels) [3, 5, 6]. ÉTIOLOGIE Si le déséquilibre de la flore vaginale est la caractéristique de la vaginose bactérienne, il est insuffisant pour expliquer le mécanisme causal. L’étiologie est pour le moment loin d’être clairement définie, même si quelques hypothèses ont été évo- quées sur la base des études épidémiologiques (3, 6). La prati- que régulière de douches vaginales conduirait à la rupture de l’équilibre de la flore vaginale par la raréfaction des lactoba- cilles producteurs de peroxyde d’hydrogène. Certains auteurs ont évoqué l’hypothèse d’une IST sans connaître à l’heure actuelle l’agent infectieux causal. Certaines pratiques sexuelles seraient un argument expliquant la contagiosité de la vaginose bactérienne, notamment chez les couples homosexuels. Enfin, il pourrait s’agir d’une altération endogène de la flore vaginale favorisée par les variations hormonales et le cycle menstruel. MANIFESTATIONS CLINIQUES Des leucorrhées, un prurit, mais surtout une mauvaise odeur vaginale peuvent conduire la patiente à consulter (2, 3). Ces symptômes ne sont pas spécifiques de la vaginose bactérienne Déséquilibre microbiologique de la flore vaginale chez la femme enceinte. Controverse sur le dépistage de la vaginose bactérienne asymptomatique Microbiologic imbalance of vaginal flora in pregnancy. Controversy about screening for asymptomatic bacterial vaginosis  J.P. Menard, F. Bretelle* * Service de gynécologie obstétrique (L. Boubli), hôpital Nord, chemin des Bourrelys, 13915 Marseille Cedex 20. Figure 1. Flore vaginale normale. La Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008 D o s s i e r D o s s i e r 18 Le caractère subjectif et fastidieux de cette méthode limite son application en pratique courante. Par conséquent, c’est la méthode microbiologique qui est la méthode de choix. À partir d’un prélèvement vaginal réalisé en consultation ou au laboratoire, un étalement sur lame est réalisé. La lame est colorée selon la technique de Gram et examinée au micros- cope optique. Plusieurs méthodes d’interprétation de la colo- ration de Gram existent. C’est la méthode décrite par Nugent en 1991 qui est celle de référence (12). Elle consiste à évaluer de façon semi-quantitative l’équilibre de la flore vaginale en fonction de trois morphotypes bactériens : Lactobacillus spp, Gardnerella vaginalis, Mobiluncus spp. Un score supérieur à 7 définit la vaginose bactérienne (tableau I). Ce test dia- gnostique reste imparfait, car il existe une variabilité inter- et intra-opérateur dans l’interprétation du score de Nugent, liée à la difficulté de lecture de la coloration de Gram. De plus, la constitution d’un groupe intermédiaire pose question aux cliniciens. Correspond-elle à une flore de transition entre flore et peuvent être présents en cas d’infection cervicovaginale comme la candidose vulvo-vaginale, l’infection à Trichomonas vaginalis ou d’autres IST (2, 3). Deux symptômes sont plus fré- quemment associés à la vaginose bactérienne : des pertes vagi- nales abondantes et la mauvaise odeur vaginale (classiquement odeur de poisson avarié). Toutefois, la moitié des femmes dont la flore vaginale est déséquilibrée est asymptomatique. COMPLICATIONS Un intérêt grandissant s’est porté sur la vaginose bactérienne depuis la mise en évidence d’une association entre ce désé- quilibre de la flore vaginale et l’acquisition de certaines IST (gonocoque, Chlamydia trachomatis, HSV, VIH) et d’infec- tions génitales hautes, mais surtout de l’association à la pré- maturité, source de mortalité et de morbidité néonatale. Durant la grossesse, la vaginose bactérienne est liée statisti- quement à un risque accru d’accoucher prématurément. Ce risque est deux fois plus élevé chez les femmes développant une vaginose bactérienne pendant la grossesse par rapport à celles n’ayant aucun déséquilibre de la flore vaginale. Le ris- que de prématurité est d’autant plus élevé que la vaginose bactérienne est dépistée en début de grossesse. La vaginose bactérienne est également associée à un surrisque de rupture prématurée des membranes, de naissance d’enfant de petit poids (< 2 500 g), de chorio-amniotite et d’endométrite du post-partum (7-9). S’il existe un lien statistique entre vaginose bactérienne et complications obstétricales, le lien de causalité n’a pas pu être clairement établi. L’hypothèse actuelle est multifactorielle. Elle fait intervenir le déséquilibre de la flore vaginale, une ascension des micro-organismes de la vaginose bactérienne dans la filière génitale conduisant à la chorio-amniotite, dont les conséquen- ces sur le déroulement de la grossesse semblent modulées par une dérégulation de la réponse immunitaire pro-inflammatoire au déséquilibre de la flore vaginale et une probable susceptibi- lité génétique de l’individu à l’infection (10). DIAGNOSTIC La vaginose bactérienne peut être mise en évidence par l’exa- men clinique ou par microbiologie. Les critères cliniques permettant de porter le diagnostic de vaginose bactérienne ont été regroupés par Amsel en 1983 (score d’Amsel) [11]. Le diagnostic est porté si trois des quatre critères suivants sont présents : – pertes vaginales fluides et adhérentes aux parois vaginales ; – pH vaginal alcalin (> 4,5) ; – mauvaise odeur vaginale ou odeur de poisson avarié sponta- née, ou après addition de potasse à 10 % (snif-test) ; – clue cells à l’examen au microscope (présence de bactéries adhérentes à la surface des cellules épithéliales vaginales) (figure 2). Tableau I. Calcul du score de Nugent après coloration de Gram (ob- jectif à immersion à huile 1 000 X). Étape 1 : attribuer un sous-score en fonction de la quantification de trois morphotypes bactériens. Étape 2 : classer la flore étudiée selon la valeur du score de Nugent définie par l’addition des trois sous-scores précédents. Score inférieur ou égal à 3 : flore normale. Score entre 4 et 6 : flore intermédiaire. Score supé- rieur ou égal à 7 : vaginose bactérienne. Sous-score Lactobacillus spp Nombre de gros bacilles Gram + par champ Gardnerella vaginalis Nombre de petits ba- cilles Gram - ou Gram variable par champ Mobiluncus spp Nombre de bacilles Gram - incurvés par champ 0 > 30 0 0 1 5-30 < 1 1-5 2 1-4 1-4 > 5 3 < 1 5-30 4 0 > 30 Figure 2. Vaginose bactérienne et clue cell (cellule épithéliale recouverte de bactéries). La Lettre du Gynécologue - n° 334 - septembre 2008 D o s s i e r D o s s i e r 19 normale et vaginose bactérienne ? Ou correspond-elle à un groupe artificiel n’ayant aucune réalité microbiologique mais lié à l’imperfection du test diagnostic ? TRAITEMENT Le traitement de la vaginose bactérienne a deux objectifs. Le premier est la correction des signes fonctionnels (odeur, pertes abondantes) par un retour à une flore normale ; le traitement s’adresse alors à la vaginose bactérienne symptomatique. Le second est de prévenir les complications obstétricales liées à la vaginose bactérienne ; il implique un dépistage de la vaginose bactérienne asymptomatique durant la grossesse. Traitement de la vaginose bactérienne symptomatique Une résolution spontanée de la vaginose bactérienne est pos- sible en dehors de tout traitement. Une résolution plus rapide est obtenue après traitement antibiotique. Quel que soit l’an- tibiotique utilisé (métronidazole, secnidazole, clindamycine) et le mode d’administration (voie vaginale ou orale), le taux de résolution est de 70 à 90 %. Cependant, la récurrence après traitement est fréquente. Elle est de 30 % à 1 mois et de 50 % à 6 mois (13). Des alternatives à l’antibiothérapie uploads/Sante/ desequilibre-microbiologique-de-la-flore-vaginale-chez-la-femme-enceinte-controverse-sur-le-depistage-de-la-vaginose-bacterienne-asymptomatique 3 .pdf

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  • Publié le Oct 29, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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