Dyskaliémies M. Andronikof Les anomalies de la kaliémie constituent le trouble

Dyskaliémies M. Andronikof Les anomalies de la kaliémie constituent le trouble électrolytique le plus fréquent. Elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Il est important d’en connaître les mécanismes étiologiques, les critères de gravité et le traitement. Après avoir développé ces trois points centraux, nous proposons des attitudes pratiques pour la prise en charge en urgence de l’hypokaliémie et de l’hyperkaliémie. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hypokaliémie ; Hyperkaliémie ; Troubles électrolytiques Plan ¶ Homéostasie du potassium 1 ¶ Hypokaliémie 1 Clinique 1 Étiologies 1 Conduite à tenir 2 ¶ Hyperkaliémie 3 Clinique 3 Étiologies des hyperkaliémies 3 Conduite à tenir devant une hyperkaliémie 5 ¶ Conclusion 7 ■Homéostasie du potassium Le potassium (K+) est le cation le plus abondant de l’orga- nisme. Les valeurs normales de la kaliémie sont comprises entre 3,6 et 5 mmol/l. La régulation du stock total de K+ dépend de ses entrées et sorties de l’organisme. Les entrées, dans l’alimen- tation occidentale, sont abondantes, 80 à 120 mmol, très au-dessus des besoins physiologiques (autour de 25 mmol). Les pertes de K+ se font à 10 % par les selles (environ 80 à 90 mmol/l de selles, soit environ 10 mmol/24 h) et à 90 % par le rein. Cependant, en cas d’insuffisance rénale sévère, la quantité de K+ excrété dans les selles augmente. En cas de diarrhée, la quantité de K+ par litre baisse, mais le volume augmentant, les pertes peuvent être importantes. C’est le rein qui est l’unique organe régulateur des sorties de K+. L’excrétion de K+ est directement sous la dépendance de l’aldostérone, qui est donc la principale hormone régulatrice du stock de K+. Le potassium est à 98 % situé à l’intérieur de la cellule. La régula- tion de son entrée et de sa sortie de la cellule se fait par la pompe active sodium/potassium de la membrane cellulaire (Na+/K+ adénosine triphosphatase [ATPase]), qui fait entrer K+ dans la cellule contre la sortie de Na+. Cette pompe est sous la dépendance de différentes hormones, au premier rang desquelles figurent l’insuline et les catécholamines b adrénergi- ques. L’état acidobasique, par l’échange H+/K+, intervient aussi dans l’équilibre transmembranaire de K+ et dans l’excrétion rénale. Enfin, il existe un rétrocontrôle de K+ sur l’insuline et l’aldostérone dont les sécrétions augmentent quand la kaliémie [K+] est haute, et réciproquement [1-3]. Dans le Tableau 1, nous indiquons le sens de variation de K+ pour les mécanismes régulateurs principaux. Remarquons d’emblée que la kaliémie traduit mal l’état du stock potassique intracellulaire. Une hypokalicytie, c’est-à-dire une déplétion potassique, peut être à kaliémie basse, normale ou même haute (l’exemple typique étant la cétoacidose diabétique). De plus, la régulation du potassium est « asymétrique » [1]. Une hypokalicytie ou une hypokaliémie, lorsqu’elles sont survenues, peuvent persister alors même que le rein ou l’équilibre hormonal fonctionnent normalement [1, 4]. L’hyperkaliémie, au contraire, entraîne des manifestations brusques et ne persiste qu’en cas de perturbation persistante des mécanismes régulateurs [1]. ■Hypokaliémie Clinique L’hypokaliémie est le trouble électrolytique le plus fréquent chez les malades hospitalisés [1]. Lorsqu’elle est profonde, elle met directement en jeu le pronostic vital. Même modérée, elle augmente le risque de mortalité et de morbidité chez les patients souffrant de maladie cardiovasculaire. La présence d’une hypokaliémie favorise d’autres troubles, par exemple l’alcalose, l’hypertension artérielle et même le diabète insipide [1, 3]. L’hypokaliémie n’a le plus souvent aucune traduction clinique, mais elle survient dans un très grand nombre de situations cliniques. Elle doit donc être systématiquement dépistée et suivie, dans les très nombreuses situations à risque d’hypokaliémie. Néanmoins, des signes existent, qui sont des marqueurs de gravité et non de diagnostic. Ils sont dominés par la paralysie musculaire et respiratoire et par les troubles du rythme ventriculaire. Leur expression dépend de la rapidité d’installation, du terrain de survenue et de la profondeur de l’hypokaliémie. Il n’y a donc pas de corrélation mathématique entre le niveau d’hypokaliémie et son expression clinique. Le Tableau 2 résume les signes cliniques d’hypokaliémie. La Figure 1 illustre un électrocardiogramme (ECG) d’hypokaliémie. Étiologies L’hypokaliémie est, dans la grande majorité des cas, la conséquence d’une augmentation des pertes de potassium à travers le rein ou le tube digestif. Moins souvent, elle est la conséquence d’un transfert de potassium vers la cellule. Excep- tionnellement, elle est due à un défaut direct d’apport de potassium. Cette dernière étiologie est très rare, car, en cas de jeûne prolongé, le catabolisme des tissus provoque la sortie du ¶ 25-100-A-22 1 Médecine d’urgence potassium dans la circulation [1]. Dans les situations de carence (hypovolémie, alcalose, hypomagnésémie, etc.), l’hypokaliémie est la conséquence du système régulateur rénal qui provoque une fuite de potassium. Le Tableau 3 indique les causes d’hypo- kaliémie et leur mécanisme. Bien que les étiologies soient multiples, les hypokaliémies par perte digestive ou rénale de cause simple sont de loin les plus habituelles. Nous insistons sur le fait que l’hypokaliémie provoque une alcalose métabolique et que celle-ci provoque ou maintient une hypokaliémie [4]. Il y a cependant des circonstances fréquentes où l’hypokaliémie est associée à une acidose : les diarrhées, la cétoacidose diabétique et les acidoses tubulaires rénales. La thérapeutique doit en tenir compte car la correction de l’acidose provoque un transfert intracellulaire de potassium et fait baisser la kaliémie. Conduite à tenir L’anamnèse des antécédents, des faits récents et des médica- ments pris, permet, dans la majorité des cas, de déterminer la cause de l’hypokaliémie (diarrhée, vomissements, diurétiques, apport d’insuline et de glucose, maladie périodique connue). Si à l’issue de l’anamnèse, l’étiologie de l’hypokaliémie reste imprécise, l’étape suivante est de regarder si elle s’accompagne d’une pression artérielle normale ou basse et de se reporter au tableau des étiologies pour orienter le patient. Le bilan complé- mentaire dans ces cas ne relève pas de l’urgence. En urgence, l’ECG est le premier examen à pratiquer. Il est aussi indispen- sable de prendre en considération : la fonction rénale (créati- nine), l’équilibre acidobasique (bicarbonate, éventuellement gaz du sang), la glycémie, le calcium, le magnésium et, bien entendu, l’existence ou non de signes neuromusculaires qui s’évaluent cliniquement et sur les créatines phosphokinases (CPK). L’apport de potassium est la base du traitement de l’hypokalié- mie. Cependant, ce traitement, quelle que soit la valeur de la kaliémie (même « normale »), ne peut s’envisager qu’en ayant une vision prospective de l’état du malade (cf. recommandations générales dans [4]). Un même chiffre de potassium a une toute autre valeur si le patient est en grande acidose ou au contraire en alcalose. On tient compte de son terrain cardiaque, de l’évolution prévisible de la fonction rénale et donc de l’excrétion urinaire attendue du potassium. Il faut projeter l’état métabolique du malade dans les heures qui suivent pour corriger une hypokalié- mie de manière adéquate, ou la prévenir avant qu’elle ne s’ins- talle. Bien que l’expérience permette de se faire une idée approximative de la quantité de potassium à administrer, il est impossible de prévoir précisément cette quantité au début du traitement. Les contrôles biologiques réguliers et fréquents sont donc absolument indispensables. La voie d’administration orale doit être préférée pour les hypokaliémies modérées sans traduc- tion clinique. On utilise une forme orale du chlorure de potas- sium (KCl). La spécialité Diffu K® apporte 8 mmol par gélule. Lorsqu’il y a urgence à corriger une hypokaliémie, on utilise le KCl par voie veineuse sous forme d’ampoules à 10 % (10 ml de solution apportent 1 g de KCl correspondant à 13 mmol de potassium) ou 20 % (2 g de KCl par 10 ml). Le vecteur ne doit pas être du glucosé (qui, favorisant la sécrétion d’insuline, fait baisser la kaliémie). Veinotoxique, le KCl intraveineux (i.v.) doit être dilué (classiquement jusqu’à 6 g/l). Utilisé pur, il doit être administré sur une voie centrale (sauf urgence, pendant un temps limité). Il est souvent indispensable d’associer le magnésium qui est disponible en ampoules de sulfate de magnésium (SO4Mg) à 15 % (10 ml apportent 1,5 g, soit 6 mmol de magnésium). Le Tableau 1. Effet sur la kaliémie [K+] et mécanisme d’action des régulateurs physiologiques principaux du potassium. Régulateur physiologique Effet sur [K+] Mécanisme d’action Commentaire Aldostérone Baisse Excrétion urinaire Principal régulateur du stock potassique Insuline Baisse Transfert intracellulaire Catécholamines b-adrénergiques Baisse Transfert intracellulaire Alcalose aiguë ou chronique, respiratoire ou métabolique Baisse Transfert intracellulaire Excrétion urinaire Effet constant, intensité variable Acidose aiguë Augmentation Sortie cellulaire Effet inconstant, intensité variable Dépend du type d’acidose et du stock potassique Acidose chronique Augmentation ou baisse Rénal Acidose et effet sur [K+] sous la dépendance du rein Hypertonie plasmatique Augmentation Sortie cellulaire Mais la diurèse osmotique provoque une kaliurèse et donc une baisse du stock potassique Tableau 2. Signes d’une hypokaliémie. Neuromusculaires La PP est évoquée devant une faiblesse musculaire avec hypokaliémie, d’apparition brusque à l’adolescence, ou d’antécédents identiques personnels ou familiaux Asthénie Constipation (atteinte musculature lisse) Faiblesse musculaire Rhabdomyolyse Paralysie musculaire périphérique Paralysie respiratoire Électrocardiographiques Une cardiopathie, la prise d’antiarythmique, la prise de digoxine constituent des facteurs de risque d’apparition d’un trouble du rythme ventricu- laire, même pour une hypokalié- mie uploads/Sante/ dyskaliemies 1 .pdf

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  • Publié le Jul 20, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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