MISE AU POINT / UPDATE INFECTIEUX Épiglottites aiguës sévères de l’adulte Sever

MISE AU POINT / UPDATE INFECTIEUX Épiglottites aiguës sévères de l’adulte Severe Adult Acute Epiglottitis M. Simon · M. Cour · L. Argaud Reçu le 10 décembre 2015 ; accepté le 10 mars 2016 © SRLF et Lavoisier SAS 2016 Résumé Pendant longtemps, l’épiglottite aiguë est restée une pathologie spécifique du jeune enfant. L’introduction et la généralisation de la vaccination anti-Haemophi- lus influenzae de type b (Hib) a permis une diminution dras- tique des formes pédiatriques. L’incidence chez l’adulte est en revanche en augmentation, avec une forme clinique et une évolution sensiblement différente de celle de l’enfant. Il s’agit d’une pathologie à prédominance masculine, surve- nant volontiers entre 40 et 50 ans. La symptomatologie est moins typique et moins bruyante que chez l’enfant, rendant l’évocation du diagnostic parfois difficile. Ce dernier peut être confirmé par laryngoscopie souple en visualisant l’épi- glotte et les structures supraglottiques adjacentes. Une prise en charge non invasive est le plus souvent possible, au prix d’une surveillance rapprochée en réanimation. Dans les for- mes les plus sévères, l’enjeu thérapeutique est de maintenir la liberté des voies aériennes supérieures (VAS), au besoin après une intubation ou une trachéotomie. La mortalité est faible. Cependant, une évolution fatale par arrêt cardiaque hypoxique est possible, et imprévisible, en cas d’obstruction des VAS. Mots clés Épiglottite · Adulte · Voies aériennes supérieures · Dyspnée laryngée · Streptocoque Abstract Historically, acute epiglottitis occurred in young children and the most common causative organism was Hae- mophilus influenzae type b (Hib). Since the introduction of the Hib vaccine, the incidence of epiglottitis among children has declined, whereas the incidence among adults has increased. The typical profile of an adult patient with acute epiglottitis seems to be a middle-aged patient with a male predominance. Contrary to the classical presentation of epi- glottitis in children, adult patients present with nonspecific oropharyngeal symptoms. Thus, diagnosis can be delayed or missed in its initial stage. Flexible laryngoscopy is used to confirm the diagnosis, showing inflammation of the epiglot- tis and the adjacent supraglottic structures. Most patients can be closely monitored in the Intensive Care Unit, without the need for an airway intervention. However, in severe epiglot- titis, the focus of treatment is the maintenance of a patent airway, using intubation or tracheotomy. Mortality remains low, but hypoxic cardiac arrest can occur without warning, due to airway obstruction. Keywords Epiglottitis · Supraglottitis · Adult · Airway intervention · Streptococci Introduction L’épiglottite aiguë est une inflammation, le plus souvent d’origine infectieuse, des structures supraglottiques. Jusqu’à l’introduction de la vaccination anti-Haemophilus influenzae de type b (Hib), il s’agissait principalement d’une pathologie du jeune enfant. La présentation clinique est alors typique : installation rapide d’un stridor, d’une dysphagie et de signes de détresse respiratoire aiguë. L’enfant se positionne sponta- nément assis, penché en avant. La sévérité est également liée à une atteinte septique sévère avec de la fièvre et une impor- tante altération de l’état général. Depuis la diminution dras- tique des formes infantiles, consécutive à la généralisation de la vaccination anti-Hib, une attention particulière est désor- mais portée aux formes de l’adulte dont l’incidence est en augmentation. Une meilleure connaissance de l’épidémiolo- gie, de la présentation clinique et des risques évolutifs chez l’adulte a conduit à une prise en charge qui diffère significa- tivement de celle de l’enfant. Néanmoins, l’évolution reste potentiellement mortelle compte tenu d’un risque d’obstruc- tion aiguë des voies aériennes supérieures (VAS), pouvant être responsable d’un arrêt cardiaque hypoxique. M. Simon · M. Cour · L. Argaud (*) Service de réanimation médicale, groupement hospitalier Édouard-Herriot, 5, place d’Arsonval, F-69437 Lyon cedex 03, France e-mail : laurent.argaud@chu-lyon.fr Réanimation (2016) 25:S62-S68 DOI 10.1007/s13546-016-1193-4 Une nouvelle épidémiologie Dans la littérature, le premier cas d’épiglottite chez l’adulte fut rapporté par Le Mierre et al. en 1936, alors que le cas historique le plus célèbre a été responsable du décès de George Washington en 1799 [1,2]. Avant l’introduction de la vaccination anti-Hib, l’épiglottite aiguë touchait essentiel- lement le jeune enfant âgé d’un à sept ans. À partir de la fin des années 1980, la généralisation de la vaccination anti-Hib dans de nombreux pays développés a entraîné une diminu- tion drastique des cas d’épiglottites aiguës chez l’enfant. L’incidence annuelle dans la population pédiatrique est en effet passée de 1,4 à 6,1 cas/100 000 à 0,3 à 0,8 cas/ 100 000 entre les périodes pré- et postvaccination [3–7]. À titre d’illustration, il est rapporté une quasi-disparition des cas d’épiglottites du jeune enfant en Finlande depuis la géné- ralisation de la vaccination anti-Hib, alors qu’aucun cas n’a été rapporté depuis 1989 chez les enfants de moins de dix ans en Islande [3,7]. En France, l’incidence des infections invasives à Hib a été divisée par 2 depuis l’introduction, en 1992, de la vaccination anti-Hib [8]. Chez l’adulte, la plupart des données rétrospectives mon- trent une stabilisation ou une augmentation de l’incidence de l’épiglottite aiguë [4,9–12]. Plusieurs hypothèses sont évo- quées pour expliquer cette tendance. D’une part, Hib ne repré- sente pas la cause la plus fréquente d’épiglottite aiguë dans la population adulte [5,7,13] ; d’autre part, les possibilités diag- nostiques ont été facilitées par une utilisation plus large de la fibroscopie souple depuis les années 1990 [7,9,14]. L’inci- dence actuelle chez l’adulte se situe autour de 3 à 4 cas/ 100 000 par an [12,15]. Il n’est pas retrouvé de saisonnalité, notamment en ce qui concerne les formes sévères [4,12,14, 16,17]. À côté des formes bactériennes largement majoritaires, d’autres étiologies infectieuses des épiglottites aiguës sont rencontrées. Des étiologies virales ont été décrites, notam- ment avec les virus du groupe herpès [18]. Plus rarement, des épiglottites fongiques (Candida, Aspergillus, Histo- plasma) ont également été rapportées, notamment chez des patients immunodéprimés [19–21]. Il existe également des atteintes supraglottiques non infectieuses, d’origine ther- mique, le plus souvent par inhalation [22]. Le profil type des patients est difficile à établir d’après les données de la littérature. Des patients de tous âges peuvent être concernés. Néanmoins, l’âge moyen des patients se situe entre 40 et 50 ans selon les séries, avec le plus souvent, une prédominance masculine (Tableau 1). La présence de com- orbidités associées est fréquemment retrouvée : entre 8 à 82 % des cas [12,17]. Les comorbidités le plus souvent ren- contrées sont un diabète, une hypertension artérielle ou une immunodépression [4,9,11–15,17,23–26]. On note égale- ment une forte prévalence du tabagisme [4,13,15]. Suzuki et al. ont montré, dans la plus grosse étude épidé- miologique (6 072 patients), que l’âge et le sexe masculin étaient des facteurs de risque indépendants de développer une forme grave d’épiglottite [17]. Le surpoids et la présence d’un diabète étaient également associés, dans cette étude, à un plus grand risque d’épiglottite sévère [17]. D’autres études ont également permis de mettre en évidence une association significative entre d’autres comorbidités, comme le diabète, l’hypertension artérielle ou la consommation tabagique et le risque d’intervention sur les VAS [4,9,13,16,24,25]. Diagnostic clinique La présentation clinique chez l’adulte diffère de la forme typique rencontrée chez l’enfant. Les signes inflammatoires sont rarement confinés à l’épiglotte ; ils peuvent en effet volontiers toucher également les autres structures supraglot- tiques et parfois l’oropharynx [27]. Les adultes présentent davantage de symptômes peu spécifiques d’infection des VAS, tels qu’une simple gêne pharyngée [5,9–16,23–31]. Cette dernière est alors souvent associée à une odynophagie et une dysphagie. La fièvre et les signes septiques généraux sont plus rarement rencontrés. La difficulté est donc d’évo- quer le diagnostic devant cette symptomatologie. En effet, un banal tableau de pharyngite peut égarer et/ou retarder le diagnostic. Inversement, un examen pharyngé normal, sou- vent constaté au début de la maladie, ne permet pas d’élimi- ner le diagnostic [15,29]. Les premiers signes d’obstruction des VAS, notamment marqués par une modification de la voix, un stridor ou une dyspnée, surviennent en général chez moins de 50 % des patients [4,9–16,23–31]. L’installation des symptômes, même si elle reste rapide, est souvent moins brutale chez l’adulte que chez l’enfant. La durée moyenne d’évolution des symptômes avant la prise en charge hospitalière est en effet de l’ordre de deux à trois jours [9,11,13,15,16,23–26]. La rapidité d’installation semble être un facteur de risque d’évolution compliquée [12,25]. Investigations complémentaires Fibroscopie souple La fibroscopie souple est l’examen de référence qui permet de confirmer le diagnostic. En effet, elle permet la visualisa- tion directe de l’épiglotte qui présente un œdème et une inflammation, éliminant ainsi les autres diagnostics différen- tiels cliniques (angiœdème, abcès pharyngé isolé, uvulite…) [32]. On observe le plus souvent une atteinte associée des autres structures supraglottiques représentées par les aryté- noïdes, les replis aryépiglottiques et glossoépiglottiques Réanimation (2016) 25:S62-S68 S63 Tableau 1 Principales études rétrospectives sur les épiglottites de l’adulte Auteurs Pays Années n Âge moyen (ans) Sex-ratio Intervention sur les VAS (%) Hospitalisation en réanimation (%) Durée moyenne d’hospitalisation (jours) Mortalité hospitalière (%) Suzuki et al. [17] Japon 2011–2012 6 072 51 1,6 9 – – 0,4 Chroboczek et al. [13] France 1999–2013 34 44 5,8 38 100 12,0 6,0 Ovnat Tamir et al. [15] Israël 1990–2013 288 50 1,2 7 11 3,4 0,3 Bizaki et al. [12] Finlande uploads/Sante/ epiglottites-aigues-severes-de-l-x27-adulte-severe-adult-acute-epiglottitis.pdf

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  • Publié le Sep 09, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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