Correspondance : Florence Fioretti Service d’odontologie conservatrice et endod

Correspondance : Florence Fioretti Service d’odontologie conservatrice et endodontie Faculté de chirurgie dentaire Université de Strasbourg 1, place de l’hôpital 67000 Strasbourg florence.fioretti@chru-strasbourg.fr © 2010 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Médecine des maladies Métaboliques - Ocrobre 2010 - Vol. 4 - N°5 543 Dossier thématique F. Fioretti1, 2, Y. Haïkel1, 2 1 Service d’odontologie conservatrice et endodontie, Faculté de chirurgie dentaire, Université de Strasbourg, Strasbourg. 2 INSERM, Unité 977, Strasbourg. Carie et sucres Caries and sugars Autour du sucre Résumé La carie dentaire est une maladie infectieuse multifactorielle impliquant trois facteurs : l’ingestion de glucides fermentes­ cibles, la présence de bactéries cariogènes et les capacités de défenses de l’hôte, notamment contre l’acidité produite par ces bactéries. La plaque dentaire est le facteur étiologique de la carie et le sucre est un facteur de risque externe. Les acides produits par le métabolisme des sucres par les bactéries cariogènes de la plaque dentaire sont à l’origine de la déminéralisation des tis­ sus calcifiés de la dent. Les sucres contribuent directement au développement de la plaque dentaire cariogène en favorisant la co-agrégation des bactéries. La fréquence est plus déterminante dans le développement de la carie que la nature ou la quantité des sucres ingérés. Mots-clés : Carie – sucre – plaque dentaire – déminéralisation – fluorures. Summary Dental caries is a multifactorial infectious disease which implies three causal factors: fermentiscible carbohydrate ingestion, pre­ sence of cariogenic bacteria and the host defending capabilities, especially against bacteria induced acidity. Dental plaque is the caries’ etiologic factor and sugar is an external factor. Acids produced by sugar metabolism on the effects of dental plaque cariogenic bacteria induced the den­ tal calcified tissue demineralization. Sugars directly contribute to cariogenic dental plaque development in favouring bacteria co-aggregation. The frequency of sugar ingestion is a greater determinant for caries development than type or quantities of consumed sugars. Key-words: Caries – sugars – dental plaque – demineralization – fluorides. Historique La consommation de glucides a progres­ sivement augmenté depuis le Moyen- Âge. Jusqu’au xve siècle, les sucres étaient surtout réservés aux classes pri­ vilégiées et la consommation moyenne par personne était de l’ordre de 1 kg par an. Actuellement, dans les pays indus­ trialisés, la consommation moyenne par personne est de l’ordre de 50 kg par an (63 kg pour les États-Unis et 34 kg pour la France). Historiquement, les sucres ont connu un développement sans pareil : la production totale annuelle de sucre qui était de 8 millions de tonnes en 1900, est passée à plus de 120 millions en 2005. Le sucre, produit à partir de la canne à sucre, a connu le début de son exten­ sion en Europe, après les voyages de Christophe Colomb, alors que l’exploi­ tation du sucre de betterave s’est déve­ loppée au cours du xixe siècle. Dans l’alimentation humaine, les glucides pro­ viennent non seulement des sucres de betterave et de canne, mais également des fruits et des produits amylacés, des céréales, pommes de terre et légumi­ neuses. Tous ces glucides peuvent être métabolisés plus ou moins rapidement par les bactéries cariogènes de la pla­ que dentaire pour couvrir leur besoin en énergie [1]. Processus carieux La carie dentaire est une maladie infec­ tieuse multifactorielle impliquant trois 544 Dossier thématique Autour du sucre Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2010 - Vol. 4 - N°5 facteurs : la présence de bactéries cario­ gènes, l’ingestion de glucides fermen­ tescibles et les capacités de défenses de l’hôte, notamment contre l’acidité produite par ces bactéries. Le temps d’interactions et de contact entre ces trois facteurs est lui aussi crucial. En fait, à chaque prise alimentaire contenant des glucides fermentesci­ bles, des bactéries liées à la surface dentaire au sein d’un bio film qu’est la plaque dentaire (figure 1C), utilisent ces sucres et rejettent des acides. Or, à un pH critique de 5,7, les surfaces minérales dentaires (émail et dentaire) se déminéralisent : perte d’ions phos­ phate et calcium de la trame minérale. Cette baisse brutale de pH à la surface dentaire et la déminéralisation associée ne durent pas. En effet, la salive pro­ tectrice permet une remontée rapide du pH grâce à ses deux systèmes tampons ainsi que la reminéralisation de part sa richesse en ions phosphate et calcium [2]. Quand cet équilibre entre les trois facteurs (glucides de l’alimentation, bactéries cariogènes et salive) est rompu, les déminéralisations persistent et les atteintes tissulaires progressent (figure 1) [3]. Il y a deux conditions majeures de déséquilibre où le système de défense salivaire est dépassé : un manque d’élimination des micro-organismes par le brossage et une importante fréquence des prises alimentaires sucrées. La chute de pH et sa durée sont plus prononcées avec l’augmentation des concentrations en sucre. Cependant, les tests intra-oraux ne montrent pas de différences très importantes entre des solutions contenant 2,5 à 10 % de glucides. Les différentes solutions font chuter le pH pour une plus longue durée. Le pH critique de déminérali­ sation peut être atteint dans la plaque interdentaire, même avec des solutions sucrées de 0,1 à 1 % [4]. Les teneurs en sucre plus élevées que 10 % ne pro­ voquent pas plus de baisse de pH. Métabolisme de la plaque dentaire cariogène Les streptocoques Mutans mutans et sobrinus et les Lactobacillus sont les bactéries les plus cariogènes. Elles pos­ sèdent trois critères de virulence lors du processus carieux. Elles sont acidogè­ nes de par leur métabolisme par fermen­ tation lactique, acidophiles de par leur croissance favorisée en milieu acide, et capable de synthétiser des polymères glucidiques à l’extérieur du corps bac­ térien. L’adhésion bactérienne à la surface dentaire se fait par l’intermédiaire de la pellicule exogène acquise (PEA). Cette pellicule est composée de pro­ téines et glycoprotéines salivaires qui se lient à l’hydroxyapatite de la sur­ face minérale pour la protéger des agressions mécaniques et chimiques. Cependant, différents motifs de ces différentes protéines salivaires humai­ nes sont reconnus spécifiquement par des adhésines bactériennes et vont contribuer à la première phase de la constitution de la plaque dentaire : l’adhésion. Les colonisateurs précoces (streptococcus sanguis godonii, oralis et mitis, actinomyces viscosus) liés à la PEA, interagissent avec de nouvelles bactéries et permettent leur agréga­ tion. L’étape suivante de co-agrégation est saccharose-dépendante. En effet, la maturation et l’épaississement de la plaque par co-agrégation ne peuvent se faire que si suffisamment de saccha­ rose est au contact de celle-ci comme substrat pour constituer des polysac­ charides extra-bactériens offrant des sites de liaison [1, 3, 5]. Ces polysaccharides contribuent à la virulence du bio film pas seulement en facilitant la co-agrégation mais aussi en constituant un gel qui isole la sur­ face dentaire des systèmes tampon de la salive et qui offre des conditions d’anaérobiose (figure 2). De plus, ils contribuent à une synergie entre les différentes espèces par la mise en commun des réserves énergétiques et donc par une possibilité commune de répondre à l’alternance des apports glucidiques (apport massif lors des repas, puis pénurie). Dix pour cent du saccharose arrivant au contact de la plaque dentaire sont utili­ sés pour la synthèse extra-bactérienne de ces polysaccharides. Des transféra­ ses bactériennes secrétées de manière constitutive clivent alors le saccharose pour récupérer un monomère de glu­ cose (glucosyltransférases : GTFs) ou de fructose (fructosyltransferases : Figure 1 : A : Nombreuses lésions carieuses d’une patiente ayant des prises alimentaires fré­ quentes de part son métier ; B : Vue en microscopie optique d’une lésion carieuse touchant l’émail et la dentine sur un coupe histologique (par usure) ; C : Vue au MEB de la plaque dentaire fortement adhérente à la surface dentaire ; D : Vue au MEB d’une surface d’émail déminéralisée sous la plaque. A B C D C A D B 545 Carie et sucres Médecine des maladies Métaboliques - Octobre 2010 - Vol. 4 - N°5 FTSs) et le transférer sur une chaîne polysaccharidiques : dextrane (soluble), mutane (insoluble), levane (soluble). La plupart des souches de streptococcus mutans possèdent trois gènes codant pour des enzymes synthétisant des polymères insolubles (gtfB, gtfC) et solubles (gtfD) (figure 3). Lors des carences glucidiques, le sac­ charose n’est pas utilisé pour cette synthèse de polysaccharides mais il est catalysé par l’α-glucosidase pour libérer rapidement du glucose et du fructose. Parallèlement, la catalyse des poly­ saccharides se fait par des glucanases pour libérer, elle, aussi du glucose [5]. Les oses vont alors être transportés à l’intérieur du corps bactérien pour répon­ dre à leur besoin énergétique, selon deux modes de transport différents dépen­ dant de la quantité de sucres présente. Lorsqu’il y a peu de glucides, le pH de la plaque est neutre car il y a peu de fermentation lactique et la croissance bactérienne est faible. Le système de transport qui fonctionne alors est pas­ sif et ne consomme que du phospho- énol-pyruvate pour phosphoryler et donc transporter l’ose. Quand la quantité de sucres augmente, lors des prises ali­ mentaires, ce système est réprimé et un système de transport actif acidogène se met en place qui permet également à la bactérie de uploads/Sante/ fioretti-2010 2 .pdf

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  • Publié le Sep 20, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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