DOSSIER DSM-5 Charles O’Brien, MD, PhD (responsable du groupe), Marc Auriacombe
DOSSIER DSM-5 Charles O’Brien, MD, PhD (responsable du groupe), Marc Auriacombe, MD, Guilherme Borges, PhD, Katherine Buchholz, PhD, Alan Budney, PhD, Thomas Crowley, MD, Wilson Compton, MD, MPE, Bridget Grant, PhD, Deborah Hasin, PhD, Walter Ling, MD, Nancy Petry, PhD, Marc Schuckit, MD. Encadré. Membres du groupe de travail “Troubles liés aux substances”. 50 | La Lettre du Psychiatre • Vol. X - no 2 - mars-avril 2014 Quels changements pour les addictions dans le DSM-5 ? What changes in the DSM-5 for addictions? C. Gazel*, M. Fatséas*, M. Auriacombe* * Université de Bordeaux ; laboratoire de psychiatrie/SANPSY, CNRS USR 3413, Bordeaux ; pôle d’addictologie, CH Charles-Perrens, Bordeaux et CHU de Bordeaux. Le processus de révision du DSM Le processus de révision du Manuel diagnostique et statistique (DSM) de l’Association américaine de psychiatrie (APA) s’est achevé en mai 2013, avec la commercialisation du DSM-5 par l’APA (www. psychiatryonline.org). Le processus de révision avait débuté, en 1999, par une première phase de revue de la littérature, suivie d’une deuxième phase en 2003, afin de mettre en évidence les points qui devaient être révisés depuis la parution du DSM-IV, en 1994. Les différents groupes de travail (un pour chaque chapitre diagnostique) ont été constitués en 2007 par l’APA, qui a fait appel à un ensemble d’experts internationaux. Ces groupes étaient chargés d’éva luer les données de la littérature et de déterminer quels critères devaient être révisés (1). Leurs propo sitions de critères révisés devaient être étayées par des données publiées dans la littérature ou par des analyses de nouvelles données. Elles étaient ensuite revues par différents comités de relecture interne au processus et aux angles de vue différents : le SRC (Scientific Review Committee) évaluait la validité scientifique, le CPHC (Clinical and Public Health Committee) évaluait les répercussions des change ments dans les domaines de la clinique et de la santé publique. En parallèle, il existait un processus de révision “externe” : les propositions des groupes étant librement accessibles sur Internet (www.dsm5.org), leurs lecteurs pouvaient laisser des commentaires. Toutes les composantes de la société ont ainsi pu s’exprimer : les professionnels (qu’ils soient prati ciens de santé mentale ou chercheurs), mais aussi les patients, leur entourage et les organismes qui les représentent, ainsi que toute personne. Chaque groupe de travail pouvait prendre en compte tous ces commentaires, ce qui permettait un processus de révision transparent et ouvert à la critique. Enfin, un dernier comité de relecture, la task force, procé dait à la synthèse de toutes les critiques internes et externes et émettait une recommandation compo site transmise au conseil d’administration de l’APA qui réalisait la lecture finale et la validation (2, 3). Les membres du groupe de travail “Troubles liés aux substances” (encadré) ont publié un article où ils exposent les changements apportés et les justifica tions de ces changements (4). Addictions : principaux changements Le chapitre du DSM-IV consacré aux “troubles liés aux substances”, dans lequel on trouvait les caté gories diagnostiques d’abus et de dépendance, a été remplacé, dans le DSM-5, par le chapitre “Troubles liés aux substances et aux addictions” (“Substance- related and addictive disorders”). Ce nouveau chapitre regroupe maintenant des troubles de l’usage de subs tances et des addictions sans substance, comme le jeu pathologique (le terme anglais du DSM-IV, pathological gambling, a été remplacé par celui de gambling disorder). Ont également été intro duits le diagnostic de sevrage au cannabis et à la La Lettre du Psychiatre • Vol. X - no 2 - mars-avril 2014 | 51 Points forts » » Le DSM-5 opère une simplification en regroupant les catégories “abus” et “dépendance” en une seule : le “trouble de l’usage de substance”. » » Le craving est introduit comme nouveau critère. » » Le jeu pathologique se voit rattaché aux addictions avec substances. Mots-clés Trouble de l’usage de substance Craving Jeu pathologique Highlights » » The former DSM-IV catego ries “Abuse” and “Depen dence” are now reunited in a single “Substance use disor ders” category. » » Craving is introduced as a new criterion. » » Gambling disorder is now included in the substance use category. Keywords Substance use disorders Craving Gambling disorder caféine, qui n’étaient pas présents dans le DSM-IV. D’autres conduites addictives, comme l’addiction au jeu sur Internet (Internet gaming, par opposition à gambling), sont introduites dans la section 3 des diagnostics à l’étude et nécessitant l’accumulation de données de validité clinique complémentaires avant d’être retenus. Le critère “actes illégaux” a été supprimé pour toutes les catégories diagnostiques du DSM-5 car il est trop dépendant des législations en un lieu et à un moment donné, ce qui n’est pas acceptable pour poser un diagnostic de trouble mental. Suppression du terme “dépendance” et maintien du terme “trouble de l’usage” (use disorder) Le terme “dépendance” a été supprimé du DSM-5, mais il n’a pas été remplacé par le terme “addiction” : c’est “trouble de l’usage de substances” qui a été retenu. Cette sémantique a été âprement discutée. Depuis 1990, le mot “dépendance” était utilisé dans la Classification internationale des maladies (CIM)-10 et le DSM-IV pour définir le comporte ment compulsif, non contrôlé, de recherche d’une substance, indépendamment de l’existence ou pas de manifestations de sevrage ou de tolérance. Cepen dant, C. O’Brien et d’autres auteurs ont attiré l’atten tion sur le fait que ce terme “dépendance” désignait initialement les phénomènes physio logiques adapta tifs de sevrage et de tolérance que l’on retrouve pour toutes les substances qui agissent sur le système nerveux central, que ce soit l’alcool, le tabac, les substances illégales, mais aussi les médicaments, même en l’absence de perte de contrôle de l’usage (5, 6). C’est pour éviter des malentendus, domma geables pour les personnes atteintes de ce trouble, que la proposition a été faite de remplacer le terme “dépendance” par le terme “addiction”. Cependant, finalement, cette proposition n’a pas été retenue, en raison, semble-t-il, de la connotation péjorative qu’il a dans la langue anglaise telle que parlée en Amérique du Nord. En revanche, la suppression du mot “dépendance” a bien été validée. Jeux d’argent et de hasard L’introduction du “trouble lié aux jeux d’argent et de hasard” dans cette catégorie, jusque-là réservée aux substances, démontre un changement dans le concept général de la dépendance, ou troubles de l’usage. Dans le DSM-IV, les “jeux d’argent et de hasard pathologiques” étaient classés dans les “troubles du contrôle des impulsions non classés ailleurs”. Les arguments en faveur de ce changement étaient la similarité des symptômes et de la dysfonction neuro biologique sous-jacente, l’existence de comorbidités communes, une même vulnérabilité génétique et des approches thérapeutiques semblables (7). Le critère “actes illégaux” pour financer le jeu a été retiré. Le seuil a été abaissé à 4 critères (des études ont en effet montré que, lorsque le seuil était à 5 critères, certains individus diagnostiqués “sévères” avec d’autres instruments de mesure considérés comme standard n’étaient pas diagnostiqués). Le groupe de travail a publié un article pour justifier ses choix (8). D’autres travaux ont mis en évidence qu’il sera peut- être possible, ultérieurement, d’utiliser pour les jeux les mêmes critères diagnostiques que pour les subs tances (9). Regroupement des catégories “abus” et “dépendance” en une seule : le “trouble de l’usage de substance” Les critères diagnostiques d’abus et de dépendance ont été regroupés en un seul “trouble de l’usage” en retirant le critère d’abus “problèmes légaux” et en ajoutant un nouveau critère : le craving (défini par un fort désir ou une envie irrépressible d’utiliser la substance). Le seuil pour retenir le diagnostic a été placé à 2 critères nécessaires parmi les 11. Des niveaux de sévérité ont également été introduits : léger (mild) : 2 à 3 critères ; modéré (moderate) : 4 à 5 critères ; sévère (severe) : 6 critères et plus. Pour étayer ces changements, le groupe de travail a d’abord démontré les limites du diagnostic DSM-IV : le fait, en particulier, que le diagnostic d’abus puisse être posé avec un seul critère créait DOSSIER DSM-5 52 | La Lettre du Psychiatre • Vol. X - no 2 - mars-avril 2014 Quels changements pour les addictions dans le DSM-5 ? un problème en termes de validité diagnostique (des personnes recevaient ainsi un diagnostic de trouble mental du fait de la seule existence du critère “problèmes légaux”). De plus, le diagnostic d’abus était souvent considéré, à tort, comme une forme prodromale, ou moins sévère, de la dépendance, ce que les données ne montraient pas. Une autre justification de ce changement était le problème des “orphelins de diagnostics” : des individus sans critère d’abus, mais qui, répondant à 1 ou 2 critères de dépendance, étaient considérés comme “sans trouble”, alors même qu’ils présentaient par ailleurs un niveau de sévérité ou de gravité plus important que des individus répondant à la catégorie diagnos tique d’abus. Différentes analyses factorielles ont montré que “abus” et “dépendance” ne formaient qu’une seule dimension. Des analyses utilisant le modèle de réponse aux items (Item Response Theory [IRT]) ont confirmé la bonne corrélation des critères entre eux. Ce nouvel ensemble de critères apporte uploads/Sante/ gazeletal-2014.pdf
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- Publié le Nov 17, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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