1 Guide pour l’emploi des psychotropes d’usage courant Version 2015 La révision

1 Guide pour l’emploi des psychotropes d’usage courant Version 2015 La révision 2015 a été réalisée par Jean-Michel Aubry1, Patricia Berney2, Marie Besson2 et Logos Curtis3. 1. Service des Spécialités psychiatriques, Département de Santé mentale et de psychiatrie 2. Unité de Psychopharmacologie clinique, Département APSI 3. Service de Psychiatrie générale, Département de Santé mentale et de psychiatrie 2 Collaborateurs de la version 2015 : Sophia Achab Arigo, Service d’Addictologie Jean-Michel Aubry, Service des Spécialités psychiatriques Patricia Berney, Service de Pharmacologie et toxicologie cliniques Marie Besson, Service de Pharmacologie et toxicologie cliniques Logos Curtis, Service de Psychiatrie générale Roseline Ing Lorenzini, Service de Pharmacologie et toxicologie cliniques Markus Kosel, Service des Spécialités psychiatriques Maria Moschella, Service de Psychiatrie générale Nathalie Nanzer, Service de Psychiatrie de l’enfant et l’adolescent Valérie Thomazic, Service de Psychiatrie générale Les premières versions de ce document ont été élaborées par les membres de la Cellule du Médicament du Département de Psychiatrie et d’autres collaborateurs des HUG. Le Prof. Luc Balant a été l’initiateur de ce guide, avec le Dr Effie Balant-Gorgia et le Dr Roland Eiselé. Ont participé aux versions antérieures :Gilles Bertschy, Cristian Damsa, Caroline Fonzo-Christe, Guliana Galli-Carminati, Marianne Gex- Fabry, Bertrand Guignard, Milton Orihuela-Flores, François Girardin, Henriette Hilleret, Riaz Ahmad Khan, Coralie Lazignac, Marco Merlo, Pierre Schulz, Aurora Venturini. Ce Guide pour l’emploi des psychotropes d’usage courant est un support à l’enseignement de la bonne utilisation des médicaments psychotropes dans le Département de Santé Mentale et Psychiatrie des HUG. Les recommandations présentées dans ce guide résultent d’une approche basée sur les données de la médecine fondée sur les preuves ainsi que sur l’expérience et les pratiques des auteurs. Ces recommandations ne sont toutefois pas des guidelines pour la prise en charge globale des grandes entités psychiatriques. Copyright: Cellule du Médicament, Département de Santé Mentale et Psychiatrie. PARTIE I : GENERALITES 1. PRINCIPE DE PRESCRIPTION DES MEDICAMENTS PSYCHOTROPES .... 1 2. SURVEILLANCE PLASMATIQUE ................................................................... 5 3. REDACTION DE L’ORDONNANCE .............................................................. 13 4. PHARMACOVIGILANCE ............................................................................... 19 5. GLOSSAIRE ET EXPLICATIONS .................................................................. 25 3 1. PRINCIPES DE PRESCRIPTION DES MEDICAMENTS PSYCHOTROPES La psychopharmacologie est la pharmacologie des fonctions cérébrales dites supérieures. Il existe une série de concepts et de principes d’évaluation et de décision qu’il faut garder en mémoire lors de la prescription des médicaments psychotropes. Configuration des modes d’action Un médicament psychotrope peut être décrit comme étant un antidépresseur, un antipsychotique ou un anxiolytique. Une autre façon de décrire un médicament psychotrope consiste à énumérer ses modes d’action pharmacologiques: un médicament donné a une configuration de modes d’action, par antagonisme ou agonisme de récepteurs post- ou pré-synaptiques, par antagonisme de transporteurs membranaires ou vésiculaires, etc. Ces modes d’actions s’expriment différemment au niveau des différentes structures anatomiques cérébrales. Cette façon de décrire un médicament mène à utiliser les néologismes de récepteurogramme, transporteurogramme, enzymogramme, métabogramme, par exemple, pour caractériser l’effet d’un médicament selon des techniques récentes. Ainsi, à titre d’exemple, le citalopram est un inhibiteur du transporteur membranaire pré- synaptique de la sérotonine et, en neuro-imagerie fonctionnelle, son activité est observable au niveau de l’amygdale dont il diminue l’activation en réponse à des stimuli d’émotions négatives (photographies de visages). Le tableau ci-dessous présente le «récepteurogramme » ettransporteurogramme de 2 antidépresseurs. amitriptyline sertraline antagonisme NAT +++ (+) antagonisme 5-HTT +++ ++++ antagonisme DAT (+) ++ blocage 5-HT1 ++ (+) blocage 5-HT2 +++ + blocage M1 +++ ++ blocage H1 ++++ (+) blocage α1 +++ ++ blocage α2 ++ + antagonisme D2 (+) (+) NAT : transporteur pré-synaptique de noradrénaline, 5-HTT : transporteur pré- synaptique de sérotonine, DAT : transporteur pré-synaptique de dopamine, D1, D2, D3, D4 : récepteurs dopaminergiques, H1 : récepteurs histaminergiques 1, M1, récepteurs muscariniques 1, α1, α2, β2 : récepteurs adrénergiques. 4 Le tableau ci-dessous donne la même illustration pour 2 antipsychotiques. clozapine halopéridol blocage D1 +++ +++ blocage D2 ++ +++++ blocage D3 ++ ++++ blocage D4 ++++ +++++ blocage H1 ++++ + blocage M1 ++++ + blocage α1 +++ +++ blocage β2 +++ + blocage 5-HT1A ++ + blocage 5-HT2A ++++ +++ antagonisme DAT (+) + Tant que les mécanismes physiopathologiques des troubles psychiatriques ne seront pas clairement établis, il faut rester prudent quant aux extrapolations à partir d’un mode d’action pour justifier de l’efficacité du médicament. En l’absence de données étayées par la médecine fondée sur des preuves (evidence based medicine), ces modes d’action constituent toutefois une base de réflexion. Courbe dose/réponse Il existe une courbe dose/réponse pour chaque action pharmacologique d’un médicament. Par exemple, la clozapine, qui antagonise plus de 20 récepteurs, se trouve donc en théorie à l’origine de 20 courbes dose/réponse. On peut compléter ce modèle en rappelant que les courbes dose/réponse peuvent être différentes selon les organes cibles, en particulier selon leur modification ou fonction. Ainsi, un patient présentant une hypertrophie prostatique sera plus sensible à l’effet anticholinergique sur la miction: courbe dose/réponse déplacée à gauche pour l’effet anticholinergique sur la miction et pas pour d’autres effets anticholinergiques. Aspect temporel de la réponse clinique Les objectifs thérapeutiques en psychopharmacologie portent sur des réponses à court terme, à moyen terme ou à long terme. Il est évidemment plus facile de juger de la qualité d’une réponse en fonction de la posologie ou du choix du médicament lorsqu’il s’agit d’un objectif clinique à court terme. Il est plus complexe d’établir si un traitement de prévention de décompensations psychiatriques est efficace. La durée des traitements lors des essais cliniques contrôlés et randomisés est plus souvent de l’ordre de 6 à 8 semaines que de 1 à 5 ans. Ceci est regrettable, puisque les troubles psychiatriques peuvent persister pendant des années. 5 Multiplicité des objectifs thérapeutiques Un médicament donné peut être efficace sur certains symptômes ou signes d’un trouble psychiatrique, mais pas sur d’autres. L’état de stress post-traumatique, avec des manifestations cliniques de diverses natures, illustre bien cette question: flashbacks, dépression, changement de personnalité et insomnie ne répondent pas tous à un seul médicament. Recommandation pour la pratique L’administration de plusieurs psychotropes à un patient donné ne devrait se faire qu’après évaluation du bien-fondé de chacune des prescriptions, des effets indésirables de chacune d’entre elles et des interactions médicamenteuses pharmacocinétiques. Il existe une importante variabilité interindividuelle des effets favorables (et indésirables) des médicaments psychotropes. Pour analyser a priori ou a posteriori l’origine et les mécanismes de ces différences interindividuelles, il faut prendre en considération les données de la pharmacocinétique et celles de la pharmacodynamique. La surveillance plasmatique permet d’identifier les patients ayant un métabolisme médicamenteux inhabituel (clairance élevée ou basse) ou une mauvaise observance à la prescription. La pharmacodynamique (selon ses deux définitions, à savoir la configuration des modes d’action et la relation entre la dose ou la concentration et l’intensité de l’effet) permet de prévoir dans une certaine mesure l’évolution d’un patient donné en fonction des réserves de ses réponses d’homéostasie (par ex. une personne ayant un déficit mnésique débutant sera plus sensible à tout médicament altérant la mémoire). 6 2. SURVEILLANCE PLASMATIQUE Introduction La surveillance plasmatique désigne la mesure des concentrations de médicaments dans le plasma ou le sérum, afin de déterminer si les valeurs sont dans les marges où s’observent habituellement la meilleure efficacité du traitement et la plus faible incidence d’effets indésirables. Les anglophones parlent de « therapeutic drug monitoring, ou TDM » pour désigner la surveillance plasmatique. Il existe une large variabilité interindividuelle de la clairance des médicaments. La surveillance plasmatique permet d'adapter la posologie en fonction de cette variabilité pharmacocinétique. Elle apporte également quelques informations quant à la pharmacodynamique, dans les cas où l’on peut extrapoler, à partir des observations cliniques, des données sur la courbe dose/réponse ou concentration plasmatique/réponse chez un patient donné. Une meilleure efficacité dans des marges de concentrations plasmatiques données a été démontrée surtout pour les antidépresseurs tricycliques, tels que l’amitriptyline, l’imipramine et la nortriptyline, ainsi que pour le lithium, l'halopéridol et la clozapine. Pour les autres médicaments psychotropes, cette relation est moins claire, et les marges de concentrations plasmatiques indiquées sont à considérer comme les valeurs usuelles les plus souvent mesurées aux posologies habituellement prescrites, sans référence à la qualité de la réponse. Une courbe concentration plasmatique/réponse clinique a été établie sous forme d’une relation curvilinéaire pour la nortriptyline, le total amitriptyline + nortriptyline et le total imipramine + désipramine et d’une meilleure efficacité du lithium lorsque la lithémie dépasse 0,5 mmol/l (=0,5 mEq/l). Les données de la littérature sont cependant parfois discordantes; ces différences tiennent aux populations étudiées, aux horaires de prélèvements sanguins, à la technique de dosage des échantillons, aux critères cliniques d’amélioration, etc. La surveillance plasmatique des antidépresseurs tricycliques, des stabilisateurs de l’humeur et des antipsychotiques est utile; elle est parfois utile pour les autres antidépresseurs, et inutile pour les benzodiazépines en psychiatrie. La mesure du métabolite principal s'impose si celui-ci est pharmacologiquement actif de façon significative, ce qui est notamment le cas pour la fluoxétine, la venlafaxine et la rispéridone. Il existe de nombreux facteurs de variabilité de la concentration plasmatique d’un médicament psychotrope, tels que le sexe, l’ethnie, l’âge, le tabagisme, les comorbidités somatiques et la génétique des uploads/Sante/ guide-des-psychotropes-2015.pdf

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  • Publié le Oct 04, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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