OUVERTURES La revue Prescrire • Février 2018 • Tome 38 N° 412 • Page 135 POLITI
OUVERTURES La revue Prescrire • Février 2018 • Tome 38 N° 412 • Page 135 POLITIQUE DU MÉDICAMENT Pour mieux soigner, des médicaments à écarter : bilan 2018 RÉSUMÉ ● ●Pour aider à choisir des soins de qualité, et évi- ter des dommages disproportionnés pour les patients, nous avons mis à jour début 2018 le bilan des médicaments que Prescrire conseille d’écarter pour mieux soigner. ● ●L’évaluation par Prescrire de la balance bénéfices- risques d’un médicament dans une situation don- née repose sur une procédure rigoureuse : recherche documentaire méthodique et reproductible, déter- mination de critères d’efficacité pertinents pour les patients, hiérarchisation des données selon leur niveau de preuves, comparaison versus traitement de référence, prise en compte des effets indési- rables et de leur part d’inconnues. ● ●Ce bilan porte sur l’ensemble des médicaments analysés par Prescrire entre 2010 et 2017 et munis d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) française ou européenne. Ont été recensés 90 médi- caments (dont 79 commercialisés en France) dont la balance bénéfices-risques est défavorable dans toutes les situations cliniques pour lesquelles ils sont autorisés. ● ●Le plus souvent, quand un traitement médica- menteux apparaît souhaitable, d’autres options ont une meilleure balance bénéfices-risques que ces médicaments à écarter. ● ●En situation d’impasse théra peutique dans une maladie grave, il n’est pas justifié d’exposer les patients à des risques graves, quand l’efficacité clinique n’est pas démontrée. L’utilisation de ces médicaments dans le cadre d’une recherche cli- nique est parfois acceptable, à condition d’infor- mer les patients des inconnues sur la balance bénéfices-risques et des objectifs de l’évaluation. Dans les autres cas, des soins utiles sont à instau- rer pour aider le patient à supporter l’absence d’option capable de changer le pronostic ou amé- liorer sa qualité de vie. Rev Prescrire 2018 ; 38 (412) : 135-144 P our la sixième année consécutive, Prescrire publie un bilan “des médicaments à écarter pour mieux soigner” (1,2). Ce bilan recense des cas documentés de médicaments plus dange- reux qu’utiles, avec pour objectif d’aider à choisir des soins de qualité, de ne pas nuire aux patients et d’éviter des dommages disproportionnés. Il s’agit de médicaments (parfois une forme ou un dosage particulier) à écarter des soins dans toutes les si- tuations cliniques pour lesquelles ils sont autorisés en France ou dans l’Union européenne. Le résultat d’une méthode fiable, rigoureuse et indépendante Sur quelles données repose ce bilan des médica- ments à écarter ? Quelle est notre méthode pour déterminer la balance bénéfices-risques d’un mé- dicament ? Téléchargé sur prescrire.org le 26/01/2018 Copyright(c)Prescrire. Usage personnel exclusivement OUVERTURES Page 136 • La revue Prescrire • Février 2018 • Tome 38 N° 412 Ce bilan porte sur les médicaments dont l’analyse détaillée a été publiée dans Prescrire au cours des années 2010 à 2017 , soit 8 années. Il s’agit d’analyses de nouvelles spécialités pharmaceutiques, de nou- velles indications, de suivis d’évaluation, tant sur les effets indésirables que sur les données d’efficacité, et parfois de réactualisations de données concernant certains effets indésirables d’un médicament. Un des principaux objectifs de Prescrire est d’ap- porter aux soignants, et ainsi aux patients, des in- formations claires, synthétiques, fiables et actuali- sées, indépendantes des conflits d’intérêts commerciaux ou corporatistes, dont ils ont besoin pour leur pratique. L ’organisation de Prescrire répond à ces principes afin de garantir la qualité des informations apportées aux abonnés : une équipe de rédaction issue de divers professions de santé et modes d’exercice, exempte de conflit d’intérêts, s’appuyant sur un vaste réseau de relecteurs (spécialistes très divers, méthodologistes et praticiens représentatifs du lectorat), un processus de rédaction collective (symbolisé par la signature “Prescrire”) avec de multiples contrôles qualité et regards croisés tout au long de la rédaction d’un article (lire “L ’histoire collective du chemin d’un texte Prescrire” sur le site www.prescrire.org). Et un principe inaltérable d’indépendance. Prescrire est financé intégralement par les abonnés. Les firmes, pouvoirs publics, assureurs maladie ou organismes chargés de l’organisation des systèmes de soins n’ont aucune prise financière sur le conte- nu des productions Prescrire. Comparaison aux options de référence. L ’arrivée de nouveaux médicaments, de nouveaux éléments d’évaluation, de nouvelles données sur les effets indésirables remet constamment en ques- tion la balance bénéfices-risques et le choix des options de traitement. Tous les médicaments ne se valent pas. Dans certaines situations, des médicaments sont utiles : ils apportent un progrès théra peutique par rapport à d’autres options. En revanche, d’autres médica- ments sont plus nocifs qu’utiles et sont à écarter de la panoplie théra peutique (3). L ’évaluation des médicaments par Prescrire s’ap- puie sur une recherche documentaire méthodique et reproductible, et un travail collectif d’analyse selon une procédure établie, notamment : – – hiérarchisation des données d’efficacité avec priorité aux données de plus fort niveau de preuves, et d’abord celles issues d’essais comparatifs ran- domisés, en double aveugle, bien conduits ; – – comparaison au traitement de référence (médica- menteux ou non) quand il existe, suite à la détermi- nation précise du meilleur traitement comparateur ; – – détermination des critères d’évaluation clinique les plus pertinents pour les patients, en écartant souvent les critères intermédiaires, tels qu’un ré- sultat biologique, sans preuve d’une efficacité sur la qualité de vie des patients (4,5). Analyse attentive des effets indésirables. L ’analyse des effets indésirables d’un médicament est plus complexe, car ils sont souvent moins étudiés que l’efficacité. Ce décalage est à prendre en compte. Pour constituer le profil d’effets indésirables, l’analyse s’appuie sur les divers signaux apparus au cours des essais cliniques, les parentés pharma- cologiques du médicament et les données de pharmacologie animale. Au moment de l’autorisation de mise sur le mar- ché (AMM), beaucoup d’incertitudes persistent. Certains effets indésirables, rares mais graves, n’ont pas été repérés lors des essais, et le sont parfois seulement après plusieurs années d’utilisation par un grand nombre de patients (3). Données empiriques, expérience person- nelle : évaluation entachée de biais majeurs. L ’évaluation empirique de la balance bénéfices-risques d’un médicament, basée sur l’expérience personnelle, est importante pour imaginer des pistes de recherche, mais elle est entachée de biais majeurs qui rendent ses résultats de très faible niveau de preuves (3,4). Ainsi, certaines évolutions particulières d’une mala- die sont signalées, sans que l’on sache dans quelle mesure le médicament en est la cause, ni quel est le rôle d’autres facteurs : évolution naturelle de la maladie, effet placebo, effet d’un autre traitement pris à l’insu du soignant, modification du mode de vie ou de l’alimentation, etc. Et quand une amélio- ration est observée chez certains patients, l’évaluation empirique ne permet pas de dénombrer les autres patients aggravés par la même intervention (3). Les données expérimentales obtenues chez des patients ayant participé à des essais cliniques, par- ticulièrement à des essais randomisés en double aveugle versus traitement de référence, sont le principal moyen d’écarter un maximum de biais auxquels expose une évaluation ne comportant que l’observation non comparative d’un nombre limité de patients (3,4). Maladies graves en impasse théra peutique : informer sur les conséquences des inter- ventions. En situation d’impasse théra peutique dans une maladie grave, à titre individuel, les patients font des choix divers : du refus de tout traitement, jusqu’à l’essai de tout médicament ayant une faible probabilité de procurer une amélioration passagère, même au risque d’effets indésirables graves. Dans certaines situations dont l’issue fatale est prévisible à relativement court terme, des soignants estiment justifié de tenter des traitements “de la dernière chance”, sans toujours en avertir les pa- tients, ou en leur fournissant une information in- complète, sciemment ou non. Pourtant, les patients en impasse théra peutique ne sont pas des cobayes. Il est très utile que des patients soient inclus dans une recherche clinique, en ayant connaissance des risques, en sachant que les bénéfices espérés sont incertains. Les chercheurs doivent publier les résultats de ces essais afin de faire évoluer les connaissances. Téléchargé sur prescrire.org le 26/01/2018 Copyright(c)Prescrire. Usage personnel exclusivement OUVERTURES La revue Prescrire • Février 2018 • Tome 38 N° 412 • Page 137 Mais le choix pour un patient de ne pas participer à un essai rigoureux ou de refuser un traitement “de la dernière chance”, dont la balance bénéfices-risques est mal cernée, doit lui être présenté comme une véritable option. Pas comme un abandon. L ’accom- pagnement, l’attention portée aux patients, les soins sym ptomatiques, font partie des soins utiles, même s’ils ne visent pas la guérison ou le ralentissement de l’évolution d’une maladie. Contrairement aux médicaments testés dans des essais cliniques pour lesquels l’incertitude est grande, les médicaments utilisés dans le cadre des soins doivent avoir une balance bénéfices-risques raisonnable. Il est de l’intérêt collectif que l’AMM soit octroyée sur la base d’une efficacité démontrée par rapport au traitement de référence et d’un pro- fil d’effets indésirables acceptable au vu de la situa- tion, car une fois l’AMM accordée, en général, l’évaluation de l’efficacité d’un médicament ne progresse plus, ou très peu (3). 90 médicaments autorisés plus dangereux qu’utiles Début 2018, sur la base des médicaments analysés par Prescrire entre 2010 uploads/Sante/ la-liste-de-90-medicaments-quot-plus-dangereux-qu-x27-utiles-quot.pdf
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- Publié le Oct 24, 2022
- Catégorie Health / Santé
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