Cardiopathie ischémique du diabétique M Rodier Résumé. – La cardiopathie ischém

Cardiopathie ischémique du diabétique M Rodier Résumé. – La cardiopathie ischémique est une cause majeure de morbidité et de mortalité parmi les patients diabétiques. Par rapport aux non-diabétiques ayant une maladie coronaire, les diabétiques ont plus de lésions extensives et plus d’épisodes silencieux d’ischémie. Les diabétiques ont ainsi une maladie coronaire plus évolutive et une survie moins bonne que les non-diabétiques coronariens. Si le traitement des diabétiques peut sembler similaire à celui des non-diabétiques, quelques résultats spécifiques sont malgré tout à reconsidérer dans la population des diabétiques comme la place de la revascularisation coronaire et le traitement des facteurs de risques associés, en particulier la dyslipidémie. © 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : cardiopathie ischémique, diabète, diagnostic, traitement. Introduction La présence d’un diabète constitue un risque majeur de morbidité et de mortalité cardiovasculaires. L’accumulation des facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier chez le diabétique de type 2, explique en partie cette forte association. La maladie coronaire est non seulement plus fréquente chez le diabétique, mais aussi plus insidieuse et plus sévère. Il est donc indispensable d’en identifier les différents facteurs et marqueurs de risque vasculaire de façon à la dépister largement. D’autre part, la place de la revascularisation et le traitement des différents facteurs de risque chez le diabétique méritent d’être précisés, même si le traitement de la cardiopathie ischémique n’est pas fondamentalement différent, qu’il y ait ou pas diabète. Épidémiologie Même si l’essentiel des données concerne le seul diabète de type 2 (ex-diabète non insulinodépendant [DNID]), tous les travaux épidémiologiques sont unanimes, la maladie coronaire est beaucoup plus fréquente en cas de diabète. Dans ce diabète, comparativement à des sujets non diabétiques de même âge, le risque relatif de décès par cardiopathie ischémique est deux fois plus élevé chez l’homme et quatre fois chez la femme [63]. Plus globalement, chez le diabétique, la mortalité annuelle est multipliée par deux, la moitié au moins des décès sont de cause coronaire et la durée de vie moyenne est amputée de 5 à 10 ans [63]. Aux États-Unis, la prévalence des événements cardiovasculaires fatals et non fatals chez l’adulte diabétique de type 2 s’élève à plus de 20 % après 65 ans [63]. Dans l’étude de Framingham, après 20 ans de suivi, le nombre d’infarctus silencieux ou paucisymptomatiques et celui des mort subites sont multipliés par trois chez le Michel Rodier : Praticien hospitalier, service des maladies métaboliques et endocriniennes, centre hospitalier universitaire de Nîmes, hôpital Caremeau, rue du Professeur-Debré, 30900 Nîmes cedex 4, France. diabétique [46]. Dans l’étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la prévalence de la cardiopathie ischémique atteint 35 % chez l’homme diabétique et plus encore chez la femme, et le diabète augmente d’autant plus la fréquence de la cardiopathie ischémique que le risque cardiovasculaire de la population est faible [63]. Le sujet diabétique se complique, plus jeune, d’une cardiopathie ischémique plus sévère, a un moins bon pronostic après infarctus du myocarde – mortalité augmentée deux à trois fois par rapport aux sujets non diabétiques – et présente plus souvent une insuffisance cardiaque congestive [63]. Dans une étude récente, le risque d’infarctus à 7 ans de patients non diabétiques ayant déjà fait un infarctus apparaît équivalent à celui de patients diabétiques sans infarctus préalable [32]. Plus inquiétant encore, la diminution de la mortalité cardiovasculaire observée au cours de ces dernières années aux États-Unis est nettement moins importante chez les diabétiques [30]. Dans le diabète de type 1 (DID), l’incidence de décès par cardiopathie ischémique entre 30 et 55 ans est, dans l’étude prospective de la Joslin Clinic, de 35 % quel que soit le sexe, alors qu’elle est de 8 et de 4 % respectivement chez l’homme et la femme non diabétiques [52]. FACTEURS DE RISQUE DE LA CARDIOPATHIE ISCHÉMIQUE DU DIABÉTIQUE Ces facteurs de risque diffèrent selon le type du diabète. Dans le diabète de type 2, les facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels sont habituellement présents et la maladie coronaire existe souvent dès le diagnostic de diabète quand elle ne le précède pas. À l’inverse, dans le diabète de type 1, ces facteurs de risque cardiovasculaire sont en règle absents et l’élément prédictif majeur de survenue d’une cardiopathie ischémique est la durée du diabète. FACTEURS DE RISQUE VASCULAIRE CLASSIQUES Les facteurs de risque cardiovasculaire identifiés dans la population générale sont aussi, pour la plupart, déterminants en cas de diabète, notamment de type 2. Ainsi, l’âge est un important facteur de risque de cardiopathie ischémique chez le diabétique comme chez le non-diabétique, la cardiopathie ischémique survenant dès la quarantaine en cas de diabète de type 1 et après 50 ans dans celui de type 2 [63]. Encyclopédie Médico-Chirurgicale 11-030-R-30 11-030-R-30 Toute référence à cet article doit porter la mention : Rodier M. Cardiopathie ischémique du diabétique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-030-R-30, 2001, 10 p. Les anomalies du bilan lipidique communément observées dans le diabète, de type 2 surtout, sont l’hypertriglycéridémie et la baisse du cholestérol high density lipoprotein (HDL) [53]. Ces perturbations s’accompagnent d’un excès de particules low density lipoprotein (LDL) petites et denses dont le potentiel athérogène est bien établi. De plus, l’hyperglycémie favorise la glycation et l’oxydation des lipoprotéines, LDL en particulier, et accroît ainsi leur athérogénicité. Dans le diabète, l’hypertriglycéridémie apparaît comme un facteur de risque vasculaire indépendant, la concentration du cholestérol HDL est inversement corrélée avec le risque de cardiopathie ischémique et le risque lié au cholestérol total n’apparaît pas supérieur à celui observé dans la population générale [53]. L’hypertension artérielle (HTA), dont la prévalence est particulièrement élevée dans le diabète de type 2, constitue un facteur de risque d’autant plus sévère que la pression systolique est élevée [53]. Le tabagisme constitue aussi un facteur de risque majeur de mortalité cardiovasculaire chez le diabétique [77]. L’obésité, plus fréquente dans le diabète de type 2 que dans la population générale, favorise les dyslipidémies, l’HTA et l’hyperinsulinisme, mais son rôle comme facteur de risque indépendant de la cardiopathie ischémique n’est pas établi. Plusieurs études prospectives chez le diabétique ont cependant montré qu’une répartition androïde des graisses constituait un caractère prédictif de survenue d’une cardiopathie ischémique [53]. La sédentarité, fréquente dans ce contexte, est reconnue comme un facteur de risque de mortalité cardiovasculaire prématurée [53]. En revanche, l’excès de risque cardiovasculaire observé chez l’homme dans la population non diabétique disparaît en cas de diabète. La présence d’un diabète supprime en effet la protection cardiovasculaire dont bénéficie la femme avant la ménopause [63]. FACTEURS DE RISQUE VASCULAIRE LIÉS AU DIABÈTE Comme l’excès de risque de cardiopathie ischémique observé au cours du diabète ne peut être exclusivement attribué à ces seuls facteurs de risque, le diabète lui-même ou ses conséquences y participent donc probablement. Comme l’a montré l’étude MRFIT, le diabète est non seulement un facteur de risque indépendant de cardiopathie ischémique, mais il potentialise les facteurs de risque cardiovasculaire associés (fig 1) [77]. Dans le diabète de type 2, l’excès de risque de cardiopathie ischémique existe non seulement dès le diagnostic de diabète ou celui d’intolérance au glucose, mais aussi chez les apparentés normoglycémiques du premier degré de sujets DNID [53]. Ce surrisque est attribué à la présence d’un ensemble d’éléments cliniques et biologiques (obésité abdominale, hyperinsulinisme, hypertriglycéridémie, cholestérol HDL abaissé, chiffres tensionnels élevés, augmentation de l’inhibiteur du plasminogène...) regroupés sous le vocable de « syndrome X métabolique » au sein duquel l’insulinorésistance jouerait un rôle cardinal [53]. L’hyperglycémie chronique constitue, même si cela a été longtemps contesté, un facteur de risque indépendant de la maladie coronaire. Dans le diabète de type 2, le risque de décès cardiovasculaire est d’autant plus élevé que le déséquilibre glycémique est important [53]. Il n’a cependant pas pu être mis en évidence de valeur-seuil et l’association entre maladie coronaire et glycémie apparaît beaucoup moins forte que celle observée avec les facteurs de risque vasculaire conventionnels [29]. Les anomalies de la fonction endothéliale et les troubles de l’hémostase sont fréquemment associés au diabète et à l’insulinorésistance. Il existe, entre autres, un excès d’activité prothrombotique (hyperagrégation plaquettaire, élévation du fibrinogène et du facteur von Willebrand...) et un défaut de fibrinolyse (augmentation du PAI-1). Cependant, la responsabilité des troubles de l’hémostase dans la survenue de la maladie coronaire n’est formellement établie que chez le non-diabétique [53]. MARQUEURS DE RISQUE VASCULAIRE CHEZ LE DIABÉTIQUE ¶ Néphropathie protéinurique Elle augmente considérablement le risque de décès par cardiopathie ischémique dans le diabète [80] et la microalbuminurie (excrétion d’albumine comprise entre 30 et 300 mg/L) constitue un puissant indicateur de risque de morbimortalité cardiovasculaire dans le diabète de type 2 [20]. ¶ Médiacalcose Elle serait prédictive d’un risque cardiovasculaire supérieur et d’une survie plus courte chez le diabétique de type 2, comme d’ailleurs toute localisation extracardiaque de macroangiopathie [53]. ¶ Neuropathie autonome cardiovasculaire (NAC) Elle constitue un autre marqueur de mauvais pronostic cardiovasculaire [93]. La NAC participerait au caractère asymptomatique de la maladie coronaire du diabétique (ischémie myocardique silencieuse) et l’allongement du segment QT, fréquemment associé, favoriserait le décès par troubles du uploads/Sante/ cardiopathie-ischemique-du-diabetique.pdf

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  • Publié le Fev 03, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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