Hypoglycémies organiques J Bertherat L e diagnostic d’hypoglycémie est souvent

Hypoglycémies organiques J Bertherat L e diagnostic d’hypoglycémie est souvent évoqué. Sa confirmation suppose un dosage de glycémie en laboratoire. La mesure par bandelette réactive de la glycémie capillaire manque en effet de précision pour assurer le diagnostic. L’insulinome est rare et le retard de diagnostic fréquent. Il doit être évoqué par l’interrogatoire devant la survenue brusque de symptômes de neuroglycopénie, à jeun ou à l’effort. Le diagnostic sera confirmé par la mise en évidence d’un hyperinsulinisme inapproprié à l’hypoglycémie, soit spontanément, soit lors d’une épreuve de jeûne codifiée. L’enquête topographique, à l’aide de l’imagerie, ne doit être entreprise qu’après la démonstration d’une hypoglycémie par hyperinsulinisme endogène. © Elsevier, Paris. I Introduction Les hypoglycémies sont responsables d’une symptomatologie polymorphe et variable, et la suspicion d’hypoglycémie est une préoccupation fréquente en consultation. De plus, les causes d’hypoglycémie organique sont multiples et diverses. Cependant, en dehors des hypoglycémies médicamenteuses (en particulier les traitements hypoglycémiants du diabète sucré), le diagnostic d’hypoglycémie organique n’est que rarement confirmé. Le diagnostic de « malaise hypoglycé- mique » est, en pratique, souvent porté par excès chez des patients présentant des symptômes variables et souvent mal définis, dont l’origine hypoglycémique n’a pas été prouvée. Il est donc essentiel de suivre une démarche diagnostique rigoureuse avant de retenir le diagnostic d’hypoglycémie, puis d’en rechercher l’étiologie. Nous nous intéresserons aux hypoglycémies organiques de l’adulte, à l’exclusion des causes médicamenteuses. I Diagnostic ‚ Sur quels éléments rechercher une hypoglycémie ? Anamnèse C’est une étape fondamentale pour le diagnostic d’hypoglycémie (fig 1). L’hypoglycémie est un syndrome clinique au cours duquel la baisse de la glycémie conduit à une neuroglycopénie. Le clinicien se doit donc de rechercher et d’analyser soigneusement les symptômes secondaires à cette neuroglycopénie pour approcher le diagnostic d’hypoglycémie. L’interrogatoire du patient, éventuellement complété à l’aide de l’entourage, sera donc la première étape capitale du diagnostic [4]. La symptomatologie devra soigneusement être précisée. Les symptômes d’hypoglycémie peuvent être liés, d’une part à la réponse du système nerveux autonome, d’autre part à la souffrance du système nerveux central due à la neuroglycopénie. Analyse des symptômes Les symptômes neurovégétatifs surviennent, en général, pour des glycémies inférieures à 0,6 g/L (3,3 mmol/L) et les signes de neuroglycopénie pour des glycémies inférieures à 0,5 g/L (2,75 mmol/L). Cependant, le seuil glycémique d’apparition des symptômes et la symptomatologie sont très variables d’un patient à l’autre. En revanche, chez un patient donné, ils sont assez reproductibles d’un malaise à l’autre. Les principaux signes neurovégétatifs sont : sueurs, tremblements, tachycardie, anxiété, nausées, fringale. Ceux de neuroglycopénie sont : asthénie (peu spécifique), difficultés de concentration, troubles visuels, céphalées, difficultés de langage, troubles psychiatriques, syndrome confusionnel, déficit Suspicion clinique d'hypoglycémie Traitement hypoglycémiant ? Pathologie générale hypoglycémiante ? Oui Non Traitement Absence d'hypoglycémie Insulinémie inadaptée (> 5 µU/mL) Peptide C effondré Insuline exogène (Insulinémie souvent très élevée) Démontrer l'hypoglycémie - Glycémie lors d'un malaise - Glycémie à jeun systématique - Sinon : épreuve de jeûne Hypoglycémie Insulinémie adaptée (<5 µU/mL) Peptide C non effondré Insulinome (Sulfamides) Échoendoscopie TDM (+ hypoglycémie lors d'un malaise ou prélèvement à jeun) 1 Démarche diagnostique d’une hypoglycémie organique. TDM : tomodensitométrie. 1 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine 3-0885 © Elsevier, Paris 3-0885 neurologique, crise comitiale, au maximum coma (avec sueurs, contractures, parfois signe de Babinski bilatéral). L’élément essentiel orientant le clinicien vers une hypoglycémie organique est la présence de signes neuroglycopéniques survenant épisodiquement. Leur existence, en particulier des troubles neurologiques ou psychiatriques, doit inciter à poursuivre les investigations. À l’inverse, lorsqu’un interrogatoire bien conduit ne met en évidence que des signes neurovégétatifs, sans aucun signe de neuroglycopénie, le diagnostic d’hypoglycémie est peu probable. La note confusionnelle parfois observée lors d’une hypoglycémie organique rend souvent la description de ses symptômes par le patient peu précise. Tout doit alors être fait pour compléter l’anamnèse par l’interrogatoire de l’entourage. Autres arguments cliniques pour une hypoglycémie organique ¶ Horaires Des malaises survenant le matin à jeun ou dans la journée à distance des repas sont évocateurs d’hypoglycémie organique. Une distinction a longtemps été faite entre les hypoglycémies survenant à jeun et les hypoglycémies postpran- diales. Une cause organique est suspectée aux premières, alors que les secondes sont souvent rapportées à des troubles fonctionnels. En réalité, les symptômes postprandiaux surviendraient fréquemment en l’absence de réelle hypoglycémie. Le diagnostic d’« hypoglycémie fonctionnelle », porté fréquemment, sans qu’aucune hypoglycémie ait pu être documentée sur un prélèvement sanguin, chez des patients présentant des symptômes 2 à 5 heures après un repas, est actuellement très controversé. En dehors de situations très particulières, comme les sujets gastrectomisés, ces malaises postprandiaux ne seraient contemporains d’une baisse glycémique modérée mais significative que dans 5 % des cas [6]. À l’inverse, les malaises survenant chez certains patients présentant des hypoglycémies organiques (par exemple, certains cas d’insulinome ou de rares cas d’hypoglycémie de l’adulte d’origine génétique) peuvent avoir un horaire postprandial [7]. Signalons deux causes génétiques d’hypoglycémie de l’adulte récemment identifiées et pouvant entraîner des malaises postprandiaux : la mutation inactivatrice de la proconvertase 1 (PC1) et la mutation activatrice de la glucokinase. ¶ Lien avec l’effort physique L’aggravation ou l’apparition des symptômes à l’effort physique est un bon argument d’hypogly- cémie organique. ¶ Régression rapide des symptômes après ingestion de sucre C’est un argument majeur pour rattacher les symptômes à une hypoglycémie. ¶ Prise de poids Elle est souvent observée dans certaines étiologies d’hypoglycémie comme l’insulinome. ¶ Aggravation dans le temps des épisodes Cette aggravation en fréquence et en intensité (en particulier pour les signes neurologiques) est un argument pour une hypoglycémie organique. ‚ Comment retenir le diagnostic d’hypoglycémie ? Les symptômes d’hypoglycémie étant non spécifiques, il est important de confirmer biologiquement l’hypoglycémie avant d’en retenir le diagnostic. Le diagnostic d’hypoglycémie organique doit remplir les critères de la caractéristique triade de Whipple (glycémie inférieure à 0,50 g/L, contemporaine de symptômes d’hypoglycémie cédant après correction de l’hypoglycémie). Lors de la première consultation, le clinicien dispose cependant très rarement de ces trois éléments. Lamesuredelaglycémiecapillaireaudoigtn’est pas fiable pour le diagnostic d’hypoglycémie organique, en dehors de la prise en charge du diabétique traité. La mesure de la glycémie capillaire risque souvent de sous-estimer la glycémie et de conduire au diagnostic par excès. Une glycémie réalisée au laboratoire sur un prélèvement effectué lors d’un malaise serait la meilleure façon de confirmer le diagnostic. Le plus souvent, ce prélèvement n’a pas pu être effectué lors d’un malaise spontané. La mesure systématique de la glycémie à jeun sera réalisée en première intention, mais cet examen simple sera souvent non concluant, car le prélèvement est habituellement effectué en dehors d’un épisode d’hypoglycémie. Il est alors évident qu’une glycémie normale ne permet pas d’écarter le diagnostic. À l’inverse, une glycémie normale lors d’un malaise spontané permet évidemment d’écarter le diagnostic. L’existence d’une histoire clinique évocatrice de malaises hypoglycémiques, en particulier lorsqu’il existe des signes de neuroglycopénie, doit inciter le clinicien à poursuivre les explorations pour confirmer l’hypoglycémie. L’épreuve de jeûne est alors l’exploration de référence pour prouver une hypoglycémie. Il est évident que sa prescription doit être faite lorsque le clinicien estime que la symptomatologie est bien compatible avec le diagnostic d’hypoglycémie organique, après une évaluation complète des données cliniques détaillées auparavant. L’épreuve de jeûne a surtout pour but de rechercher une hypoglycémie survenant dans le cadre d’un insulinome. Avant de réaliser une épreuve de jeûne, il conviendra donc de rechercher, par la clinique et éventuellement quelques examens complémentaires simples dictés par la clinique, certaines étiologies d’hypoglycémie. Ces dernières sont en général facilement mises en évidence, à la différence de l’insulinome. ‚ Étiologie des hypoglycémies organiques Souvent, la présentation clinique, l’analyse du terrain et des traitements pris par le patient, permettent d’emblée une orientation étiologique, guidant ainsi les explorations. Le problème est parfois simplement résolu chez des patients polymédicamentés et souffrant de pathologies multiples et/ou sévères guidant facilement le diagnostic étiologique. Une étude a mis en évidence une hypoglycémie chez 1,2 % des sujets hospitalisés tout venant [2]. Ceci s’explique le plus souvent par la coexistence de plusieurs pathologies sévères et/ou de thérapeutiques pouvant chacune entraîner une hypoglycémie. Les médicaments responsables d’hypoglycémie ne sont pas traités dans ce chapitre. À l’inverse, le clinicien peut se trouver, à l’issue de la première consultation, face à un patient ne présentant aucune étiologie évidente d’hypogly- cémie. En l’absence d’éléments d’orientation, un certain nombre de causes, en particulier endocriniennes, doivent être discutées et recherchées avant de poursuivre les explorations et éventuellement de proposer une épreuve de jeûne, si l’hypoglycémie n’a pas à ce stade pu être prouvée. Causes d’hypoglycémie organique en dehors de l’insulinome ¶ Pathologies générales sévères Ces nombreuses pathologies sont, en général, déjà clairement diagnostiquées, souvent chez des patients déjà hospitalisés au moment où l’hypoglycémie survient, et sont donc facilement identifiées : insuffisance hépatocellulaire sévère, insuffisance rénale sévère, état infectieux sévère ou état de choc, cachexie, anorexie, intoxication (alcool), insuffisance cardiaque congestive... ¶ Insuffisance surrénalienne primaire ou secondaire Elle doit être écartée par la réalisation d’un test au Synacthènet Immédiat, avant réalisation d’une épreuve de jeûne. Rappelons à cette occasion qu’il faudra se méfier d’une hypoglycémie lors de l’arrêt d’une uploads/Sante/ hyoglycemiesf.pdf

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  • Publié le Mar 18, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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