ARTICLE IN PRESS G Model REVMED-5957; No. of Pages 4 La Revue de médecine inter
ARTICLE IN PRESS G Model REVMED-5957; No. of Pages 4 La Revue de médecine interne xxx (xxxx) xxx–xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Éditorial Hypovitaminose D : épidémie ou problème de seuil ? Hypovitaminosis D: Epidemic or threshold problem? T. Hanslik a,∗,b, B. Bourrion b,c a Service de médecine interne, hôpital Ambroise-Paré, Assistance publique–Hôpitaux de Paris, 92100 Boulogne-Billancourt, France b UFR Simone Veil - Santé, université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 78180 Montigny-le-Bretonneux, France c Département de médecine générale, UFR des sciences de la santé Simone Veil, université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Montigny-le-Bretonneux, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Vitamine D Keywords: Vitamin D La vitamine D est considérée comme une véritable hormone et est essentielle au maintien de l’homéostasie phospho-calcique dans l’organisme. Au début des années 2000, une augmentation très importante du nombre d’actes de dosage de cette vitamine a été rapportée (multiplié par 10 entre 2005 et 2009) [1] et cer- tainement en concomitance, des ventes de supplémentations en vitamine D, générant des dépenses de plusieurs millions d’euros en France. Pourtant les valeurs normales attendues, les seuils et les techniques de dosage ne semblent pas consensuels et les preuves scientifiques ne soutiennent pas ces comportements. On peut donc s’interroger sur la pertinence de ces dosages. 1. Petit rappel sur l’origine et le métabolisme de la vitamine D Il existe plusieurs formes de vitamine D (calciférol), notamment la vitamine D2 (ergocalciférol) synthétisée par les végétaux et la vitamine D3 (cholécalciférol) produite par les animaux. Liposo- lubles, elles peuvent être apportée chez l’homme sous trois modes : synthèse par la peau essentiellement, stimulée par les rayons ultra- violets (D3), alimentation (D2 et D3) et supplémentation (D2 et ∗Auteur correspondant. Adresse e-mail : thomas.hanslik@aphp.fr (T. Hanslik). D3). Seules quelques sources alimentaires contiennent des quan- tités importantes de vitamines D [1] (Tableau 1). De plus en plus d’aliments sont par ailleurs enrichis en vitamine D. Pour atteindre sa forme active, la vitamine D subit une première hydroxylation réalisée au niveau du foie, pour donner la 25- hydroxy-vitamineD (25(OH)D), puis une seconde hydroxylation, régulée au niveau rénal par la parathormone (PTH), pour donner la forme active dans l’organisme, la 1,25-dihydroxy-vitamine D ou calcitriol (1,25(OH)2D). C’est la mesure de la 25(OH)D qui permet d’estimer le stock de vitamine D dans l’organisme [2,3]. 2. Problématique du dosage de la vitamine D 2.1. Aucune technique de référence pour le dosage de la vitamine D Il n’existe actuellement aucune technique de référence pour le dosage de la vitamine D. L’établissement du statut vitaminique D des patients dépend du laboratoire où il est réalisé. Différentes méthodes peuvent être utilisées et présentent des sensibilités et spécificités variables. Il a été montré qu’il existait une variabilité des résultats (10 à 20 % entre les méthodes de dosages et entre les laboratoires) et des classements du statut carencé ou non des individus en fonction de la méthode (4 % à 32 %) [4,5]. https://doi.org/10.1016/j.revmed.2020.10.002 0248-8663/© 2020 Publi´ e par Elsevier Masson SAS au nom de Soci´ et´ e Nationale Franc ¸ aise de M´ edecine Interne (SNFMI). Pour citer cet article : Hanslik T, Bourrion B, Hypovitaminose D : épidémie ou problème de seuil ? Rev Med Interne, https://doi.org/10.1016/j.revmed.2020.10.002 ARTICLE IN PRESS G Model REVMED-5957; No. of Pages 4 T. Hanslik, B. Bourrion La Revue de médecine interne xxx (xxxx) xxx–xxx Tableau 1 Sources alimentaires de vitamine D [1]. Produits g/100 g a Huile de foie de morue 200 Saumon, hareng, anchois, pilchard 12–20 Sardine, truite arc-en-ciel, maquereau, margarine 8–12 Anguille, thon, huître, caviar, jaune d’œuf 3–8 Truite des rivières, limande, œufs de lompe 1,5–3 Rouget, foies de génisse et d’agneau, beurre, jambon, lard, pâté, champignons 0,6–1,5 a 1 g = 40 UI. Il est par ailleurs important de noter que le dosage doit inclure les deux formes 25(OH)D2 et 25(OH)D3, sous peine de sous-estimer les résultats [1]. 2.2. Méthodologie de la définition du seuil Le concept de base d’un seuil repose sur une réalité biologique selon laquelle le besoin en nutriment, d’un individu à l’autre dans une population, varie selon une distribution normale. Sur la base d’un échantillon de 5000 personnes, l’Institute of Medicine (IOM) de l’académie nationale des sciences aux États-Unis a défini plusieurs seuils [6] : • « Estimated Average Requirement » (que nous traduisons comme le « besoin moyen ») : il représente l’apport moyen en vitamine D permettant d’obtenir un taux sérique de 25(OH)D de 16 ng/mL. Cet apport est évalué à 400 unités internationales (UI) par jour pour les personnes de 1 à 70 ans et à 600 UI par jour pour les personnes de plus de 70 ans. • « Recommended Dietery Allowances (RDA) » (« l’apport toléré ») : il permet d’obtenir un taux sérique de 25(OH)D de 20 ng/mL, en dessous duquel on retrouve 97,5 % des individus d’une popula- tion. Il correspond à un apport moyen est de 600 UI pour les personnes de 1 à 70 ans et 800 UI par jour pour les personnes de plus de 70 ans. • « Upper Level » (« l’apport maximal tolérable ») : apport au-delà duquel il existe des risques de toxicité, correspondant à un taux sérique de 25(OH)D de 50 ng/mL. Il correspond à un apport moyen de 4000 UI par jour. Il semble que « l’apport toléré » soit considéré aujourd’hui comme la « normale », incitant patients et médecins à obte- nir un taux de 25(OH)D supérieur à 20 ng/mL. Il existerait donc aujourd’hui une surestimation de la prévalence des individus carencés en vitamine D, amenant à une surestimation des besoins d’un individu [7]. C’est ainsi que la très grande majorité des patients se voyant doser la vitamine D se retrouvent faussement « caren- cés » et qu’a été créée artificiellement une véritable « épidémie d’hypovitaminose D » ! 2.3. Propositions de classification du niveau de vitamine D Il n’existe pas de seuil consensuel sur la valeur circulante opti- male de la 25(OH)D. Suite à la « recommandation d’une majorité d’experts », le Groupe de recherche et d’information sur les ostéo- poroses (GRIO) et l’académie nationale de médecine ont proposé chacun leur classification [1] (Tableau 2). Ainsi, les recommandations du GRIO et de l’académie nationale de médecine pourraient avoir conduit à la proposition de seuils erronés, potentiellement trop élevés ? Soulignons qu’il en a été de même dans d’autres pays. Aux États-Unis, l’IOM a souligné différents points de désaccord vis-à- vis des recommandations de la société américaine d’endocrinologie Tableau 2 Valeurs de référence de la vitamine D proposées par le groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO) et par l’académie nationale de médecine [1]. Définitions GRIO (2011) nmol/L ; ng/L Académie nationale de médecine (2012) nmol/L ; ng/L Carence < 25 ; < 10 < 30 ; < 12 Insuffisance 25–75 ; 10–30 Taux recommandés 75–175 ; 30–70 75–80 ; 30–32 Toxicités 375 ; 150 250 ; 100 qui aurait fixé des seuils trop élevés [8,9]. Il a notamment précisé que, pour les patients à risque de maladie osseuse, le seuil du RDA (20 ng/mL) était approprié. Ce qui ne signifie pas, pour autant, que tous les individus avec un taux de vitamine D inférieur à 20 ng/mL doivent être considérés comme carencés ! 3. Place du dosage de la vitamine D en population générale En 2013, alors qu’on assistait à une augmentation continue du nombre de dosage sanguins de la vitamine D, la Haute Autorité de Santé (HAS) publiait un rapport concluant que le dosage de vita- mine D dans le sang n’apportait pas de renseignements utiles pour les professionnels de santé [HAS]. Aujourd’hui, les six situations cli- niques pour lesquelles le dosage de la vitamine D est préconisé et pris en charge par l’Assurance Maladie sont les suivantes [10] : • lors d’une démarche diagnostique visant à confirmer ou infirmer un rachitisme (suspicion de rachitisme) ; • lors d’une démarche diagnostique visant à confirmer ou infirmer une ostéomalacie (suspicion d’ostéomalacie) ; • au cours d’un suivi ambulatoire de l’adulte transplanté rénal au- delà de trois mois après transplantation ; • avant et après une chirurgie bariatrique ; • lors de l’évaluation et de la prise en charge des personnes âgées sujettes aux chutes répétées ; • pour respecter les résumés des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments préconisant la réalisation du dosage de vita- mine D. Il est intéressant de reprendre les données notamment du cin- quième point concernant les chutes et les fractures des personnes âgées. Bien que l’idée puisse paraître étonnante, il a été fréquem- ment évoqué dans la littérature un lien entre la vitamine D et le risque de chutes. De nombreuses publications ont souligné l’augmentation du risque de chute associé aux carences en vita- mine D, amenant plusieurs instances à doser la vitamine D puis à en prescrire, dans l’espoir de réduire la fréquence des fractures consécutives à une chute chez les personnes âgées. Une récente méta-analyse américaine (5 études, n = 3529) comparant la prise uploads/Sante/ hypovitaminose-d-epidemie-ou-probleme-de-seuil-nov-2020-pdf.pdf
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- Publié le Mai 10, 2021
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