LATA Introduction La vertu est un équilibre entre deux vices opposés. Jusqu’à p
LATA Introduction La vertu est un équilibre entre deux vices opposés. Jusqu’à présent, nous avons examiné de nombreux excès par défaut de soin en fin de vie. Pourtant, l’excès consistant à maintenir la vie « malgré elle » doit également être évité. Il faut donc que les soins médicaux sachent se limiter voire cesser dans certaines situations pour le bien même du malade. Cette procédure de limitation et arrêt des traitements actifs (LATA) est l’objet du présent exposé. Après quelques définitions puis une présentation historique de la problématique, nous verrons la situation actuelle, ainsi que les réponse proposée par l’église. Enfin nous pencherons sur quelques exemples pratiques. Les situations qui expliciteront mon propos toutes sont tirées de la réalité. 1. Définition et outil de compréhension Acharnement thérapeutique : terme apparu au début des années 70 pour désigner un maintien forcé de la vie dans les mourants jusqu’à épuisement de la technique. Selon Jean- Paul II dans Evangelium Vitae « certaines interventions médicales qui ne conviennent plus à la situation réelle du malade, parce qu'elles sont désormais disproportionnées par rapport aux résultats que l'on pourrait espérer ou encore parce qu'elles sont trop lourdes pour lui et pour sa famille » Ce terme présente plusieurs limites. D’une part l’acharnement peut être vertueux (nous connaissons des frères acharnés au travail qui servent d’autant mieux la gloire de Dieu) ; d’autre part s’il faut s’acharner, c’est bien en thérapeutique, pour le soin du patient : la thérapeutique est un mot à ne pas galvauder (l’interruption « thérapeutique » de grossesse est également sortie du vocabulaire). L’acharnement désigne littéralement l’attachement à la chair du fauve qui a saisi sa proie. Les médecins doivent parfois s’acharner pour ne pas perdre celui qui leur est confié. Pour exemple, un jour aux états unis, un médecin voyant un enfant mourir asphyxié de la poliomyélite le fit respirer avec une pompe à vélo et s’acharnât pendant des heures à le faire respirer lui permettant de traverser la crise. (cet épisode est l’évènement fondateur des respirateurs artificiels…) Nous préférons donc les termes d’obstination déraisonnable : ce n’est pas l’obstination qui est critiquable, c’est le fait qu’elle ait un sens contraire à la raison. Soins palliatifs : désigne tout soins qui ne cherche pas à guérir, mais simplement à pallier les conséquences de la maladie. (exemple : le traitement de l’asthme) Désigne aussi les services spécialisés dans l’accompagnement des malades vers leur mort. LATA : La limitation et l’arrêt des traitements correspond dans les services médicaux à un petit formulaire qui étiquette certains patients : la LATA (limitation et arrêt des thérapeutiques actives). Ce formulaire permet en premier lieu pour éviter une escalade inadaptée des traitements, et initie parfois un arrêt progressif de ceux-ci. En pratique, sachez que les LATA sont souvent mises en place en amont du traitement, quand la fragilité du patient donne à penser qu’il ne tirera pas de bénéfice de tel ou tel traitement aigu (ex le massage cardiaque) on décide de ne pas le faire. Toutefois et pour rappel, la médecine est un art qui compose avec de nombreux éléments contingent. Chaque situation est donc pesée séparément, et quand l’argument « la loi dit que » intervient dans les discussions de service, ce n’est pas toujours pour le bien du patient. Modèle de Bouchon : Pour vous aider à comprendre pourquoi il y a un temps pour s’acharner et un temps pour cesser de se battre, je voudrais vous partager un outil très utile dans le raisonnement médical. Il s’agit du modèle de Bouchon, initialement employé en gériatrie, ce modèle exprime l’impact sur le patient des diverses maladies et montre quels objectifs le médecin peut poursuivre. En gros si l’on peut ramener le patient à une distance confortable du seuil de décompensation, alors le traitement est justifié. Dans le cas contraire il est souvent évident (mais pas toujours) que l’obstination devient déraisonnable. 2/16 2. Histoire de l’obstination Comme vous l’avez lu chez Verspieren la question du bénéfice de certains traitements vis-à-vis de leur coût pour le patient ne date pas d’hier. Au 16e siècle il n’était pas immoral de refuser l’amputation nécessaire à sa survie ; et le médecin savait qu’il ne tuait pas en s’abstenant d’opérer celui qui refusait. Le développement des techniques médicales au 20e siècle a considérablement modifié la donne, avec le progrès de la chirurgie et de l’anesthésie il eut été véritablement criminel de ne pas amputer qui le devait. Les capacités de soin augmentant plus rapidement que la conscience de leurs défauts les médecins connurent une tendance à confondre le possible et le bénéfique. Ainsi s’abstenir d’administrer un traitement qui eu pu prolonger la vie pouvait être considéré comme un manque à l’obligation de moyen par le code déontologique (avant 1995) et par la loi (jusqu’en 20051). Actuellement la problématique a bien évolué, je ne pense pas qu’un médecin penserait tuer son patient en cessant de le maintenir dans une « vie d’organes » artificielle et 1 Vianney Mourman De l’obstination déraisonnable dans Fin de vie éthique et société Hirsch, érès, Toulouse 2016, p.788. 3/16 onéreuse. Tous les médecins que j’ai rencontrés cherchent la raison dans leur acharnement, la question qui demeure réside donc dans la nature du raisonnable. (je ne parle pas du refus des soins minimum qui relèvent de la négligence voire de l’euthanasie) 3. La situation présente Pour nous aider le législateur nous a rappelé trois critères d’arrêt des soins : l’inutilité, la disproportion et « lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » Après l'article L. 1110-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1110-5-1 ainsi rédigé : Art. L. 1110-5-1.-Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire. « La nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article. « Lorsque les actes mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article sont suspendus ou ne sont pas entrepris, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10. »2 • Inutile : Par exemple, un patient cancéreux en phase terminale qui pourrait bénéficier d’une opération lourde et au bénéfice très discutable. (montrer sur le schéma) Attention cependant, cf. Vers. Une relative confusion existe dans la littérature médicale, le terme Futility qui traduit l’inutilité en anglais désigne l’acte médical pas la vie du malade ! Une conception utilitariste de l’inutilité médicale peut inclure ce dernier dans les moyens… • Disproportionné : Par exemple, un grand prémature à 3 semaines de vie qui n’a jamais respiré autrement que par un tuyau. Se dégrade progressivement en coma artificiel, avec des doses d’adrénaline et une respiration artificielle très agressive, l’alimentation intraveineuse est la seule qui fonctionne. On demande d’opérer pour enlever la partie digestive trop abîmée pour fonctionner, à l’ouverture de l’abdomen 2 Article 2 LOI n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie 4/16 on ne trouve rien de fonctionnel… Arrêt des soins avec sédation en présence des parents le lundi qui suit. (montrer sur le schéma) Remarque, ce critère de la balance entre le bénéfice d’un traitement et ses conséquences négatives ou le risque qu’il fait courir est présent en médecine depuis le serment d’Hypocrate… • « don le seul but est d’assurer un maintien artificiel de la vie » reste ambigü : ◦situation simple : le prématuré vu avant, ou la mère dont on prolonge la grossesse artificiellement ◦situations complexes : le médecin dépasserait ses droits en luttant contre la mort « lorsqu’on peut prévoir qu’il ne pourra survivre que sous une forme extrême de vie » (cf. Vers.) il reste difficile de déterminer quand la forme extrême justifie que l’on laisse la mort faire son œuvre. ▪pour les personnes à « réserve fonctionnelle faible » par exemple, les personnes pauci-relationnelles. Remarque préliminaire : il arrive que ces situations soient dues à des excès de réanimation (massage cardiaque de plus d’une heure, réanimation très lourde pendant une trop longue durée sans amélioration…) ces situations correspondant pour le coup à des obstinations déraisonnables. Pourtant, il arrive que dans une situation où le patient a déjà été « sauvé » au prix de graves lésions cérébrales, une diminution progressive des soins abouti à une vie pauci-relationnelle qu’il serait criminel de ne pas laisser advenir. Par exemple : homme de 35 ans, AVC massif, mis en coma artificiel, opéré, baisse progressive des anesthésiants, montre une évolution pauci-relationnelle, avec des signes de respiration spontannée. La famille est opposée à un « acharnement uploads/Sante/ limitation-et-arret-des-traitements.pdf
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- Publié le Nov 14, 2022
- Catégorie Health / Santé
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