La Revue de médecine interne 36 (2015) 173–181 Disponible en ligne sur ScienceD
La Revue de médecine interne 36 (2015) 173–181 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Mise au point Lupus systémique et syndrome des antiphospholipides : comment prendre en charge la grossesse ? Systemic lupus erythematosus and antiphospholipid syndrome: How to manage pregnancy? G. Guettrot-Imbert a, V. Le Guern b, N. Morel b, D. Vauthier c, V. Tsatsaris d, E. Pannier d, J.-C. Piette e, N. Costedoat-Chalumeau b,∗ a Service de médecine interne, centre de compétence des maladies systémiques et auto-immunes rares de l’adulte, hôpital Gabriel-Montpied, CHU de Clermont-Ferrand, 58, rue Montalembert, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France b Service de médecine interne, pôle médecine, centre de référence maladies auto-immunes et systémiques rares, hôpital Cochin, université Paris Descartes, AP–HP, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France c Service de gynécologie-obstétrique, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP–HP, 75013 Paris, France d Service de gynécologie-obstétrique, DHU risques et grossesse, hôpital Cochin, université Paris Descartes, AP–HP, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France e Département de médecine interne, centre de référence maladies auto-immunes et systémiques rares, université Paris 6, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP–HP, 75013 Paris, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Disponible sur Internet le 8 janvier 2015 Mots clés : Lupus systémique Grossesse Anticorps anti-SSA Consultation pré-conceptionnelle Syndrome des antiphospholipides Complications obstétricales r é s u m é La survenue d’une grossesse au cours du lupus systémique est une situation fréquente qui reste asso- ciée à une morbi-mortalité maternelle et fœtale plus importante que dans la population générale. Les complications incluent les poussées lupiques, les complications obstétricales (pertes fœtales, retard de croissance in utero, pré-éclampsie, prématurité) et le lupus néonatal. Une biologie ou un syndrome des antiphospholipides augmente nettement le risque de complications obstétricales. L’amélioration de la prise en charge de ces grossesses est conditionnée par leur planification systématique, idéalement au cours d’une consultation pré-conceptionnelle, et par une prise en charge multidisciplinaire avec une collaboration étroite entre interniste/rhumatologue, obstétricien et anesthésiste. L’absence d’activité du lupus, un traitement compatible avec la grossesse adapté aux antécédents et aux risques ainsi qu’une surveillance régulière sont les principaux éléments permettant une issue favorable à ces grossesses à risque. Cette revue a pour objectif de proposer une mise au point sur la prise en charge actuelle de la grossesse au cours du lupus systémique ou du syndrome des antiphospholipides afin de limiter le risque de complications et d’assurer le meilleur pronostic tant maternel que fœtal. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Keywords: Systemic lupus erythematosus Pregnancy Anti-SSA antibodies Preconception counseling Antiphospholipid syndrome Adverse obstetrical outcome a b s t r a c t Pregnancy in systemic lupus erythematosus patients is a common situation that remains associated with higher maternal and fetal mortality/morbidity than in the general population. Complications include lupus flares, obstetrical complications (fetal loss, in utero growth retardation, prematurity) and neo- natal lupus syndrome. The association with antiphospholipid antibodies or antiphospholipid syndrome increases the risk of obstetrical complications. Improving the care of these pregnancies depends upon a systematic pregnancy planning, ideally during a preconception counseling visit and a multidisciplinary approach (internist/rheumatologist, obstetrician and anesthetist). The absence of lupus activity, the use ∗Auteur correspondant. Adresse e-mail : nathalie.costedoat@gmail.com (N. Costedoat-Chalumeau). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.12.005 0248-8663/© 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 174 G. Guettrot-Imbert et al. / La Revue de médecine interne 36 (2015) 173–181 of appropriate medications during pregnancy adjusted to the patient’s medical history and risk factors, and a regular monitoring are the best tools for a favorable outcome for these high-risk pregnancies. The aim of this review article is to perform an update on the medical care of pregnancy in systemic lupus erythematosus or antiphospholipid syndrome to reduce the risk of complications and to ensure the best maternal and fetal prognosis. © 2014 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. 1. Introduction Le lupus systémique (LS) est une maladie auto-immune qui atteint principalement la femme jeune en âge de procréer. La sur- venue d’une grossesse est une situation devenue habituelle et il est démontré que cette période d’hyperœstrogénie physiologique peut influencer l’évolution et l’activité du lupus et exposer à des complications à la fois maternelles et fœtales. Même si le pronostic de ces grossesses s’est nettement amélioré, celles-ci restent des grossesses à risque et l’optimisation de leur prise en charge est un véritable challenge nécessitant une collaboration étroite entre les différents intervenants (médecin interniste ou rhumatologue, obstétricien, anesthésiste et pédiatre). La gestion d’une grossesse dans ce contexte nécessite la prise en compte de 4 aspects différents : • le lupus et son activité ; • la présence d’une biologie ou d’un syndrome des antiphospholi- pides (SAPL) ; • la présence d’anticorps anti-SSA ou anti-SSB ; • les différents traitements qui doivent être adaptés et compatibles avec la grossesse. Elle sera idéalement précédée d’une consultation pré- conceptionnelle au cours de laquelle ces différents aspects seront abordés. Un protocole de prise en charge et de surveillance sera alors mis en place, ce qui permettra le traitement rapide d’éventuelles poussées qui influencent directement le devenir maternel et fœtal. Après un rappel sur les modifications physiologiques au cours de la grossesse et quelques définitions, nous aborderons la prise en charge pratique. 2. Modifications physiologiques au cours de la grossesse Au cours de la grossesse, une relation étroite entre le sys- tème neuroendocrine maternel, le placenta et le fœtus se met en place progressivement. D’importantes modifications du système immunitaire vont permettre d’induire un phénomène de tolé- rance vis-à-vis du fœtus : le placenta produit des inhibiteurs du complément et des facteurs immunorégulateurs qui vont dimi- nuer la prolifération lymphocytaire T et permettre une expansion du pool des cellules T régulatrices (Treg), notamment au cours du 2e trimestre, pour revenir à un taux normal après l’accouchement. Il existe également une modification de l’expression des antigènes HLA par les cellules trophoblastiques. Les taux d’œstrogènes, de progestérone, de cortisol et de prolactine sont augmentés. Ces modifications hormonales et immunologiques orientent la réponse immunitaire vers un profil lymphocytaire de type Th2 et diminuent la réponse de type Th1, en particulier à l’interface materno-fœtale. Ceci engendre une diminution de la production des cytokines pro-inflammatoires (IL-2, IFN, TNF) et une augmentation de la production des cytokines anti-inflammatoires (IL-4, IL-6, IL-10, TGF), indispensables au maintien de la grossesse [1]. Au cours du LS, le taux de cytokines pro-inflammatoires est plus élevé qu’au cours d’une grossesse normale et la polarisation de type Th2 est partielle, expliquant en partie le risque de poussée au cours de la grossesse [2]. Cet état d’immunotolérance est rapidement réver- sible au cours du post-partum expliquant que le risque de poussée du LS persiste au cours de cette période. La grossesse est associée à une hypercoagulabilité liée à une augmentation de certains facteurs de la coagulation (facteurs II, V, VII, VIII, X, facteur von Willebrand, fibrinogène), à une diminu- tion des inhibiteurs naturels de la coagulation (diminution de la protéine S, augmentation de la résistance à la protéine C activée) et à une diminution de l’activité des inhibiteurs de la fibrinolyse. Les dosages de la protéine C et de l’antithrombine restent dans les valeurs normales. Il existe par ailleurs une augmentation du nombre de globules blancs et de neutrophiles, de la vitesse de sédimentation, des d- dimères, du CH50 et des fractions C3, C4 du complément liés à une augmentation de la synthèse hépatique, ce qui sera à prendre en compte chez les patientes lupiques. Le chiffre de lymphocytes reste inchangé. Le volume plasmatique augmente de 30 à 50 % et le volume glo- bulaire de 20 à 40 % expliquant la baisse de l’hématocrite, du taux d’hémoglobine, des protides et de l’albumine par hémodilution. Le seuil de 11 g/dL d’hémoglobine est utilisé pour définir l’anémie au cours de la grossesse. Les modifications sont également hémody- namiques avec une augmentation du volume sanguin (25–30 %), de la fréquence cardiaque (20 %) et une diminution des résistances vasculaires. La pression artérielle moyenne diminue de 5 à 10 %. Le débit de filtration glomérulaire augmente d’environ 55 %, ce qui entraîne une baisse physiologique des chiffres d’urée et de créa- tinine. L’augmentation de l’excrétion urinaire des protéines est considérée comme physiologique jusqu’à 300 mg par jour [3]. 3. Définitions et terminologie L’âge gestationnel est généralement exprimé en semaines d’aménorrhée (SA), notion théorique calculée en rajoutant deux semaines à la date présumée de début de grossesse à l’échographie. La pré-éclampsie (PE) est définie par une pression artérielle sys- tolique supérieure ou égale à 140 mmHg ou une pression artérielle diastolique supérieure ou égale à 90 mmHg associée à une pro- téinurie supérieure ou égale à 0,3 g/24 h ou à une thrombopénie, une perturbation de la fonction hépatique, une insuffisance rénale aiguë, un œdème pulmonaire ou à la survenue de manifestations visuelles ou cérébrales [4]. La protéinurie n’est donc plus un cri- tère obligatoire [4]. Les symptômes évocateurs sont la survenue uploads/Sante/ lupus-systemique-et-syndrome-des-antiphospholipides-comment-prendre-en-charge-la-grossesse.pdf
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- Publié le Apv 23, 2022
- Catégorie Health / Santé
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