86e congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie • Canadian Paediatric

86e congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie • Canadian Paediatric Society 86th Annual Conference Annual Conference 9 L es pédiatres et les médecins de famille sont de plus en plus appelés à évaluer des enfants présentant des caractéristiques de trouble de déficit de l’attention avec hyperac- tivité (TDAH), à prescrire un traitement et à assurer le suivi. Une connaissance approfon- die de la neurobiologie, de l’évolution et des répercussions de ce trouble et de la gamme d’options thérapeutiques favorise une prise en charge pertinente et aide les cliniciens à orienter les parents vers des stratégies d’enca- drement efficaces à long terme. Viser le bien-être Le syndrome maintenant connu sous le nom de TDAH est documenté depuis plus d’un siècle dans les publications médicales. Ce n’est que depuis trente ans qu’on a commencé à en explorer et à en clarifier les racines neuro- biologiques. Les symptômes de ce trouble hau- tement héréditaire proviennent d’un retard du développement cérébral et d’un taux anormal de neurotransmetteurs (dopamine, noradré- naline et sérotonine) dans plusieurs régions cérébrales clés, notamment celles liées aux fonctions exécutives. Les fonctions exécutives pertinentes sont représentées par la capacité de l’individu, par exemple, à contrôler et à régir ses habiletés et ses comportements, à prévoir les conséquences d’une action, à travailler vers un objectif défini et à entreprendre ou à interrompre des actions. Une étude faisant autorité menée par Castellanos et coll. (1) a démontré que le volume des diverses structures cérébrales et de la subs- tance blanche était plus bas chez les enfants et les adolescents ayant un TDAH que chez les sujets témoins. Ces anomalies cérébrales s’associaient également à la gravité du TDAH. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle a permis de formuler une constatation importante : les voies de résolution de problèmes diffèrent entre les personnes ayant un TDAH et les sujets témoins. Chez les personnes touchées, le cortex cingu- laire antérieur ne réagissait pas convenablement pendant une tâche mentale, probablement à cause d’une transmission catécholaminergique anormale (2). « Nous pensons vraiment que les principaux problèmes qui font leur apparition dans le cerveau de ces enfants ne proviennent pas de l’environnement, mais découlent du développement même de leur cerveau. Ça fait partie de leurs gènes », souligne le docteur Martin Gignac, psychiatre, unité des adolescents, Institut Philippe-Pinel, et professeur adjoint de clinique au département de psychiatrie, de l’Université de Montréal. « Nous pensons que le cerveau des personnes ayant un TDAH est hypofonctionnel. C’est pourquoi nous voulons les stimuler, non pas pour les rendre hyperfonctionnelles, mais pour leur assurer un fonctionnement optimal. » Certaines des régions du cerveau qui partici- pent aux fonctions exécutives se développent relativement tard pendant l’enfance, même chez les sujets en santé, ce qui explique l’évolu- tion des symptômes au fil du temps. « Les symp- tômes d’activité motrice sont plus présents chez les enfants plus jeunes. Lorsqu’ils grandissent, l’hyperactivité a tendance à diminuer, tandis que l’impulsivité devient un problème majeur pendant l’adolescence. C’est l’inattention qui détermine le trouble au fil des ans », explique le docteur Gignac. On estime que de 5 % à 10 % des enfants ont un TDAH (3). De ce nombre, quelque 70 % continueront de présenter des symptômes à l’adolescence et de 50 % à 60 % conserveront des caractéristiques de TDAH à l’âge adulte (4). La prévalence globale chez les adultes est de 4,4 % (5). Le diagnostic initial. Le trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité est diagnostiqué selon les critères exposés au tableau 1 (6). Ces critères seront probablement mis à jour dans la prochaine version du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux pour refléter les nouvelles découvertes, y compris celles liées aux dysfonctions exécutives et aux manifesta- tions du trouble à l’âge adulte. Le diagnostic est posé en clinique, d’après les antécédents familiaux et de développement (y compris les symptômes de TDAH chez les parents), l’éva- luation de l’environnement et les questions au sujet du fonctionnement du patient à l’école et à la maison et de ses relations avec ses cama- rades. Des comorbidités, comme le trouble op- positionnel avec provocation et l’anxiété, sont courantes. Le pédiatre devrait poser des ques- tions précises pour s’assurer d’en tenir compte dans le traitement du TDAH. Il faut obtenir le rapport des psychologues, des enseignants et d’autres observateurs professionnels, s’ils sont disponibles. Les patients et les enseignants peuvent également remplir des échelles comme l’échelle de Conners ou de Swanson, de Nolan et de Pelham (SNAP-IV) afin de contribuer à déterminer la gravité des symptômes. Un exa- men physique contribuera à écarter les autres causes potentielles des symptômes attribuées au TDAH. L’optimisation du traitement. Une fois le diagnostic confirmé, l’objectif vaste et à long terme du traitement consiste à assurer le « bien-être », c’est-à-dire un fonctionnement optimal et une qualité de vie, explique le doc- teur Gignac (figure 1). Il est important que le patient (ou ses parents) comprenne le trouble et participe à la détermination des attentes et des issues souhaitées du traitement. « Le véritable objectif du traitement ne devrait pas se limiter à l’atténuation des symptômes. [Il] devrait viser à rendre [le patient] mieux, à avoir une meilleure estime de soi... et à Le TDAH : Mesurer les résultats au-delà de la salle de classe Docteur Martin Gignac FRCPC Psychiatre, unité des adolescents Institut Philippe-Pinel de Montréal Professeur adjoint de clinique Département de psychiatrie Université de Montréal Montréal (Québec) Docteure Diane Sacks FRCPC Professeure adjointe de pédiatrie Pédiatre générale Université de Toronto Toronto (Ontario) Tableau 1. Sommaire des critères diagnostiques du DSM-IV TR 1. ≥ 6 symptômes d’inattention ou d’hyperactivité-impulsivité qui persistent depuis ≥ 6 mois, à un degré inadapté et qui ne correspond pas au développement de l’enfant; Inattention : fautes d’étourderie, manque de mémoire, perte d’objets, tâches non terminées, incapacité de suivre des directives ou d’organiser des tâches ou des activités, attention peu soutenue ou distractibilité, n’écoute pas quand on lui parle, évite les tâches qui exigent un effort mental soutenu; Hyperactivité-impulsivité : agitation, mouvement constant, ne peut rester assis, course et escalade inappropriés, diffi cultés lorsque des activités calmes sont prévues, parle trop, parle de manière étourdie, a de la diffi culté à attendre son tour, interrompt. 2. Certains symptômes d’hyperactivité-impulsivité ou d’inattention provoquant une gêne fonctionnelle présents avant l’âge de sept ans. 3. Certaine gêne fonctionnelle liée aux symptômes dans au moins deux milieux (p. ex., à l’école [ou au travail] et à la maison). 4. Preuve probante d’atteinte cliniquement signifi cative du fonctionnement social, scolaire ou professionnel. 5. Les symptômes ne se manifestent pas seulement dans le cadre d’un trouble envahissant du développement ou d’un trouble psychotique et ne s’expliquent pas mieux par un autre trouble mental. Downloaded from https://academic.oup.com/pch/article-abstract/14/suppl_B/9/2721026 by guest on 24 October 2019 86e congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie • Canadian Paediatric Society 86th Annual Conference 86e congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie • Canadian Paediatric Society 86 10 être plus fonctionnel. Vous avez besoin de résultats dans divers domaines, y compris le fonctionnement comportemental, social et exécutif... [Nous voulons] éviter quelques- uns des problèmes qui se produisent souvent au sein de cette population, tels que l’échec scolaire, les mauvaises relations, les accidents et les blessures, la consommation de drogue et d’alcool et les problèmes avec la justice. Si nous pouvions prévenir ces problèmes, je pense que nous aurions réalisé un objectif très important », ajoute-t-il. Il faut adopter une démarche thérapeutique multimodale pour le TDAH. Les interventions psychopédagogiques et non pharmacologi- ques (thérapie cognitivocomportementale, encadrement des aptitudes sociales, soutien pédagogique et mentorat, etc.) constituent des accompagnements essentiels à tout schéma posologique. Les psychostimulants et les autres médicaments indiqués pour le TDAH (tableau 2) influent tous sur les voies dopa- minergiques et noradrénergiques, à des degrés quelque peu différents. Les agents à action pro- longée sont des recommandations de choix. De nouveaux médicaments contre le TDAH émergent, ajoute le docteur Gignac. Le di- mésylate de lisdexamfétamine sera bientôt mis en marché au Canada. C’est le premier promédicament (converti métaboliquement en amphétamine après son ingestion orale et son premier passage dans l’intestin) qui existe dans ce domaine thérapeutique. Son efficacité substantielle pour améliorer la biodisponibilité est démontrée ainsi que sa bonne tolérabilité, son innocuité et son faible potentiel de recours abusif. Il existe maintenant des formulations transdermiques de méthylphénidate et d’am- phétamine aux États-Unis, mais pas encore au Canada. La guanfacine, qui agit par les voies noradrénergiques, est efficace contre le déficit de l’attention et de la cognition, ainsi que contre l’agressivité et l’irritabilité. Les analo- gues nicotiniques, qui peuvent avoir des effets directs sur les dysfonctions exécutives, en sont toujours aux premières phases de recherche clinique. Améliorer la fonction au-delà de la salle de classe Même lorsque l’intervention pharmacologique est efficace en milieu scolaire, certains enfants ayant un TDAH continuent d’éprouver des difficultés dans d’autres secteurs. Bon nombre sont liées au développement relativement médiocre et retardé des fonctions exécutives, observe la docteure Diane Sacks, professeure adjointe de pédiatrie à l’université de Toronto. Parmi les exemples, soulignons les défaillances du uploads/Sante/ pch-14-suppl-b-9a 1 .pdf

  • 22
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Nov 04, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1862MB