1 LA PRISE EN CHARGE DES SOINS OPHTALMOLOGIQUES EN FRANCE Jean- Louis Arné*, au
1 LA PRISE EN CHARGE DES SOINS OPHTALMOLOGIQUES EN FRANCE Jean- Louis Arné*, au nom d’un Groupe de Travail ** - Commission IX INTRODUCTION A- Les circonstances à l’origine de ce Rapport. La demande non satisfaite de soins d'ophtalmologie, les délais de rendez-vous, l'encombrement des services hospitaliers d'ophtalmologie constituent des récriminations courantes dont la presse se fait souvent l’écho. Elles sont la résultante de l'inadéquation entre les besoins de soins et les possibilités offertes par les ophtalmologistes. L'ophtalmologie connaît les plus importants délais d’attente en consultation (estimés en moyenne à 3 mois sur le territoire national, mais pouvant atteindre jusqu’à 12 mois dans certaines zones, même urbaines). Ceci pose un indiscutable problème de santé publique car le retard à la prise en charge de certaines pathologies peut-être très délétère pour le patient et ce de façon définitive. La situation actuelle est en effet alarmante s'agissant du dépistage de certaines affections dont la fréquence s'accroît, et ceci est vrai quelque soit l âge des patients : - Chez l'enfant, la découverte d'une anomalie visuelle avant trois ans est essentielle pour ne pas faire courir le risque d'une amblyopie définitive. L'INSERM constate que 40 % des troubles visuels du jeune enfant ne sont pas détectés faute de moyens suffisants. - Chez l’adulte c'est à l’âge de la presbytie que débutent et se manifestent des affections ophtalmologiques très fréquentes : ¤ La dégénérescence maculaire liée à l'âge, qui touche 12% de la population de plus de 65 ans et qui peut bénéficier de nouveaux moyens thérapeutiques, d’autant plus efficaces qu’appliqués tôt. ¤ Le glaucome chronique très fréquent, insidieux, du fait de l'absence de douleur, et parce que débutant par une atteinte intéressant au début le seul champ visuel périphérique et donc non ressentie; le risque est majeur d'une reconnaissance trop tardive, quand le champ visuel central sera touché et que l'atrophie du nerf optique sera définitive. * Membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine ** composé de JL Arné JL Dufier, H Hamard, JR Legall, F Legent, G Nicolas. 2 Une prise systématique du tonus oculaire, qui fait partie de l'examen de tout presbyte, est la façon simple de reconnaître l'affection à un stade précoce et d’arrêter le processus. Les longs délais pour obtenir un rendez-vous font que le patient ira souvent se procurer des lunettes loupes en vente libre dans le commerce, dont le port le rassurera car une correction plus ou moins parfaite de sa presbytie améliorera son confort visuel, le privant de cette chance de dépistage. On estime que sur 1 million deux cent mille glaucomateux en France, quatre cent mille sont ignorés ¤ Par ailleurs, les statistiques indiquent un suivi ophtalmologique insuffisant pour environ 800 000 diabétiques de type II, conséquence de ces difficultés. L'ophtalmologie est une spécialité médicale, chirurgicale et optique : - médicale, traitant des affections purement locales, mais aussi concernée par les conséquences oculaires des pathologies générales, - chirurgicale, s’agissant des interventions sur l'œil et ses annexes, orbite et paupières, - optique, l'étude de la réfraction oculaire pouvant conduire à la prescription de corrections optiques ou amener à réaliser une chirurgie réfractive; mais surtout, elle est l'occasion d'un examen ophtalmologique de l'ensemble de l'appareil de la vision. Il faut rappeler que les ophtalmologistes ont la particularité d’effectuer eux- mêmes la grande majorité des actes d’exploration nécessaires à leur spécialité (angiographies, échographies, biométries, tomographies par cohérence optique, ultra-biomicroscopies par ultrasons, topographies cornéennes, champs visuels, aberrométrie, techniques diverses d’imagerie médicale...), ainsi que les traitements physiques (par différents types de lasers : excimer, Yag, argon, diode, à colorants...) et les actes chirurgicaux (réfractifs, cataractes, glaucomes, strabismes, paupières, orbites...). Il s’agit d’un cas quasi unique en médecine. B- La mission de ce groupe de travail Ce groupe de travail a eu pour mission d'apprécier l'état actuel de la prise en charge des affections ophtalmologiques en France, de mettre en l'évidence les 3 difficultés rencontrées et de proposer des solutions pour pallier les problèmes liés à l'insuffisance de soins. C-Différentes personnalités ont été auditionnées pour éclairer les membres du groupe de travail : - Monsieur le Docteur Bertrand Arnoux, membre du bureau du Syndicat National des Ophtalmologistes de France. - Mme le Professeur Creuzot Garchet, chef du service d'ophtalmologie de l'hôpital de Dijon et présidente du Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France. - Mme le Docteur Suzanne Tartière, médecin au SAMU de Paris et directrice médicale du SAMU social de Paris - M. le Docteur Patrick Romestaing, président de la section santé publique et démographie médicale du Conseil National de l'Ordre des Médecins. ÉTAT DES LIEUX DE L'OPHTALMOLOGIE EN FRANCE : LES CHANGEMENTS DE LA PRATIQUE I- LES PATIENTS ET LEURS BESOINS 1- LES EVOLUTIONS DE L’EXERCICE La spécialité est confrontée à une forte hausse de son activité, que les professionnels estiment à + 65 % (source SNIR) par spécialiste entre 1990 et 2009. L’évolution de l’activité concerne surtout les actes techniques, qui ont augmenté de 310 % entre 1990 et 2009. La part de l’optique est en recul. Son utilité est toutefois majeure car elle permet d’assurer la prévention et le dépistage des pathologies chroniques dont beaucoup sont asymptomatiques au début, telles que maculopathies liées à l’âge, rétinopathies diabétiques et surtout glaucomes. L’examen optique est en outre de base à la prise en charge des strabismes et de la rééducation de l’amblyopie. Des évolutions importantes dans les modes de prise en charge des pathologies sont repérables: - Deux fois moins de glaucomateux sont opérés aujourd’hui qu’il y a15 ans, la prise en charge par traitement médical étant prédominante. - On envisage que la cataracte, qui représente 65 % de l’activité chirurgicale aujourd’hui, puisse se traiter au Laser Femto-seconde dans un 4 avenir proche, sans pour autant que la composante chirurgicale disparaisse totalement. - Des transformations pourront également concerner le traitement de la dégénérescence maculaire. Cependant, on estime improbable que cela aboutisse à une réduction globale des besoins de prise en charge par les ophtalmologistes, car si certains segments de l’activité peuvent se réduire, d’autres vont croître. C’est notamment le cas de la chirurgie réfractive, dont certaines analyses prédisent qu’elle constituera autour de 35 % la croissance de l’activité dans les 15 ans à venir. 2- LES PATHOLOGIES PRISES EN CHARGE • Les troubles de la réfraction Il y avait environ 31 millions de porteurs de corrections optiques en 2010 répartis en 2,3 millions chez les moins de 20 ans, 16 millions chez les sujets entre 20 et 59 ans et 12,7 millions chez les 60 ans et plus. Les examens ayant un motif réfractif ne représentaient que 17% de l’activité ophtalmologique globale (moins en temps occupé, car ces examens sont peu chronophages). Mais ils permettent une prévention primaire efficace: 30% des demandes d’examens réfractifs n’aboutissent pas à une prescription optique mais concluent à une autre cause; dans 36% de ces demandes, un deuxième motif de prise en charge apparaît. • Les pathologies de l'appareil oculaire Le PMSI nous apprend que 80,5% des séjours en établissements public ou assimilés pour une pathologie oculaire comportent un acte chirurgical, ce qui fait de l’appareil oculaire le plus chirurgical de tous les appareils. - La progression de l’incidence de l’intervention de la cataracte est à peu près semblable dans tous les pays. Le nombre de cataractes opérées en France par an était de 80 000 en 1980, de 280000 en 1995 et de 637584 en 2009, 662553 en 2010, de 695689 en 2011. Il y a donc un facteur multiplicatif de 8 en 30 ans. L’hypothèse d’un nombre de 1000000 en 2020 est plausible. 5 Nombre de cataractes opérées de 1980 à 2009 La chirurgie de la cataracte est devenue de loin la première intervention chirurgicale en France, s’agissant des actes pris en charge par l’assurance maladie, et la deuxième cause d’hospitalisation après l’accouchement. La chirurgie en ambulatoire se développe rapidement (19% en 1997, 44% en 2003 et près de 78% en 2009) ; la réduction de la durée d’hospitalisation et l’amélioration spectaculaire des résultats ont été remarquables. L’anesthésie générale, qui était de loin la modalité la plus répandue il y a 25 ans, a cédé la place progressivement à l'anesthésie locorégionale, à la neurolept-analgésie potentialisée localement ou à l’anesthésie topique, et ceci a réduit considérablement le risque de morbidité chez des sujets souvent âgés. Le processus anesthésique s’est donc allégé, mais au détriment du confort du chirurgien qui doit prendre en compte l'état éveillé du patient et sa capacité à bouger. La chirurgie de la cataracte a connu depuis une vingtaine d’années une transformation radicale vers la micro-incision et l’ablation du cristallin in situ (phakoémulsification), rendant son apprentissage plus long et délicat. Des évolutions proches sont à prévoir, notamment la Femtochirurgie, un laser Femtoseconde réalisant l'essentiel de l'intervention, sans exclure néanmoins la participation du chirurgien. L'accroissement du nombre d'interventions pose néanmoins la question de l’opportunité de l'indication de phakoexérèse. En effet, si la cataracte a longtemps été opérée uniquement lorsque le handicap visuel était devenu majeur, il apparaît qu'une intervention puisse actuellement être réalisée alors que la gêne est beaucoup plus modérée, la uploads/Sante/ rapport-arne-ophtalmlo3-pdf.pdf
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- Publié le Jan 14, 2022
- Catégorie Health / Santé
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