Inspection générale des affaires sociales Emilie FAUCHIER-MAGNAN Julien MEJANE

Inspection générale des affaires sociales Emilie FAUCHIER-MAGNAN Julien MEJANE Juliette ROGER Louis-Charles VIOSSAT Membres de l’Inspection générale des affaires sociales Établi par RAPPORT - Octobre 2017 – - N°2017-111R - Evaluation de la généralisation du tiers payant RAPPORT IGAS N°2017-111R - 3 - SYNTHESE L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a été saisie par la ministre des solidarités et de la santé d'une mission sur l'évaluation de la généralisation du tiers payant, afin d'expertiser la simplicité, la rapidité et la fiabilité du tiers payant pour les professionnels de santé. Outre un état des lieux des pratiques actuelles et du niveau de maturité des outils à l'étude par l'assurance maladie obligatoire (AMO) et par les organismes complémentaires (AMC), un éclairage technique était attendu, pour mettre en lumière les difficultés qui persisteraient et le cas échéant, identifier les conditions techniques permettant de les surmonter dans un calendrier adéquat. Les travaux de la mission se sont déroulés de la mi-juillet au début du mois d’octobre 2017. La mission a rencontré un grand nombre d'acteurs techniques (gestionnaires du tiers payant, opérateurs de marché), et elle a veillé à accorder une large place aux rencontres avec les professionnels de santé afin d’évaluer l’impact sur leurs processus de travail. Ainsi, les auditions des organisations représentatives des professions de santé ont été complétées par une série d'entretiens avec des professionnels de santé. La mission a ciblé tant des professions qui pratiquent massivement le tiers payant, comme les pharmaciens, les centres de santé, et les infirmiers, que des professions où sa pratique est moins répandue (médecins et chirurgiens-dentistes). Le tiers payant, qui consiste en un processus de facturation qui dispense le patient d'avance de frais, peut être pratiqué par le professionnel de santé sur la part AMO seule (tiers payant AMO) ou sur la part complémentaire également (tiers payant intégral). 1 - Une forte diversité de pratiques du tiers payant selon les professions de santé Depuis 2015, la pratique du tiers payant a progressé. Pour le tiers payant AMO, la progression récente est tirée par les cas d'obligations de pratique (patients bénéficiaires de la CMU-C et de l’ACS, affections de longue durée, femmes enceintes) même si des marges demeurent pour atteindre une couverture intégrale des assurés concernés. Pour le tiers payant complémentaire, la hausse est concentrée sur certaines professions (auxiliaires médicaux notamment). Derrière ce constat global, le tiers payant non obligatoire est aujourd'hui pratiqué à des niveaux très variables selon les professions de santé. Les pharmaciens ont été précurseurs de sorte qu'ils ont une pratique généralisée du tiers payant intégral (93 % des actes). D'autres professions, comme les infirmiers et les centres de santé, pratiquent aussi le tiers payant intégral de manière importante (entre 45 et 75 % des actes). Enfin, certaines professions (médecins, chirurgiens- dentistes) ont une pratique du tiers payant limitée aux cas obligatoires et la pratique du tiers payant intégral y est très faible (4 % pour les chirurgiens-dentistes, 7 % pour les généralistes). Parmi les facteurs cités par les professionnels pour expliquer cette diversité, on relève :  des facteurs historiques avec, dans le cas des pharmaciens, une pratique ancienne du tiers payant par les pharmacies mutualistes, un conventionnement collectif très protecteur et le recours massif à des intermédiaires pour gérer le tiers payant ;  des facteurs organisationnels avec des conditions d'exercice (personnels administratifs dans les pharmacies et les centres de santé) et des modes de facturation (pratique des actes en série par les auxiliaires médicaux) favorables à la pratique du tiers payant ;  une demande sociale plus forte des patients autour du tiers payant (pharmacies et auxiliaires de santé). RAPPORT IGAS N°2017-111R - 4 - Cette diversité conduit à ne pas surestimer, du moins à court terme, les effets d’entraînement possibles entre professions. 2 - Une diversité d’attentes insuffisamment prise en compte par l'AMO et l'AMC Les attentes des professionnels de santé sont restées insuffisamment prises en compte tant par les organismes d'AMO que par les organismes complémentaires, qui n'ont pas tiré toutes les conséquences du basculement de leur relation de service de l'assuré vers le professionnel de santé. A titre d'exemple, les travaux associant les différents régimes obligatoires menés par l'assurance maladie depuis 2015 ont principalement visé les médecins, tandis que les difficultés spécifiques rencontrées par d’autres acteurs (chirurgiens-dentistes, centres de santé) n'ont pas fait l'objet de recensement ni de mesures particulières. De même, les organismes complémentaires ont conçu un dispositif pour faciliter l'identification des droits complémentaires des patients (IDB) en s'appuyant notamment sur l'usage d'une « douchette » pour lire le code inscrit sur l’attestation papier, alors que l'utilisation de cet équipement provoque des réticences fortes de la part de certaines professions de santé (médecins et chirurgiens-dentistes). 3 - Une maturité des outils du tiers payant différente en part AMO et en part complémentaire Si le tiers payant en part AMO est aujourd'hui globalement considéré comme satisfaisant dans son fonctionnement technique actuel, la pratique du tiers payant intégral demeure complexe, de l'avis des professionnels rencontrés. Le recours à des opérateurs de marché qui gèrent le tiers payant pour le compte du professionnel de santé permet toutefois d’en simplifier la pratique. L'écart entre AMO et AMC s'explique notamment par le fait que les outils techniques développés pour la pratique du tiers payant complémentaire ne sont pas encore opérationnels. Il renvoie également à une gouvernance très différente de part et d’autre. La gouvernance unifiée de l'AMO, sous l'égide de l'UNCAM, facilite, en effet, les travaux de coordination, et s'appuie sur une norme unique (la carte vitale). Si le cadre d’exercice du tiers payant complémentaire a notablement évolué depuis 2015, sous l’égide de l’association Inter-AMC, les pratiques demeurent encore très variées selon les organismes (supports de droits distincts, nombre élevé d'acteurs dans un environnement concurrentiel, hétérogénéité des systèmes d'informations,...). L'association Inter-AMC semble à mi- chemin dans la mise en œuvre des engagements pris en février 2016 pour simplifier la pratique du tiers payant complémentaire. 4 - Des freins à la pratique immédiate du tiers payant Le processus du tiers payant AMO est aujourd'hui globalement rapide, fiable et simple lorsque la facturation est sécurisée par la carte vitale (85 % des flux de facturation). Les rejets sont de l’ordre de 1 %, soit environ un dossier par semaine pour un médecin généraliste, et les délais de paiement limités à trois jours avec un paiement sous quatre jours dans 90 % des cas. Des problématiques demeurent, même si elles sont cantonnées à certains publics (par exemple les patients en accidents du travail/maladies professionnelles), et peuvent être plus importantes pour certains professionnels (exemple des chirurgiens-dentistes avec les actes d'examens bucco-dentaires) Deux outils actuellement en cours de déploiement vont améliorer le fonctionnement du tiers payant AMO, sans être indispensables à sa pratique courante. L'un permettra de sécuriser l'identification des droits (téléservice « ADRi » d'identification des droits en ligne), l'autre de faciliter le suivi des paiements en part AMO et AMC (outil de suivi des factures en tiers payant). Compte-tenu du rythme de déploiement observé sur les dernières solutions logicielles liées au tiers RAPPORT IGAS N°2017-111R - 5 - payant, la mission estime que ces outils devraient être disponibles sur le poste de travail ou le terminal d'une partie significative des professions de santé d'ici à la fin de l’année 2018. Le principal frein au développement du tiers payant AMO n'est pas de nature technique mais tient à une confiance encore trop fragile des professionnels de santé. Ce manque de confiance est largement lié à une méconnaissance des outils et des garanties du tiers payant. L'accompagnement d'ores et déjà développé par l'AMO (centre de service interrégimes, conseillers informatiques et service) devra donc être renforcé et ciblé pour répondre à la crainte d’un surcroît de charge administrative en cas de généralisation du tiers payant. Au regard de ces éléments, la mission considère qu'une généralisation est un objectif techniquement réalisable en part AMO à brève échéance sous réserve que soit mis en œuvre un accompagnement renforcé des professionnels de santé. En part complémentaire, des freins techniques demeurent à une pratique simple, rapide et fiable du tiers payant. La problématique principale est celle de l'identification des droits qui nécessite une saisie complexe des données figurant sur l'attestation papier fournie par l’assureur, et occasionne encore des taux de rejets élevés en raison de droits non mis à jour. L'harmonisation des pratiques de facturation et l'accompagnement unifié des professionnels de santé restent, par ailleurs, en grande partie à construire. Cette complexité devrait se réduire au fur à mesure du déploiement des outils prévus. Le déploiement rapide de l’outil d'identification des droits (IDB) constitue le levier principal à cet égard. Un déploiement significatif de l'outil auprès des auxiliaires médicaux et centres de santé pourrait être atteint courant 2019 compte-tenu de leur attente forte d'une simplification du processus. La bonne tenue de ce calendrier nécessite toutefois au préalable la reprise d’un dialogue entre l'association Inter-AMC et les éditeurs de logiciel. Le calendrier de déploiement apparaît plus incertain s’agissant des professions les plus réticentes au tiers payant complémentaire, car les outils ne répondent pas uploads/Sante/ rapport-igas-tiers-payant.pdf

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  • Publié le Jan 10, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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