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Soins sans consentement et droits fondamentaux 47197248.indd 1 16/03/2020 10:22:18 Soins sans consentement et droits fondamentaux Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté 47197248.indd 3 16/03/2020 10:22:18 Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) est une autorité administrative indépendante créée par la loi du 30 octobre 2007 à la suite de l'adoption par la France du protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhu­ mains ou dégradants. Le CGLPL a concrètement débuté son activité le 13 juin 2008. Adeline Hazan a été nommée le 17 juillet 2014 pour un mandat de six ans non renouvelable. Le Contrôleur général a pour mission de veiller à la protection de l'ensemble des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, qu'elles soient en prison, en garde à vue, dans un établisse­ ment de santé mentale, en centre de rétention pour étrangers, dans les geôles d'un tribunal, en centre éducatif fermé pour mineurs ou dans tout autre lieu dans lequel des personnes sont enfermées par la décision d'un juge ou d'une autorité administrative. Le CGLPL s'assure ainsi que les droits à la vie, à l'intégrité physique et psychique ou à ne pas être soumis à un traitement inhumain ou dégradant sont respectés. Il lui revient également de veiller à un juste équilibre entre le respect des droits fondamen­ taux des personnes et les considérations d'ordre public et de sécu­ rité, notamment en matière de droit à la vie privée et familiale, au travail et à la formation, d'accès aux soins, ainsi qu'à la liberté À propos de l'auteur 47197248.indd 5 16/03/2020 10:22:18 Soins sans consentement et droits fondamentaux VI d'expression, de conscience et de pensée. De même sont exami­ nées les conditions de travail des personnels et des intervenants car ces dernières peuvent avoir des conséquences directes sur le traitement des personnes privées de liberté. Le CGLPL peut visiter, à tout moment, tout lieu du terri­ toire français où des personnes sont enfermées pour vérifier les conditions de vie des personnes privées de liberté et enquêter sur l'état, l'organisation et le fonctionnement de l'établissement. Les contrôleurs ont libre accès à l'ensemble des locaux et peuvent s'entretenir de manière confidentielle avec les personnes privées de liberté ainsi qu'avec le personnel et tout intervenant. Dans le cadre de sa mission, le CGLPL formule des recom­ mandations aux autorités publiques. Outre les rapports publiés à l'issue de chaque visite d'établissement, le Contrôleur général peut décider de publier au Journal officiel des recommandations spéci­ fiques à un ou plusieurs établissements ainsi que des avis généraux sur une problématique transversale. L'ensemble de ces documents est disponible sur le site internet de l'institution (www.cglpl.fr). Enfin, le CGLPL peut être saisi par toute personne phy­ sique (et les personnes morales qui ont pour objet les droits de l'homme) ; les contrôleurs du pôle saisines traitent les cour­ riers directement envoyés par les personnes privées de liberté ou leurs proches en vérifiant les situations relatées et en menant des investigations, sur place si nécessaire, pour tenter d'apporter une réponse aux problèmes soulevés mais aussi pour identifier d'éventuels dysfonctionnements et, le cas échéant, proposer des recommandations pour prévenir toute nouvelle violation d'un droit fondamental. Contrôleur général des lieux de privation de liberté 16/18 quai de la Loire CS 70048 75921 Paris Cedex 19 47197248.indd 6 16/03/2020 10:22:18 Un français sur cinq souffre de « troubles mentaux », souf­ france ayant conduit, en 2016, 342 000 personnes à une hos­ pitalisation à temps complet dans un établissement public ou privé. Parmi celles-ci, 80 000 ont été prises en charge sans leur consentement. Ce mode d'admission, prévu par la loi depuis le xix e siècle, s'associe souvent à l'enfermement de ces patients dans l'établissement de santé habilité à les recevoir, établissement qui devient ispo facto un lieu de privation de liberté. Le CGLPL s'est toujours montré préoccupé par la question de l'enfermement en psychiatrie et en a fait sa priorité depuis 2014. À l'achèvement du deuxième mandat de Contrôleur général, l'institution aura visité, à ce titre, tous les établissements spécia­ lisés en santé mentale et une majorité des services psychiatriques des hôpitaux généraux accueillant des patients selon le mode légal d'admission dénommé, depuis 2011, soins sans consentement. Ces visites ont conduit au constat que l'hospitalisation à temps plein s'accompagne d'atteintes plus ou moins graves à la dignité et aux droits des patients et singulièrement à leur liberté d'aller et venir. Le nombre important de ces visites, a permis de mesu­ rer l'ampleur des atteintes et leur banalisation, mais également d'observer de bonnes pratiques et des initiatives pour échapper à ce mouvement. Au fil de ces années, le CGLPL a aussi mesuré Introduction 47197248.indd 1 16/03/2020 10:22:18 Soins sans consentement et droits fondamentaux 2 avec satisfaction l'évolution de ses interlocuteurs dans ses visites. Réticents il y a douze ans, ils marquent désormais leur inté­ rêt pour le prisme d'observation du CGLPL, reconnaissant les apports d'un « regard extérieur » et sollicitant les échanges. Le CGLPL n'a jamais visité deux établissements similaires, les éléments de distinction touchent l'ensemble de leurs conditions de fonctionnement : la situation et l'environnement, la qualité et la disposition des locaux, les modes de gestion, l'organisation des unités, la répartition des patients, le nombre de lits. Tous ces aspects ont une incidence sur la prise en charge des patients. Aucun de ces établissements n'est totalement exempt d'atteintes aux droits de ses patients. Cette diversité permet au CGLPL dans le présent rapport de ne pas se limiter à la description ou à la dénonciation des pratiques mais de tenter une compréhen­ sion des éléments de fonctionnement, local ou à de plus larges échelles, qui contribuent à ces atteintes. Ces visites ont également permis de mettre en évidence des explications sur l'origine ou les motivations de pratiques exagérément contraignantes. Les personnes admises en soins psychiatriques sans leur consen­ tement sont, pour nombre d'entre elles, parmi les plus vulnérables des personnes privées de liberté, les moins capables de défendre leurs droits et leur dignité. Pour une partie d'entre elles, c'est même en raison de leur incapacité que cette mesure leur est appliquée puisque selon la loi, « ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ». Leurs familles et leurs amis, souvent plus accablés que vindicatifs, ne sont pas en situation de veiller au respect de leur proche hospitalisé. Le patient est, à la lettre, pris en « charge » et n'est guère exigeant sur le respect de sa personne. La loi, depuis près de deux siècles, permet d'hospitaliser des personnes atteintes de troubles mentaux et ceci sans leur consente­ ment. Même si les textes affirment que les soins libres doivent être privilégiés lorsque l'état de santé de la personne le permet, dans la pratique, la part des soins sous contrainte dans les admissions croît de façon préoccupante, atteignant le quart des admissions et représentant 40 % d'entre elles dans certains établissements. Or, 47197248.indd 2 16/03/2020 10:22:18 Introduction 3 de cette contrainte aux soins, les professionnels ont parfois tiré l'autorisation implicite d'une contrainte au corps se traduisant en une contrainte aux comportements : horaires, tabac, visites, etc., dans un souci de normalisation afin d'organiser la vie collective. La limitation, voire l'absence de relations avec l'extérieur, l'agi­ tation de certains patients et la nécessité de maîtriser quelques faits et gestes erratiques ont permis, historiquement, le dévelop­ pement de pratiques empiriques, hors de tout contrôle réel par des instances institutionnelles, voire de simples regards extérieurs aux établissements. Bien sûr, ceux-ci se sont ouverts mais, dans bien des lieux, les esprits le sont moins et les professionnels sont d'autant moins enclins à l'observation et à l'analyse critique de leurs pratiques et de leurs effets qu'ils n'en ont pas le temps et qu'ils sont dans leur immense majorité mus par la convic­ tion que « c'est pour le bien du patient ». Le fonctionnement fermé, conjugué aux difficultés matérielles croissantes, entraîne des dérives, limite les prises de distance, ainsi qu'en témoignent de nombreux soignants : « on ne se voit plus travailler ». Tout ce que le CGLPL a constaté n'avait pas été repéré aupa­ ravant par les contrôles externes, quels qu'ils soient ; les instances supposées orienter, contrôler ou certifier les fonctionnements des établissements, n'avaient pas porté leur regard sur les droits fon­ damentaux des patients, ou l'avaient fait insuffisamment. Elles n'ont apporté aucune assurance du respect des droits. Les établissements de santé mentale ne sont pas épargnés par la crise de l'hôpital public, qui touche notamment aux moyens humains, à laquelle s'ajoute pour eux, la mutation de la patientèle et de la demande collective : l'évolution de la nature des troubles men­ taux, en partie consécutive aux difficultés sociales et à des conditions de vie déstabilisantes, un besoin de sécurité plus ou moins réel mais exacerbé par le discours politique. Une demande paradoxale est faite à la psychiatrie : celle d'une ouverture par le virage ambulatoire accompagné de la fermeture d'un grand nombre de lits d'hospi­ talisation et celle d'un enfermement de plus en plus uploads/Sante/ rapport-soins-sans-consentement-et-droits-fondamentaux-web.pdf

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  • Publié le Jan 29, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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