La Revue de médecine interne 31 (2010) 23–28 Mise au point Le syndrome de l’hom

La Revue de médecine interne 31 (2010) 23–28 Mise au point Le syndrome de l’homme raide et autres maladies neurologiques associées aux anticorps anti-GAD Stiff-person syndrome and other neurological disorders associated with anti-GAD antibodies J. Hijazi a,∗, A.-L. Bedat-Millet a,b, D. Hannequin a,c a Service de neurologie, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen, France b Service de neurophysiologie, CHU de Rouen, 76031 Rouen, France c Inserm U614, faculté de médecine, 76000 Rouen, France Disponible sur Internet le 13 octobre 2009 Résumé Les anticorps anti-glutamic acid decarboxylase (GAD), initialement identifiés dans le syndrome de l’homme raide, sont également associés à de rares cas d’épilepsie pharmacorésistante et d’ataxie cérébelleuse. Cette association aux anticorps anti-GAD, et à d’autres maladies auto-immunes (au premier rang desquelles le diabète de type 1), plaide en faveur de l’origine auto-immune de ces trois syndromes. Les anticorps anti-GAD, à la fois in vitro et dans les modèles murins, provoquent une inhibition des circuits GABAergiques, responsable d’une hyperexcitabilité neuronale qui serait le mécanisme commun à ces trois syndromes. En revanche, la part de responsabilité des anticorps anti-GAD dans la composante dégénérative de l’atteinte cérébelleuse reste à déterminer. Une meilleure connaissance clinique de ces trois syndromes associés aux anticorps anti-GAD est nécessaire, à la fois pour réduire le délai diagnostique et thérapeutique, et estimer leur exacte prévalence. L’étude de cas anatomocliniques est nécessaire pour préciser les différents mécanismes physiopathologiques associés aux anticorps anti-GAD. © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Syndrome de l’homme raide ; Ataxie cérébelleuse ; Épilepsie pharmacorésistante ; Glutamic acid decarboxylase ; Encéphalomyélite progressive avec rigidité Abstract Autoantibodies to glutamic acid decarboxylase (GAD), originally identified in the stiff-person syndrome, are also associated with rare cases of therapy-resistant epilepsy and sporadic cerebellar ataxia. The association of GAD antibodies with these three syndromes and other auto-immune diseases, particularly type 1 diabetes mellitus, argues for their auto-immune origin. Anti-GAD antibodies inhibit GABAergic circuits inducing a neuronal hyper-excitability that seems to be responsible for these three syndromes. However, an additional mechanism seems to be involved in the degenerative component of the cerebellar ataxia associated with anti-GAD antibodies. A more accurate diagnosis and the study of neuropathological cases are necessary to document the different mechanisms implicated in these neurological disorders. © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Stiff-person syndrome; Cerebellar ataxia; Therapy-resistant epilepsy; Glutamic acid decarboxylase; Progressive encephalomyelitis with rigidity 1. Introduction Les anticorps (Ac) anti-glutamic acid decarboxylase (GAD) ont été initialement identifiés chez un patient diabétique atteint d’unsyndromedel’hommeraideoustiff-personsyndrome(SPS) [1]. Ce syndrome est caractérisé par une rigidité d’installation ∗Auteur correspondant. Adresse e-mail : hijazi jihad@yahoo.fr (J. Hijazi). progressive de la musculature axiale et des muscles proximaux des membres, associée à des spasmes douloureux [2–4]. Le GAD est un enzyme qui régule la synthèse de l’acide gamma- aminobutyrique (GABA) à partir de l’acide glutamique. Ses deux isoformes, de 65-kDa (GAD65) et de 67-kDa (GAD67), sont présents dans le cytoplasme et les vésicules sécrétoires des neurones sécréteurs du GABA et dans les cellules  pancréa- tiques. Cette double localisation du GABA peut expliquer que les Ac anti-GAD aient à la fois une expression neurologique (SPS, épilepsie et ataxie cérébelleuse) et métabolique (diabète 0248-8663/$ – see front matter © 2009 Société nationale française de médecine interne (SNFMI). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2009.01.012 © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 07/06/2019 Il est interdit et illégal de diffuser ce document. 24 J. Hijazi et al. / La Revue de médecine interne 31 (2010) 23–28 type 1 [DT1] [5], syndrome polyendocrinien auto-immun type 1 [6] et céroïde-lipofuscinose juvénile [7]). Cette revue concerne le SPS et les autres manifestations neurologiques associées aux Ac anti-GAD. 2. Les manifestations neurologiques liées aux Ac anti-GAD 2.1. Le syndrome de l’homme raide 2.1.1. Généralités Le SPS est une maladie rare, dont le diagnostic est fait avec retard. L’incidence et la prévalence de cette affection ne sont pas connues. Il est admis qu’il existe trois formes de SPS : une forme typique axiale, une forme focale et une forme encépha- litique d’évolution rapide [2–4,8,9]. Dans la forme typique, les femmes sont fréquemment plus touchées que les hommes (ratio de 2 : 1 jusqu’à 5 : 1 selon les séries) [3,9,10], expliquant que la terminologie “stiff-person syndrome” a remplacé celle de “stiff- man syndrome”. L’âge moyen de début est entre les quatrième et cinquième décades, mais plusieurs cas ont été rapportés chez des sujets plus âgés et chez des enfants [3,10,11]. 2.1.2. Clinique de la forme typique axiale La maladie, dans sa forme typique, débute insidieusement, souvent par une douleur et une raideur lombaires invalidantes, parfois associées à des spasmes. Au fil des années, la rai- deur s’aggrave et s’étend aux autres muscles axiaux, puis aux muscles proximaux des membres. Cette rigidité entraîne des douleurs, des postures anormales et une scoliose ou toute autre déformation des différentes parties du rachis [3,8,12]. Elle fluc- tue pendant la journée et disparaît au cours du sommeil et de l’anesthésie. Les spasmes du tronc surviennent spontanément ou sont déclenchés par un bruit brusque, une émotion (surtout la peur), un effort ou une stimulation tactile. Ils sont brefs, suivis d’une augmentation de la rigidité pendant quelques minutes. Ces spasmes peuvent être douloureux et sont souvent asso- ciés à une hypersudation, des poussées hypertensives et des palpitations. Ces signes adrénergiques qui peuvent apparaître isolément traduisent le dysfonctionnement du système auto- nome, responsable d’un taux de mort subite estimé à 10 % [3]. Les spasmes des muscles abdominaux et des extenseurs des membres inférieurs peuvent être responsables de chutes trau- matisantes. Les réflexes ostéotendineux sont normaux ou vifs. La marche est précautionneuse pour éviter le déclenchement des spasmes. Des troubles oculomoteurs peuvent être associés chez certains patients [13]. Le reste de l’examen est normal. Au bout de 12 mois en moyenne, l’intensité croissante de la rigidité et de la fréquence des spasmes confine le patient au lit en l’absence de traitement. Un diagnostic psychiatrique est parfois retenu à tort pendant des années [3,12,14], d’autant plus que l’association à des signes psychiatriques est fréquente. Ainsi, dans une étude prospective de 43 SPS, une phobie de marcher sans aide dans un espace ouvert, de traverser la rue ou de descendre un escalier existait chez tous les patients [15]. 2.1.3. Critères diagnostiques Sept critères diagnostiques ont été proposés [12] : • apparition d’une raideur et d’une rigidité des muscles axiaux ; • évolution lente de la rigidité qui gagne les muscles des racines des membres, entraînant une difficulté lors de la réalisation des mouvements volontaires et de la marche ; • déformation fixe du rachis ; • spasmesparoxystiquesprovoquésparunmouvement,unbruit brusque ou une émotion ; • examen sensitivomoteur normal ; • absence de troubles cognitifs ; • électromyogramme caractérisé par une activité continue de potentiels d’unité motrice sans signe de dénervation, qui dis- paraît sous diazépam en intraveineux ou per os. 2.1.4. Diagnostic différentiel La rigidité est un élément sémiologique partagé par différentes pathologies neurologiques tels que les atteintes médullaires progressives, les dystonies, les syndromes parkin- soniens et certaines myopathies, mais en règle leur diagnostic est facilement évoqué à partir de l’ensemble des éléments sémiolo- giques et paracliniques usuels. Le diagnostic différentiel est plus difficile avec une neuromyotonie acquise (ou syndrome d’Isaac) [16] qui est caractérisée par l’installation progressive d’une rigi- ditégénéraliséetouchantlesmusclesdistaux,proximaux,axiaux et mêmes faciaux avec des douleurs musculaires et des postures anormales du tronc et des membres et une transpiration pro- fuse [17]. La myotonie, les crampes et les fasciculations sont permanentes, aggravées après l’effort. D’origine axonale moto- neuronale, cette neuromyotonie persiste pendant le sommeil et l’anesthésie générale à la différence du SPS qui est d’origine centrale [16,17]. 2.1.5. Examens complémentaires Un taux significativement élevé d’Ac anti-GAD (en règle, il s’agit des Ac anti-GAD65) dans le sang et dans le liquide céphalorachidien (LCR) est retrouvé chez 60 à 80 % des patients ayant un SPS [9,10,18,19]. La protéinorachie est le plus sou- vent normale et une discrète pléiocytose (inférieure à 24/mm3) est possible [3]. Des bandes oligoclonales d’immunoglobulines (Ig) sont retrouvées dans 30 à 60 % des cas [3,9,10] et une synthèse intrathécale des Ac anti-GAD dans 85 % [10]. L’IRM encéphalique et médullaire est normale [3,20]. 2.1.6. Association à d’autres maladies auto-immunes La moitié des patients a un DT1 [9,10] avec des Ac anti- îlots de Langerhans. L’association à la thyroïdite d’Hashimoto et aux Ac antithyroperoxydase et antithyroglobuline est fréquente. Une maladie de Biermer, un vitiligo, une myasthénie et une insuffisance surrénalienne associés ont été également rapportés [3,9,21]. À titre d’exemple, parmi 20 patients atteints de SPS avec des Ac anti-GAD, 17 étaient également porteurs d’autres auto-Ac [9], dont cinq avaient une dysthyroïdie. Par ailleurs, la possibilité,mêmesielleestrare,queleSPSassociéàdesAcanti- GAD soit de nature paranéoplasique justifie la recherche systé- matique d’un thymome [22,23] ou d’une autre néoplasie [24]. © 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 07/06/2019 Il est interdit et illégal de diffuser ce document. J. Hijazi uploads/Sante/ syndrome-homme-raide.pdf

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  • Publié le Apv 13, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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