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Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Les Études philosophiques. http://www.jstor.org LA MÉTAPHYSIQUE DANS LA CULTURE GRECQUE CLASSIQUE Author(s): Pierre Aubenque Source: Les Études philosophiques, No. 4, La métaphysique dans la culture (Octobre 2008), pp. 445 -450 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/20849925 Accessed: 24-01-2016 03:07 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/ info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. This content downloaded from 128.187.103.98 on Sun, 24 Jan 2016 03:07:06 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions LA METAPHYSIQUE DANS LA CULTURE GRECQUE CLASSIQUE II n'est surement pas plus aise de parler de metaphysique a Athenes que de chouettes dans la maison d'Athena. La trop grande proximite historique et geographique, l'affinite legendaire, la propension a crier au miracle - le ? miracle grec ?! ? oberent encore aujourd'hui le jugement sur le rapport priilosophico-historique de la metaphysique a la culture grecque classique, dans le cadre de laquelle elle a pris indeniablement naissance. Si Ton entend par ? metaphysique ?le systeme de pensee qui ordonne et ardcule autour de la notion d'etre notre comprehension de la realite en general, il est clair que la metaphysique est nee en Grece aux Ve et ive siecles avant J.-C et qu'elle a ete une institution grecque avant de se repandre au Moyen Age dans le monde islamique et l'Occident chretien. Pour certains, l'expression ?metaphysique grecque? est pleonastique: il n'y aurait de metaphysique que grecque, elle serait la quintessence de la culture grecque et, plus precisement, le deploiement des possibilites specifiques inherentes a la langue grecque. Cela est generalement affirme dans un sens laudatif, par exemple par Heidegger, qui dit que la langue grecque est, du point de vue des possibilites de la pensee, ?la plus puissante de toutes et celle qui est le plus la langue de Pesprit))1. Mais cette constatation peut s'entendre aussi comme une mise en question des preventions de la metaphysique a une vali dite universelle. Ainsi Leon Brunschvicg reprochait-il a la metaphysique des philosophes, singulierement d'Aristote, de ne faire qu'? expliciter une cer taine metaphysique spontanee de la langue grecque? et, par la, d'eriger inconsciemment les ? particularites ? contingentes de la langue grecque en ? conditions necessaires et universelles de la pensee ?2. Pourtant, la metaphysique nee en Grece, nee de la Grece, ne pouvait s'assimiler entierement au milieu d'ou elle etait issue. A la these ?il n'y a de metaphysique que grecque?, on pourrait tout aussi bien opposer cette 1. M. Heidegger, Introduction a la metaphysique, trad. G. Kahn, p. 67. 2. L. Brunschvicg, Les ages de intelligence, p. 68 et 58. L'expression ? metaphysique spon tanee de la langue grecque ? est empruntee par Brunschvicg au logicien Charles Serrus. Les Etudes philosophiques, n? 4/2008 This content downloaded from 128.187.103.98 on Sun, 24 Jan 2016 03:07:06 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 446 Pierre Aubenque autre : ?II n'y a pas de metaphysique pour les Grecs ?, puisque les Grecs ne pouvaient connaitre comme quelque chose d'etabli, d'institue et transmis par une tradition, une forme de pensee qui etait en train de naitre en eux, au sein meme de leur culture, mais en quelque sorte dans leur dos et parfois contre leur gre, en tout cas sans la participation active et consciente de la plupart. Le mot ?metaphysique? n'existe pas en grec classique. II est, comme on sait, un produit tardif issu de l'ordre des ecrits d'Aristote dans l'edition dAndronicos de Rhodes, une sorte de designation extrinseque pour une speculation qui n'avait pas de nom, mais dont les editeurs d'Aris tote avaient decide, non sans raison, qu'elle devait etre etudiee ? apres la physique ?. La metaphysique, c'est d'abord l'exigence negative de ne pas s'en tenir a la physique, de ne pas considerer l'etude de la nature, la science de la nature, comme le dernier mot ou le couronnement de la philosophic La physique ne nous permet d'atteindre ni les principes premiers ni les fins der nieres. Si importante soit-elle, elle n'est qu'une philosophic seconde, qui doit etre depassee vers une philosophic plus haute, une philosophic premiere. La metaphysique, c'est done d'abord un mouvement, un deplacement, un depassement, une montee - en grec, une ? anabase ?. Mais peut-on dire que ce depassement, qui s'est produit incontestable ment au sein de la culture grecque, est le produit de cette culture grecque elle-meme ? Nietzsche avait ses doutes a ce sujet: ? Entre le grand homme du concept, Aristote, et les mceurs et l'art des Hellenes, il subsiste un gouffre immense... C'est l'une des plus grandes qualites des Hellenes que de ne pou voir traduire en reflexion ce qu'ils ont de meilleur en eux. Autrement dit, ils sont nai'fs : c'est un mot qui resume la simplicite et la profondeur. Ils ont en eux quelque chose de l'ceuvre d'art. ?j L'art grec est sans doute, plus que la philosophic grecque, l'expression de la culture grecque : alors que les philo sophies vivent dans l'ombre des ecoles, ou ils developpent des doctrines ? esoteriques ?, e'est-a-dire non destinees au grand public, l'art s'etale en Grece sur la place publique ; il est le lieu et l'occasion des grandes fetes pan helleniques que sont les Panathenees, les jeux Pythiques ou Olympiques ; il fait l'objet d'une veneration generale. Or l'art est la manifestation, le laisser apparaitre des belles formes, des belles apparences. Le Beau est pour les Grecs ce que Hegel nommera ? der sinnliche Schein?, a la fois l'apparence sen sible et la lumiere qui irradie du sensible. Hegel aura seulement le tort d'ajouter, parce qu'il est penetre de plus de vingt siecles de metaphysique: ? der sinnliche Schein der Idee ?, ?l'apparaitre sensible de l'Idee?. Pour les Grecs, ce qui se manifeste dans la beaute de l'ceuvre d'art n'est pas autre chose que la belle apparence. La belle apparence n'a pas besoin d'un genitif possessif: elle n'appartient qu'a elle-meme, ne renvoie qu'a elle-meme. Ueidos, Yidea, c'est ce qui se montre, se manifeste, et non pas, comme le soutiendront les metaphysiciens, ce qui se dissimule derriere les phenomenes. Pour le dire 1. F. Nietzsche, La naissance de la philosophie a I'epoque de la tragedie grecque, trad. G. Bian quis, p. 17. This content downloaded from 128.187.103.98 on Sun, 24 Jan 2016 03:07:06 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions La metaphysique dans la culture grecque classique 447 encore avec Nietzsche, ce qui fait la profondeur de la culture grecque, c'est sa superficialite meme, le caractere non emprunte, non derive, mais imma nent et immediat de son eclat. Le conflit entre la metaphysique et la culture grecque culmine dans la condamnation a mort de Socrate, telle du moins que Platon l'interprete. Socrate est pour lui le ? metaphysicien ? avant la lettre, celui qui incite les hommes a depasser le monde sensible pour s'elever vers le monde hyperphy sique des Idees, Idees qui ne sont pas les belles formes, les belles apparences, mais ce dont les apparences sont l'apparence et, dans le meilleur des cas, Pimage plus ou moins deformee ou affaiblie. L'allegorie de la caverne symbo lise cette ascension, ce depassement proprement meta-physique. Mais il faut se rappeler que lorsque l'ascension pretend se prolonger en un retour, une redes cente dont elle serait la condition, le philosophe est renie par ceux-la memes qu'il avait pour ambition d'eclairer et de liberer. Si le philosophe s'avisait de redescendre dans le monde des ombres ou sa vision serait d'abord troublee, ? ne preterait-il pas a rire, ne dirait-on pas a son propos que, pour etre monte la haut, il en est revenu les yeux gates et qu'il ne vaut meme pas la peine d'es sayer d'y monter; et celui qui s'aviserait de les delier et de les emmener la-haut, celui-la, s'ils pouvaient s'en emparer et le tuer, ne le tueraient-ils pas ? ?1. Si je rappelle ce texte et l'evenement historique qu'il evoque, c'est pour corriger l'idee regue selon laquelle il aurait pu y avoir une sorte de conatura lite entre la culture et la metaphysique grecque. La metaphysique, comme le dira Bergson, est une fa$on difficultueuse de penser, elle implique une inver sion de la pente naturelle de l'intelligence, une conversion par rapport a l'attitude naturelle et culturellement etablie. II reste neanmoins que cette conversion a fait irruption au sein de la culture grecque plus que dans une autre, du moins pour la premiere fois et de la fa$on la plus exemplaire. Per sonne ne parle plus aujourd'hui d'un ? miracle grec ? pour expliquer, sans donner de raisons, la double emergence, presque simultanee, de Part et de la metaphysique grecs. Nous sommes plus portes aujourd'hui a uploads/Sante/aubenque-pierre-la-metaphysique-fr.pdf

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  • Publié le Oct 01, 2021
  • Catégorie Health / Santé
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