Biothérapies : comment les utiliser ? Des molécules aux indications précises, d

Biothérapies : comment les utiliser ? Des molécules aux indications précises, dont la prescription est réservée aux spécialistes, mais dont le suivi de tolérance incombe en partie au médecin généraliste : les biothérapies font désormais partie du paysage thérapeutique dans des domaines de plus en plus variés. Le terme « biothérapies » recouvre un ensemble de traitements d'origine immunologique destinés à agir contre des molécules du système immunitaire impliquées dans la physiopathologie de maladies inflammatoires rhumatologiques (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, rhumatisme psoriasique), digestives (maladies inflammatoires chroniques de l'intestin), neurologiques (sclérose en plaque), cutanées (psoriasis). Ce dossier est consacré à l'utilisation des biothérapies en rhumatologie, ces nouveaux traitements de fond ayant profondément modifié la prise en charge des patients porteurs de rhumatismes inflammatoires chroniques. QUELLES BIOTHÉRAPIES POUR QUELLES INDICATIONS ? Les produits disponibles › Les anti-TNF? ont pour but de bloquer le TNF?, cytokine pro-inflammatoire. Trois molécules sont actuellement commercialisées. Deux sont des anticorps monoclonaux : l'adalimumab (Humira®) est un anticorps monoclonal humain, tandis que l'infliximab (Rémicade®) est un anticorps monoclonal chimérique (comportant des séquences humaines et murines). Le troisième - étanercept (Enbrel®) - est un analogue d'un récepteur soluble du TNF? (on parle aussi de protéine de fusion). "L'efficacité de ces trois molécules a été démontrée sur le plan clinique, biologique et sur la qualité de vie, aussi bien dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) que dans la spondylarthrite ankylosante (SA) et le rhumatisme psoriasique (RP), précise le Pr Claudepierre. Une efficacité structurale (réduction de la progression des lésions radiologiques) a de plus été clairement établie dans la PR et à un moindre degré dans le rhumatisme psoriasique". Cependant, 30 % des patients traités par anti-TNF? pour une PR sont non répondeurs (1). « Les facteurs prédictifs de réponse au traitement ne sont pas clairement identifiés et il reste difficile de cibler les patients répondeurs, qu'il s'agisse de la PR, de la SA ou du RP. De façon générale, on pense qu'une maladie récente et la présence d'une inflammation importante constituent des facteurs de réponse au traitement à 3 mois. Pour autant, certains patients atteints de PR ou spondylarthrite depuis plusieurs années et sans syndrome inflammatoire important répondent de façon spectaculaire aux anti-TNF?. » › L'anakinra (Kineret®) est un inhibiteur de l'interleukine 1. Son efficacité est modérée par rapport à celle des anti-TNF? (2). › D'autres biothérapies agissent en induisant une déplétion d'une population cellulaire impliquée dans le processus pathologique. Ainsi, le rituximab (Mabthera®), anticorps monoclonal chimérique déjà utilisé en hématologie dans le traitement des lymphomes, cible le CD-20, molécule exprimée par les lymphocytes B. L'abatacept (Orencia®) est une protéine de fusion inhibant l'activation des lymphocytes T. Ces deux médicaments ont démontré leur efficacité dans la PR en association au méthotrexate (MTX), mais on ne dispose pas d'études les comparant directement aux anti-TNF?. › Un nouvel anticorps monoclonal anti-interleukine 6, le tocilizumab (Roactemra®), vient d'obtenir une AMM européenne dans le traitement de la PR (voir infra). Les indications Les principales indications des biothérapies, ainsi que le mode d'administration sont résumés dans le tableau 1. Leur prescription est réservée aux médecins spécialistes, selon les cas : rhumatologue, médecin interniste, pédiatre, dermatologue, gastroentérologue, oncologue, hématologue. › Dans la PR Rappelons que le traitement de fond de 1re intention, une fois le diagnostic de PR affirmé, est toujours le MTX (sauf contre-indication). - Les anti-TNF? se positionnent en 2e intention, après échec du MTX (ou réponse insuffisante) pris à dose optimale tolérée pendant au moins 3 mois ; ou bien en cas d'intolérance à celui-ci ; ou encore en cas d'échec à un autre traitement de fond ayant une efficacité structurale (léflunomide ou sulfasalazine), maintenu pendant au moins 3 mois à dose optimale tolérée (2 ; 3). - Les anti-TNF? sont utilisables en 1re intention dans une indication particulière : il s'agit des cas de PR active et sévère d'emblée, auxquels on peut proposer l'association MTX + anti-TNF? (2). - L'utilisation des anti-TNF? est possible en monothérapie (2), par exemple en cas d'intolérance au MTX ou lorsque la poursuite du MTX est inadaptée, sauf en ce qui concerne l'infliximab, qui dans la PR doit toujours être associé au MTX (encadré 1). - L’anakinra est indiqué chez les patients en association au méthotrexate après échec d’au moins un traitement de fond. Mais son efficacité modérée par rapport aux anti-TNF? et son profil de tolérance le réservent plutôt aux malades ayant une contre-indication aux anti-TNF? (4). - Le rituximab et l'abatacept sont indiqués, en association au MTX, dans les PR sévères et évolutives, en cas de réponse insuffisante ou d'intolérance à d'autres traitements de fond, dont au moins un anti- TNF?. Mais la HAS recommande plutôt de tester deux anti-TNF? avant de passer au rituximab ou à l'abatacept (4). - Le tocilizumab est indiqué (AMM européenne) en association au MTX, en cas de réponse inadéquate ou d'intolérance à un ou plusieurs traitements de fonds classiques ou à un ou plusieurs anti-TNF?. L'efficacité d'une biothérapie dans la PR s'évalue après 12 semaines, sauf pour le rituximab, où l'on attend le 4e mois ; de même pour l'abatacept, où selon le contexte on peut prolonger le délai de surveillance de 12 à 24 semaines. Pour juger de cette efficacité, les rhumatologues se basent sur le DAS 28 (Disease Activity Score : indice composite tenant compte du nombre d'articulations gonflées et/ou douloureuses, de la vitesse de sédimentation et de l'activité de la maladie évaluée par le patient sur une échelle analogique) et sur la réponse EULAR (déterminée selon l'évolution du DAS 28 entre deux mesures). › Dans la SA et le RP Seuls les anti-TNF? ont une indication parmi les biothérapies dans ces deux pathologies. À noter que les anti-TNF? sont volontiers utilisés seuls dans la SA et le RP, y compris l'infliximab. - Pour les formes à prédominance axiale de SA et de RP, les anti-TNF? sont indiqués après échec des traitements conventionnels, c’est-à-dire après échec d'au moins 3 AINS, à la dose optimale tolérée, pendant au moins 3 mois. Rappelons que le MTX ne constitue pas un traitement de fond des formes axiales de SA et de RP (5). - En présence d'une SA ou d'un RP à prédominance périphérique, les anti-TNF? ont leur place en cas d'échec à au moins un des traitements de fond suivants : MTX, léflunomide, sulfasalazine, utilisés pendant au moins 4 mois (5). L'efficacité du traitement est évaluée à 12 semaines, grâce à l'indice BASDAI (Bath Ankylosing Spondylitis Disease Activity Index) dans les formes axiales et au nombre d'articulations gonflées et douloureuses dans les formes périphériques. › Les autres indications (Vidal 2009) - En rhumatologie, deux anti-TNF? (étanercept et adalimumab) sont indiqués dans l'arthrite juvénile idiopathique polyarticulaire. L'étanercept, dans sa forme pédiatrique, s'adresse aux enfants et adolescents de 4 à 17 ans en cas de réponse inadéquate ou d'intolérance au MTX. L'adalimumab est indiqué chez l'adolescent de 13 à 17 ans, en association au MTX, en cas de réponse insuffisante à un ou plusieurs traitements de fond. Ou en monothérapie si intolérance au MTX. - En dermatologie, les trois anti-TNF? ont une AMM dans le psoriasis en plaques, en seconde intention après échec des autres traitements. - En gastro-entérologie, l'adalimumab et l'infliximab sont indiqués dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin. Le premier chez les patients porteurs d'une maladie de Crohn n'ayant pas répondu à un traitement approprié par un corticoïde et/ou un immunosuppresseur, ou chez lesquels ce traitement est contre-indiqué ou mal toléré ; le second dans la même indication, ainsi que dans la maladie de Crohn fistulisée, également chez l'enfant de 6 à 17 ans ayant une maladie de Crohn sévère et active, et enfin en cas de rectocolite hémorragique chez les patients qui n'ont pas répondu à un traitement conventionnel ou lorsque ce traitement est mal toléré ou contre-indiqué. - En hématologie, le rituximab est indiqué en cas de lymphome. - D'autres indications des anti-TNF? sont en cours d'évaluation : vascularites, sarcoïdose, lupus… En pratique › Concernant les anti-TNF?, il n'y a aucune raison d'en choisir a priori un plutôt qu'un autre (3 ; 4). Le choix se fait au cas par cas, en tenant compte du mode de vie du malade, d'éventuelles comorbidités (MICI), et du terrain en général (voir tableau 2). › Dans la PR, en cas d'échec à un premier anti-TNF?, la tendance actuelle est d'en tester un second avant de passer aux autres biothérapies ou à un autre protocole (4). « En revanche, il n'est pas recommandé d'essayer les 3 produits de la classe, car la probabilité de réponse diminue au fur et à mesure des échecs et l'enjeu dans la PR est de ne pas perdre de temps. » › Parmi les traitements de fond pouvant être associés aux anti-TNF? dans la PR, l'association avec le MTX est recommandée (4). L'association avec des traitements de fond classiques (léflunomide, sulfasalazine en particulier) est possible (2), mais la HAS précise à ce propos que des études supplémentaires sont nécessaires (4). Par ailleurs, on n'associe jamais deux anti-TNF?. Quant aux essais d'association des anti-TNF? avec d'autres biothérapies, uploads/Sante/hbj.pdf

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  • Publié le Jan 08, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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