LETTRE À UN CANDIDAT À L’ADMISSION DANS UNE LOGE RECTIFIÉE Monsieur, Vous m’ave
LETTRE À UN CANDIDAT À L’ADMISSION DANS UNE LOGE RECTIFIÉE Monsieur, Vous m’avez confié le désir que vous aviez d’être reçu Maçon dans le Régime particulier que suit la Loge à laquelle MM. de S… sont attachés ; le temps ne me permit pas pour lors de vous proposer quelques réflexions et observations prélimi- naires à cet égard, je les remis donc à un moment plus favorable, et je saisis celui-ci pour vous les présenter, vous invitant à ne point précipiter votre réponse. Je suis très flatté de la confiance que vous m’avez témoignée pour l’ouverture que vous m’avez faite de votre projet, et j’agirai en tout ce qui s’ensuivra d’après ce sentiment et l’estime particulière que vous m’avez inspirée, ainsi qu’à tous ceux qui ont l’honneur de vous connaître. Je ne doute pas que les motifs qui ont fait naître ce désir dans un homme aussi honnête et aussi réfléchi ne soient très louables, je ne doute pas non plus que la Loge à laquelle vous devrez les faire connaître quand il en sera temps ne sache bien les apprécier, et ne leur rende toute la justice qui leur sera due. Je me borne donc ici, Monsieur, à vous donner quelque légère idée de l’institut en général, et du Régime particulier auquel vous désirez vous associer. L’origine et le but essentiel de cette institution sont très anciens et sont fort peu connus, même du plus grand nombre de ceux qui portent le titre de Maçon, parce que le grand nombre se contente de l’écorce, et fort peu cherchent le noyau. Les uns ne désirent d’acquérir ce titre que pour se procurer sous son voile quelques amusements mystérieux et des amis souvent alors aussi peu solides que le goût qui les unit ; d’autres le désirent pour exercer en commun une bien- faisance louable et honorable qui est le but ostensible et général de la Société ; d’autres enfin, qui n’ont pu penser qu’une institution dont l’origine primitive se perd dans la nuit des siècles puisse exister et avoir résisté à tous les chocs sans être soutenue par un but fondamental et essentiel pour les hommes de tout rang, âge et nation, ont pris un essor plus élevé, de sorte que, pendant que les uns rampent dans le vestibule de l’édifice, d’autres planent sur son toit. Les écarts des uns dans la société civile ont avili aux yeux du public, souvent imprudent et précipité dans ses juge- ments, la Société la plus respectable, parce qu’il a fait à cet égard comme il a fait quelquefois pour ce qui concerne la Religion, qu’il confond souvent avec la conduite répréhensible de quelques ministres qu’elle emploie. Mais cette Société, ayant en elle une force propre, n’a point été et ne peut être par là avilie dans son essence, qui sera toujours très respectable. De cette diver- sité de goûts, il a dû résulter pendant le cours de la durée de cette institution, et dans son sein même, des Régimes différents, dont les uns, à mesure qu’ils se sont plus rapprochés du but primitif, auront dû avoir des règles plus austères que ceux qui auront préféré d’en rester plus éloignés. Telles que l’on voit par exemple quelques parties de certains Ordres religieux qui ont établi pour elles des réformes particulières et plus sévères, sans cesser cependant d’appartenir à leur Ordre primitif, mais bien plutôt pour se rapprocher de son but fondamental. Cet exposé suffira, je pense, pour vous porter à examiner sérieusement quel est le Régime qui conviendrait le mieux à vos vues et à vos goûts, et je me ferai ensuite un devoir et un plaisir de vous indiquer les portes de celui que vous aurez préféré. Celui auquel je suis attaché (ainsi que MM. de S…) a la dénomination particulière de Régime Rectifié. Il n’est pas le plus commode, ni le moins exigeant de tous ; mais s’il exige plus que les autres de ses membres , il leur laisse aussi espérer davantage ; il a ses épines, mais elles ne piquent que ceux qui cherchent avec trop de sensualité les fleurs, ou qui ont l’impatience de vouloir les cueillir avant leur temps. Voici, Monsieur, pour aider à vos réflexions, une définition générale de la Maçonnerie dans le Régime Rectifié, qui est le seul dont je vous parlerai maintenant. La Maçonnerie est une école dans laquelle ont éprouve graduellement l’aspirant pour en former un homme moral utile dans toutes les parties de la société humaine où la Divine Providence l’a placé, ou voudrait le placer ; dans laquelle on le forme ainsi sous le voile de divers symboles, emblèmes et allégories propres à exercer son intelligence suivant sa capacité, dont l’étude est adoucie par quelques amusements de société, honnêtes et décents, qui deviennent intéressants par le sel du mystère qui les accompagne. On le forme ainsi, s’il ne l’était déjà, ou on le fortifie, dans l’amour d’une pratique constante des devoirs religieux, moraux et sociaux, afin qu’il acquière l’habitude de cette vertu aimable et douce, qui plaît partout où elle se montre avec ses caractères, mais qui ne peut mériter le nom de vertu qu’autant qu’elle est fondée sur les bases inébranlables de la Religion chrétienne. Ainsi, quoique la Société des Maçons ne soit pas une société religieuse, car toute controverse en matière de reli- gion et de politique est expressément défendue dans toutes ses assemblées, cependant les principes Maçonniques qui la dirigent sont intimement liés aux principes fondamentaux de la Religion, sans lesquels nulle société particulière ne peut être essentiellement utile. Ainsi, pendant que le corps entier peut se rendre utile par la bienfaisance à la partie souffrante de l’humanité, chaque individu qui la compose peut y trouver aussi pour lui-même un avantage réel et inappréciable pour tout le cours de sa vie, et bien au-delà, s’il sait priser le bien que l’institut peut lui faire. Voilà, Monsieur, une légère esquisse de la Maçonnerie en général. Je me fais un plaisir de vous la présenter telle que je la connais, je souhaite qu’elle vous soit agréable. Nous ne proposons à personne de se faire recevoir parmi nous, et en cela nous différons beaucoup des autres, mais nous devons quelques conseils et éclaircissements à celui qui se présente de sa propre et libre volonté. Nous devons lui faire entrevoir que la démarche qu’il se propose de faire est beaucoup plus importante que plusieurs ne le pensent, afin qu’il puisse réfléchir mûrement avant de demander sa réception. Il y a lieu de croire que si, partout et en tout temps, on eût agi de même, on n’aurait pas eu besoin de réforme, et la Société aurait eu dans son sein moins de membres qui la déshonorent. Cependant, malgré ces précautions, il y a peu de Loges, dans tout Régime indifféremment, qui puissent se féliciter au même degré de tous les membres qu’elles reçoivent ; mais, Monsieur, ce que les forces réunies de la Religion ne peuvent faire sur certains hommes, doit-on se le promettre de celles moins puissantes d’un institut particulier ? Un nouveau reçu doit donc tirer le rideau de la charité fraternelle sur les défauts de ceux-là, et chercher vers d’autres ses modèles, car je puis vous dire avec vérité que ceux-là restent fort longtemps, si ce n’est pas toute leur vie, dans le vestibule, quoiqu’ils soient quelquefois fort avancés en grades ou en dignité dans l’institut. Si, après cet exposé, vous persistez, Monsieur, dans le dessein que vous m’avez annoncé, je dois vous faire remar- quer qu’il n’y a nulle nécessité pour un homme de se faire recevoir Maçon, mais qu’il est de la plus grande importance pour un homme marié de ne faire aucune démarche essentielle qui puisse altérer le moins du monde l’union dans sa maison. Bien des femmes ont un préjugé contre la Maçonnerie ; tout injuste qu’il est, un homme sage ne doit point le heurter de front. Parmi les femmes qui chérissent leur époux, il y en a qui regardent comme un temps enlevé aux douceurs de leur union celui que le mari destine à une association étrangère ; elles craignent quelquefois que ce qui est un bien apparent ou ne présente qu’un amusement honnête ne devienne une cause de dissipation nuisible de manière ou d’autre au bien commun de la maison. J’ose vous assurer que ces craintes sont sans fondement, mais on doit les excuser chez celles qui sont les premières victimes de leurs préjugés, et on doit agir à leur égard avec toute la prudence que suggère l’amitié. L’homme honnête qui s’est choisi une compagne doit lui rendre autant qu’il peut la vie douce, et ne pas la semer sans une nécessité absolue d’aucune amertume ; le bonheur n’existe que là où on le procure à tout ce qui nous environne. Le vrai Maçon doit être fidèle sujet, bon citoyen, bon mari, bon père, bon ami, enfin il doit être tout ce que lui inspire l’amour de la vertu et de ses devoirs : voilà ses caractères essentiels. S’il ne les a pas uploads/Societe et culture/ 2-lettre-a-un-candidat-a-l-x27-admission-dans-une-loge-rectifiee-jean-baptiste-willermoz.pdf
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- Publié le Apv 29, 2022
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