La culture traditionnelle chinoise et la culture occidentale contemporaine Par

La culture traditionnelle chinoise et la culture occidentale contemporaine Par OUYANG Yuzhi Les premiers rapports entre la Chine et l’Occident peuvent remonter à l’époque romaine, par un médiateur — principalement des marchands du Moyen-Orient qui constituent l’essentiel de la population étrangère résidant en Chine à l’époque. Schématiquement, il faudra attendre le XIIIe siècle pour retrouver des Européens en Chine (missions papales, Marco Polo…). Mais c’est au XVIe siècle que l’on peut situer les premiers contacts durables établis entre les Chinois et les Européens. Dès lors, les deux cultures les plus anciennes, plus ou moins, dans le monde mais formées sans contact direct aux deux bouts de la planète se laisseront séduire l’une par l’autre. Du côté de l’Occident, la Chine intrigue toujours les Occidentaux depuis la fameuse découverte de Marco Polo. Au temps des Lumières, la civilisation chinoise et sa mode politique furent l’objet d’une fascination pour beaucoup des intellectuels et des philosophies occidentaux, dont deux typiques furent Leibniz et Voltaire. Certes, parmi les nombreuses voix favorables à la Chine, on trouve des voix critiques, par exemple, Montesquieu et Rousseau. Malgré tout, la Chine est toujours resté un sujet brûlant en Occident jusqu’à nos jours. Au XXe siècle, la Chine excite une nouvelle vague d’intérêt chez les Occidentaux, d’abord par son maoïsme et la Révolution Culturelle et ensuite par son « miracle économique chinois», après l’adoption d’une politique d’ouverture sur l’extérieur en 1978. « La civilisation chinoise présente l’irrésistible fascination de ce qui est totalement ‘autre’, et seul ce qui est totalement ‘autre’ peut inspirer l’amour le plus profond en même temps qu’un puissant désir de le connaître », écrivait le grand savant Joseph Needham, auteur du monumental Science and Civilization in China. Du côté de la Chine, le sentiment envers l’Occident est compliqué. le sentiment de supériorité par rapport de sa longue culture conduit les Chinois à penser que la Chine est un pays du milieu dans le monde où nous habitons et que les autres, et donc leurs cultures, sont tous des barbares. (Voir un schéma1 de « sinocentrisme » ci-dessous). Si je peux dire que, au début, les contacts au XVIe siècle entre les Chinois et les Occidentaux par des missionnaires occidentaux ont excité plutôt une curiosité chez les Chinois vis-à-vis de la culture occidentale, alors, depuis La Querelle des Rites à la fin du XVIIe siècle, un sentiment d’hostilité a germé chez les Chinois envers les Occidentaux. En 1840, quand les canons anglais ont frappé à la porte de la Chine, les Chinois étaient très choqués par les Occidentaux, les ayant considérés auparavant comme des barbares. Face à ces envahisseurs puissants qui se sont imposés de plus en plus par la force depuis la première guerre d’Opium, un sentiment hostile pour les Occidentaux et un sentiment de honte à l’égard de leur propre culture se sont développés chez les peuples du pays du milieu. Comme le disait Sun-tseu (Sunzi) dans son célèbre ouvrage « L’art de la guerre » 2 : Connais l'adversaire et surtout connais toi toi-même et tu seras invincible. Afin de sauver leur pays, les intellectuels chinois, comme Kang Youwei, Lian Qichao, Zhang Zhidong (1837-1909) etc. à la fin de la dynastie Qing et aussi Hu Shi (1891-1962), Feng Youlan (1895-1990), Lian Shuming (1898-1988), Mou Zongsan (1909-1995) etc. dans l’époque moderne, n’ont jamais cessé d’étudier la culture 1 L’image est empruntée sur le site : http://zh.wikipedia.org/wiki/Image:Tenka_Han_%28zh%29.png consulté le 12 mars 2007 2 L'Art de la guerre (en chinois:孙子兵法, pinyin :sūn zǐ bīng fǎ, littéralement : Stratégie militaire de Maître Sun) est le premier traité de stratégie militaire écrit au monde (Vie siècle av. J.-C. – Ve siècle av. J. – C.) Son auteur est Sun-tseu. . Figure 1: schéma de « sinocentrisme » Etrangers du nord Pays qui font de tribut Ministres à l’extérieure Etrangers de l’est Fils de Ciel Etrangers du sud Espace hors de la sinisation Ministres à l’intérieure Etrangers de l’ouest occidentale et de la comparer à la culture chinoise pendant toute leur vie. Il est incontestable que, tant en Occident qu’en Chine, on ne manque pas de travaux de comparaison entre la culture chinoise et celle de l’Occident depuis la rencontre entre les deux cultures. Ne serait-ce que dans le cas de la France actuelle, il y a déjà de nombreux ouvrages qui sont consacrés à élaborer de telles comparaisons, dont les travaux de François Julien, de Jean François Billeter et d’Ivan P. Kamenarovic, sont des exemples remarquables, même si leurs points de vue sont parfois opposés. Un des plus célèbres philosophe chinois du XXe siècle, Liang Shuming, estimait qu’il y a trois types de cultures propres dans notre planète : la culture occidentale, la culture « hindoue » et la culture chinoise3. Selon lui, on peut apprécier la différence entre la culture occidentale et celle de la Chine ancienne en regardant leurs caractéristiques clés (j’emprunte ici les termes de René Barbier) : la culture occidentale dont les deux piliers centraux sont la science et la démocratie et le moteur l'élan continuel vers autre chose que ce qui est lié nécessairement à la maîtrise contraignante de la nature ; la culture chinoise qui assume totalement ce qui est, conçu comme énergie complètement dynamique, sans commencent ni fin, mais sans chercher à vouloir transformer l'ordre des choses — il s'agit plutôt de s'y insérer dans un équilibre du "juste milieu".4 Certes, chacun a sa méthode et ses points de vue sur la distinction entre les cultures chinoise et occidentale et leurs différences. N’importe quel point de vue consentira, on le sait sans aucun doute, à confirmer que la culture chinoise est absolument différente de la culture occidentale. C’est la raison pour laquelle François Jullien a pris la Chine comme un « point d’écart »5 par rapport la tradition européenne pour mieux connaître la culture occidentale, parce que, selon lui, « il n’y a que la Chine » à représenter un tel « cas d’extériorité » vis-à-vis de la tradition occidentale au sens large en comparaison des autres cultures (arabe, africaine, indienne…) 3 Liang Shuming, Les cultures d'Orient et d'Occident et leurs philosophies, version chinoise P. 60-63 4 René Barbier, L'esprit critique en chine, visité le 19 août 2002 http://www.barbier-rd.nom.fr/journal/article.php3?id_article=27 5 Entretien avec François Jullien, Entretien recueilli par Richard Piorunski et Bill Gater, le 25 janvier 1998 Consulté le 4 mars 2006 sur le site : http://www.berlol.net/foire/fle98ju.htm On ne fait pas la comparaison seulement pour le plaisir de comparer. Pour mieux comprendre l’étendue du conflit culturel chez les Chinois lors qu’ils vivent dans une Chine en pleine mutation sociale, il est inéluctable de devoir comparer les deux cultures enfin de trouver quelles sont les différences les plus marquantes entre les deux cultures. Evidemment, une telle comparaison est un travail difficile à faire. Si je précise toutes les différences entre les deux cultures, il y aurait beaucoup de choses à dire. Pourtant, puisque ma recherche est focalisée sur le rapport au savoir chez les étudiants chinois contemporains, que et j’ai déjà analysé précédemment les caractéristiques de la culture chinoise en comparaison, de temps en temps, avec la culture occidentale, il n’est donc pas nécessaire de consacrer trop de temps sur un tel travail de comparaison. 2.1. Origine unitaire et origine dualiste. Afin de mieux comprendre le présent, il faut d’abord bien connaître son passé. Pour mieux connaître la nature d’une chose, il faut d’abord réexaminer son origine. Je commence donc à étudier les différences entre la culture chinoise et la culture occidentale par leurs origines. Si j’étudie profondément l’origine d’une culture, il aurait beaucoup à en dire. Dans ma recherche, il n’est pas nécessaire d’étudier précisément leurs origines, mais de comparer les différences vis-à-vis de ces origines. Quelles que soit leurs origines, une chose est certaine et claire : elles sont éloignées et différentes. Comme le soulignait François JULLIEN, il n’y a que la culture chinoise à s’être développée le plus longtemps en dehors de rapports de fait, d’emprunt ou d’influence, avec l’Occident européen 6 L’origine de la culture chinoise est unitaire tandis que celle de l’Occident est dualiste. La culture chinoise descend des cultures antiques des dynasties Xie, Shang et Zhou. Depuis son antiquité jusqu’à nos jours, la culture traditionnelle chinoise a toujours gardé son uniformité, bien que parfois, dans l’histoire de la Chine, la culture chinoise a été menacée par des cultures étrangères. Mais grâce à sa capacité à absorber et à siniser, ceux qui sont venus de l’extérieur étaient toujours à la fin sinisés. Certes, je ne peux pas dire que la culture traditionnelle chinoise est toujours identique à celle de l’antiquité, puisque la culture est toujours dans le changement ; néanmoins, les principes essentiels de la culture chinois ne 6 François Julien, Le détour et l’accès, Stratégies du sens en Chine, en Grèce, Grasset, 1995, P. 9 changent jamais, au moins jusqu’à l’époque moderne. Par contre, la culture occidentale se compose essentiellement de deux cultures : celle issue de la Grèce et celle du judaïsme. La première a engendré la philosophie, la politique et la science contemporaine pour uploads/Societe et culture/ culture-chinoise-culture-occidentale.pdf

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