DONNER LE GOÛT ET LA CURIOSITÉ DE L’ART Propos recueillis par Jean-Pierre Saez,

DONNER LE GOÛT ET LA CURIOSITÉ DE L’ART Propos recueillis par Jean-Pierre Saez, Aurélie Filippetti Observatoire des politiques culturelles | « L'Observatoire » 2013/1 N° 42 | pages 11 à 16 ISSN 1165-2675 DOI 10.3917/lobs.042.0011 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-l-observatoire-2013-1-page-11.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Observatoire des politiques culturelles. © Observatoire des politiques culturelles. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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C’est l’un des grands chantiers culturel et éducatif du gouvernement. J’en ai fait ma priorité. Beaucoup de jeunes, du fait de leur situation sociale ou géogra- phique, pensent que l’art n’est pas pour eux. On ne peut pas accepter cette situation. La rencontre avec l’art est fondamentale dans la construction de la personnalité, dans l’émancipation individuelle de chacun. Elle nourrit l’imaginaire, la sensibilité, la créati- vité. L ’enjeu est de donner à tous les jeunes le goût et la curiosité de l’art, leur permettre de sortir des sentiers battus, de l’offre commerciale à laquelle ils sont confrontés en permanence et les aider dans l’élabo- ration de leur jugement esthétique. C’est pour moi un chantier majeur à conduire et ce, malgré les diffi cultés, car il est plus diffi cile d’apporter une pyramide dans la tête de chaque enfant que de construire des pyramides sur le territoire. L ’Observatoire – Enseigner l’art, éduquer à l’art, sensibiliser à l’art... Quelle est pour vous la fi nalité d’une politique d’éducation artistique et culturelle ? A. F. – Rencontrer l’art et y prendre goût, ça ne se décrète pas. C’est pourquoi ce chantier requiert une pédagogie nouvelle et très exigeante. C’est l’ambition que nous avons partagée, Vincent Peillon et moi, en instaurant l’éducation artistique et culturelle (EAC) comme composante fondamentale de la formation des élèves et en inscrivant le parcours d’EAC dans la loi de refondation de l’école. C’est la reconnaissance d’un ensemble qui forme un tout, la conjugaison de l’expérience sensible que provoque la rencontre avec les œuvres, les artistes, les lieux de culture, des pratiques artistiques et des investigations qui permettront à l’enfant et au jeune de se fonder une réelle culture artistique et de développer ses propres moyens d’expres- sion. C’est très novateur. On procède par d’autres démarches. On valorise la créativité, la curiosité, l’expérimentation personnelle. L’éducation artistique et culturelle est un processus qui allie des apprentissages (par les enseignements, notamment de musique, d’arts plastiques dispensés par les professeurs des écoles ou les enseignants des disciplines artistiques des collèges, mais aussi par l’histoire des arts) avec les actions de médiation, la fréquentation des structures culturelles et – point central – la rencontre avec les artistes. Nous voulons aussi renforcer les occasions de pratique artistique, que ce soit dans l’école ou dans les autres temps de vie des jeunes. Ce triptyque fonde pour moi le parcours d’EAC tel qu’il est institué par la loi. C’est un processus qui considère les jeunes dans leur entièreté, sans séparer le rationnel et le sensible. Apprendre à regarder, à écouter, à être attentif à la singularité d’une œuvre, c’est aussi une ouverture à la singularité des autres, à la pluralité des jugements et au plaisir de s’y confronter. L’art et la culture proposent des voies nouvelles dans la construction de la person- nalité, dans l’ouverture de l’imaginaire, dans la réconciliation avec le désir d’apprendre. C’est de cela qu’il s’agit : permettre aux jeunes de devenir de véritables amateurs, notamment ceux qui n’ont pas, de par leur milieu ou leur situation géographique, les codes ou les clés pour aller vers des lieux ou des univers qui leur semblent trop éloignés pour qu’ils se les approprient. DONNER LE GOÛT ET LA CURIOSITÉ DE L’ART L’Éducation artistique et culturelle revient enfi n sur le devant de la scène ! Annoncée comme un objectif prioritaire par le Président de la République, le sujet a fait l’objet d’une concerta- tion nationale lors de l’hiver dernier, appuyé par un Tour de France de l’éducation artistique et culturelle mené par Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, auprès de multiples territoires. Quelle vision de l’éducation et de la culture est en jeu à travers l’éducation artistique et culturelle ? Comment mieux assurer le partenariat Éduca- tion nationale, Culture et autres ministères autour de cet objectif ? Comment inscrire, dans un élan commun en faveur de l’éducation artistique et culturelle, l’ensemble des acteurs et des collectivités territoriales ? Dans un contexte budgétaire contraint, comment traduire dans les faits cette grande ambition ? Entretien avec Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication Propos recueillis par Jean-Pierre Saez © Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245) © Observatoire des politiques culturelles | Téléchargé le 14/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 190.115.174.245) page 12 | l’Observatoire - No 42, été 2013 - dossier Parce que l’art et la culture sont de puissants vecteurs d’émancipation individuelle et d’intégration sociale, je souhaite que cette dynamique aille au-delà de l’école, qu’elle concerne tous les temps de vie des jeunes, sur le temps scolaire, bien sûr, mais aussi en dehors du temps scolaire, les temps de loisir. Ma volonté, c’est d’instaurer un lien plus étroit et plus fécond entre ce qui se fait à l’école et ce qui se fait dans les struc- tures culturelles, les centres socioculturels et dans tous les lieux qui ont une dimen- sion éducative. Ce sont aussi des enjeux démocratiques, de solidarité et d’intégration car la fréquentation des bibliothèques, des salles de cinémas, des théâtres, des musées implique de savoir vivre ensemble dans des lieux de mixité et de tolérance. L’Observatoire – Permettre à tous les enfants, à tous les jeunes de participer à des parcours réguliers d’éducation artis- tique et culturelle nécessite d’avoir en perspective une politique de généralisa- tion. Cependant, sommes-nous armés pour une telle politique ? A. F . – L ’EAC repose sur les enseignements qui concernent tous les enfants. Le rôle de l’école est primordial, même si elle ne peut pas tout faire. Tous les jeunes passent par l’école. C’est un espace d’égalité républi- caine où les jeunes peuvent acquérir le plaisir du contact avec les arts et la culture, ainsi que leurs clés d’accès, grâce à l’histoire des arts, les résidences d’artistes, les jumelages avec des structures culturelles, le lien avec les conservatoires et les médiathèques. Le parcours, lui, comprend des actions qui se feront dans des moments complémentaires de l’école, en privilégiant les partenariats avec les milieux socio-éducatifs, notamment les fédérations d’éducation populaire : visites au musée, travail avec le conservatoire, projets avec un opéra, un monument ou un centre chorégraphique, auquel on peut ajouter tout ce que font les médiathèques en partenariat avec les écoles : rencontres avec les écrivains, connaissance des métiers du livre. De nombreuses actions se feront dans une dimension patrimoniale ou encore avec les écoles d’architecture. C’est donc un foisonnement d’actions qui existe et qu’il faut valoriser. Ce foisonnement, c’est notre richesse. Il ne faut pas le réduire à un modèle unique ou uniforme mais plutôt l’organiser et y mettre plus de cohérence, de façon à donner la priorité à ceux qui sont le plus éloignés de la culture : les zones rurales et les quartiers populaires. Il faut aussi mieux coordonner l’action publique sur ces terri- toires. C’est là que j’ai décidé d’accompagner les collectivités qui seront volontaires. Il est également important que l’ensemble de la communauté éducative travaille de manière concertée, sur le bassin de vie des enfants et des jeunes, là où se trouvent de multiples ressources artistiques et cultu- relles. C’est une dynamique territoriale qui va impliquer un partenariat plus fort et rénové entre les services de l’État et les collectivités territoriales. Il faut mettre plus de sens dans nos propositions. L’Observatoire – L’un des sujets sur lequel le rapport Bouët-Desplechin met particulièrement l’accent concerne la gouvernance de l’EAC, c’est-à-dire le partenariat qu’elle implique et son pilotage. Qu’est-ce qui doit évoluer dans ce partenariat ? Comment situez-vous uploads/Societe et culture/ donner-le-gout-et-la-curiosite-de-l-x27-art.pdf

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