Revue des sociétés Revue des sociétés 2018 p.658 Action sociale en responsabili

Revue des sociétés Revue des sociétés 2018 p.658 Action sociale en responsabilité et lien de causalité Cour de cassation (3e civ.), 5 juillet 2018, n° 17-19.811 (F-D) Pascal Pisoni L'essentiel Un associé peut exercer l'action sociale en responsabilité contre le gérant au titre d'un préjudice causé à la société par une faute dans sa gestion. Mais en l'absence de lien de causalité entre la faute de gestion alléguée et la condamnation prononcée à l'encontre de la société, la demande de l'associé doit être rejetée. Une société (dénommée SAPF) en avait assigné une autre (constituée sous la forme d'une SCI), représentée par son liquidateur, en paiement du solde de son compte courant d'associé. Un associé de la SCI était intervenu volontairement à l'instance et avait assigné la gérante de cette société, qui était également présidente de la SAPF, afin d'obtenir sa condamnation à garantir la SCI des condamnations prononcées à son encontre au titre du remboursement du compte courant d'associé. La cour d'appel de Caen, estimant que la preuve d'une faute de gestion commise par la gérante n'était pas rapportée, avait rejeté cette demande. C'est cette décision que l'associé de la SCI entendait remettre en cause devant la Cour de cassation. Comme le rappelle la Troisième Chambre civile dans l'arrêt sous commentaire, un associé peut intenter l'action sociale en responsabilité contre le gérant au titre d'un préjudice causé à la société par une faute dans sa gestion. Cette action sociale ut singuli peut notamment être mise en oeuvre dans les sociétés civiles sur le fondement de l'article 1843-5 du code civil. Le fait que la SCI ait été dissoute par décision judiciaire ne constituait nullement un obstacle à l'exercice de l'action, dès lors que la dissolution n'entraîne pas la disparition du groupement (v. not. Paris, 17 janv. 2005, Rev. sociétés 2005. 695, obs. I. Urbain-Parleani ). Reprenant ensuite les constatations des juges du fond, les hauts magistrats relèvent que l'associé de la SCI, qui recherche la responsabilité de la gérante au titre du préjudice qu'elle aurait causé à la société pour avoir consenti un bail à des conditions désavantageuses pour celle- ci, demande que la dirigeante soit condamnée à garantir la SCI des condamnations prononcées à son encontre au titre du remboursement du solde du compte courant de son associée, la SAPF. Ils en concluent qu'il n'existe pas de lien de causalité entre la faute de gestion alléguée et la condamnation prononcée à l'encontre de la SCI et que la demande de l'associé doit, en conséquence, être rejetée. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision se trouve donc légalement justifiée. La responsabilité du dirigeant suppose en effet que soit établi, par le demandeur à l'action, un lien de causalité entre la faute reprochée au mandataire social et le préjudice subi par la société. Il n'est pas dérogé à ce principe dans le cadre de l'action sociale en responsabilité. Les juges du fond saisis doivent constater l'existence de ce lien causal. La Cour de cassation veille, comme le démontre le présent arrêt du 5 juillet 2018, au respect de cette exigence. En l'espèce, il ne faisait aucun doute que l'obligation de remboursement du compte courant ne pouvait trouver sa cause dans la faute de gestion alléguée. On rappellera par ailleurs que les comptes courants d'associés sont, sauf convention contraire, remboursables à tout moment (Com., 8 déc. 2009, n° 08-16.418, Rev. sociétés 2010. 37, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2010. 359, obs. C. Champaud et D. Danet ; sous réserve de l'abus de droit : v. X. Delpech, Rép. sociétés, v° Compte courant d'associé, spéc. nos 62 et 63), la société fût-elle en liquidation (Com. 5 mars 1991, n° 89-21.381, Bull. Joly 1991. 499). Mots clés : SOCIETE EN GENERAL * Dirigeant social * Responsabilité civile * Action sociale * Faute de gestion * Préjudice Revue des sociétés 2018 p.665 La casuistique de la responsabilité des dirigeants sociaux Note sous Cour de cassation (com.), 5 avril 2018, n° 16-23.365 (F-D) et Cour de cassation (com.), 13 juin 2018, n° 16-26.323 (F-D) Laurent Godon, Professeur à l'université de Rennes 1 ; Centre de droit des affaires L'essentiel Constituent des fautes de gestion le fait pour un dirigeant de confier à un prestataire la réalisation d'un logiciel dépassant ses compétences et ayant précédemment fourni des prestations d'une qualité douteuse, et ce malgré la réticence du conseil de surveillance, tout en s'abstenant d'élaborer un projet prenant réellement en compte les besoins de l'entreprise. Le dirigeant social qui emploie fictivement une salariée, qui travaillait en réalité aux domiciles du dirigeant et d'un autre associé, commet des fautes de gestion en manquant à son devoir de loyauté envers la société et en agissant à l'encontre de l'intérêt social (1re esp.). La dissimulation de faits préjudiciables à la société susceptible de reporter le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contre le dirigeant suppose de la part de ce dernier une « volonté de dissimuler » (2e esp.). 1re espèce La Cour, Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. D. que sur le pourvoi incident relevé par M. L. ; Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. D. a été recruté le 3 juin 2002 par la société RM System GmbH, dont la SARL RM System France devenue la SAS RM System France (la société RM) et la SARL RM System Nord étaient les filiales ; qu'il est devenu, en 2007, gérant de cette dernière, puis, le 3 novembre 2008, président de la société RM ; qu'en 2010, la société RM System Nord a été absorbée par la société RM ; que, reprochant diverses fautes à M. D., celle-ci l'a révoqué puis assigné en paiement de dommages-intérêts ; que M. D. a appelé en garantie les deux actionnaires de cette société, MM. L. et J. ; Sur le premier moyen du pourvoi principal : Attendu que M. D. fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société RM la somme de 242 423,66 € alors, selon le [troisième] moyen [du pourvoi principal] : 1°/ que dans ses conclusions, la société RM précisait que la faute de gestion reprochée à M. D., consistant à avoir accepté un voyage privé en contrepartie d'avantages commerciaux, avait causé à la société RM un préjudice tenant à une augmentation des coefficients tarifaires appliqués ; qu'elle ajoutait que : « la concession de la société Reflex de financer le voyage est la contrepartie d'une augmentation indue des prix supportés par la société RM System » ; qu'elle n'incluait pas, dans son préjudice, l'abandon d'un avoir de 23 777 € ; qu'en retenant l'abandon de cet avoir au titre du préjudice, la cour d'appel a statué ultra petita et a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que pour fixer le préjudice subi par la société RM à la somme de 56 759,20 €, la cour d'appel s'est livrée à des calculs qui n'étaient pas ceux des parties ; qu'elle a retenu que le trop versé par société RM correspondait à la différence entre le coefficient qu'il aurait été « normal » d'appliquer et celui qui avait été effectivement appliqué ; qu'en calculant, sans s'en expliquer, ce différentiel au regard du chiffre d'affaires réalisé en 2009 et en 2010 par la société RM, la cour d'appel a privé sa décision de motif et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu, d'une part, que la société RM ayant réclamé dans ses écritures la somme de 87 126,02 € au titre du préjudice résultant du financement d'un voyage par la société Reflex au bénéfice de M. D., la cour d'appel, qui a évalué à 56 759,20 € ce préjudice, n'a pas statué au-delà de ce qui lui était demandé ; Et attendu, d'autre part, que sous le couvert d'un grief non fondé de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen, en sa seconde branche, ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, de l'étendue du préjudice réparable ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen du pourvoi principal : Attendu que M. D. fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1°/ qu'en reprochant à M. D. d'avoir choisi la société Ideal Concept comme prestataire informatique et de n'avoir pas mis fin au contrat en dépit du retard de livraison, sans préciser en quoi ce faisant, M. D., qui n'était pas un professionnel de l'informatique, avait commis une faute de gestion, la cour d'appel a violé les articles L. 227-8 et L. 225-251 du code de commerce ; 2°/ qu'en retenant, pour considérer que M. D. avait commis une faute de gestion en choisissant la société Ideal Concept, que les précédentes prestations de celle-ci n'avaient déjà pas donné satisfaction, quand aucune des parties ne soutenait un tel moyen, la cour d'appel qui a méconnu l'objet du litige, a violé l'article uploads/Societe et culture/ faute-de-gestion-et-liens-de-causalite.pdf

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